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Masur en Russie

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/15/2009 -  
Modest Moussorgski : Une nuit sur le mont chauve (version originale) – Chants et Danses de la mort (orchestration de Chostakovitch)
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Manfred op. 58

Sergei Leiferkus (baryton)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction )


Kurt Masur (© Christophe Abramowitz/Radio France)


La musique russe n’a guère de secret pour Kurt Masur, qui lui a consacré son dernier concert avec l’Orchestre national. Loin des « arrangements » de Rimski-Korsakov, la version originale d’Une nuit sur le mont chauve semble annoncer Chostakovitch ; le chef allemand accentue cette dimension prophétique, faisant vrombir les basse, grincer les vents, déchaînant l’orchestre dans ce sabbat qu’il dirige pourtant sans jamais se hâter. Avec l’orchestration des Chants et Danses de la mort par le compositeur de Lady Macbeth de Mzensk, la transition se fait tout naturellement et Masur crée des atmosphères sombres, d’une implacable cruauté. Sergei Leiferkus est à son crépuscule, la voix bouge grisonne et bouge dans la Berceuse initiale, mais il se trouve chez lui, dans son univers, parfaitement à l’aise dans la déclamation, jouant sur le timbre, soutenu par un orchestre hagard. La voix se stabilise dans la Sérénade, où le chanteur retrouve la puissance épique de l’opéra russe. Au dernier chant, parfois un peu couvert par l’orchestre, le baryton donne une dimension hallucinée, terrible, quasi apocalyptique. Dans l’ensemble du cycle, on admire la caractérisation des différents personnages de ces mélodies, pierre d’achoppement de beaucoup d’interprétations : il faut aller ici au-delà du chant pur pour pénétrer le cœur des mots.


Manfred est à TchaÏkovski ce que Harold en Italie est à Berlioz, autre grand admirateur de Byron, à qui le sujet fut d’abord proposé par Balakirev : une tentative d’inscrire un programme dans les quatre mouvements traditionnels de la symphonie. Mais force est de convenir que le Russe se montre moins heureux que le Français, qu’il n’y témoigne pas de la même concentration – l’œuvre, dont la durée avoisine l’heure, est la plus longue de ses symphonies. Kurt Masur ne convainc pas d’emblée, faute de cette folie qu’y mettait un Svetlanov, même si le National montre que ses sonorités s’adaptent mieux à cette musique qu’à celle d’un Brahms. Est-ce le chef ou le compositeur ? « Manfred erre sur les Alpes », d’un lyrisme intense qui fait penser à l’Hermann de La Dame de pique, souffre d’une certaine baisse de tension dans le développement. Le Vivace con spirito de l’apparition de la Fée des Alpes sonne un peu sérieux et ne rend pas tout à fait justice au raffinement sonore de la musique, on doit attendre la reprise pour entendre des sonorités irisées et immatérielles. La « Pastorale », en revanche, d’une transparence mendelssohnienne, est réussie, le chef se refusant à l’alanguir dans une mélancolie typiquement slave – et les bois sont très beaux. Si l’Allegro con fuoco final concilie la clarté et la véhémence, alors que la bacchanale pourrait facilement se prêter à un pompiérisme bruyant, la direction émousse un peu trop les déchaînements de l’orgie.


Dans l’ensemble, l’ancien directeur du National a donc donné un beau concert. Un problème se pose néanmoins. Il est aujourd’hui directeur musical honoraire, le premier à occuper ce poste depuis la création de l’orchestre. Et il aura donné à Paris, fin janvier, autant de concerts que son successeur Daniele Gatti, qui a pris ses fonctions à la rentrée. On se demande si cette situation est saine pour les musiciens, quel que soit le plaisir qu’ils aient à retrouver leur précédent patron.



Didier van Moere

 

 

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