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Bach sous les auspices de Gardiner Paris Cité de la musique 01/10/2009 - Johann Sebastian Bach : Concertos brandebourgeois n° 5 BWV 1050, n° 6 BWV 1051 et n° 3 BWV 1048
The English Baroque Soloists
J. E. Gardiner (© Fred Toulet/Cité de la musique)
Sitôt revenus de Londres où ils venaient de donner une série de concerts dans la merveilleuse Spitalfields’ Church, les English Baroque Soloists et leur chef titulaire Sir John Eliot Gardiner étaient à Paris pour interpréter, en deux concerts, l’intégrale des Concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), couronnant ainsi une journée que la Cité de la musique, épaulée par des conférenciers aussi réputés que Gilles Cantagrel, Jean-Marie Lamour ou Claude Abromont, dédiait à ces œuvres parmi les plus célèbres de la période baroque.
Avant le concert du soir au cours duquel devaient être donnés les Premier, Deuxième et Quatrième concertos, la présente représentation était consacrée aux Cinquième, Sixième et Troisième. C’est donc devant une salle comble qu’entrèrent les musiciens d’un ensemble de musique baroque qui figure parmi les meilleurs depuis maintenant trente ans puisqu’il fut créé en 1978 ! Sir John Eliot Gardiner fit une brève allocution, dans un français absolument impeccable, pour signaler notamment aux spectateurs qu’il ne dirigerait que les Premier et Deuxième concertos, préférant laisser ses musiciens, parfaitement aguerris, jouer les autres pièces avec toute la liberté que réclame leur approche. Une fois Gardiner assis parmi les spectateurs, la musique put s’épanouir dans une salle particulièrement attentive, hormis les toux et habituels raclements de gorge entre les mouvements...
Dans la dédicace qu’il écrivit en français, le 24 mars 1721, à l’attention du margrave (titre que l’on peut traduire par « gouverneur de province ») Christian Ludwig de Brandebourg (1677-1734), Jean-Sébastien Bach rappelait en quelques mots la genèse de l’œuvre : « [Le margrave] voulut bien me faire l’honneur de me commander de Lui envoyer quelques pièces de ma Composition : j’ai donc selon ses très gracieux ordres, pris la liberté de rendre mes très-humbles devoirs à Votre Alteße Royalle, pour les présents Concerts, que j’ai accommodés à plusieurs Instruments ». Sans que l’on soit bien certain de leur date de composition (certaines mélodies remontant vraisemblablement à la période où Bach travaillait à Weimar entre 1708 et 1717), la compilation et la touche finale apportée à ces six concertos dateraient donc des années 1721-1722.
Faute d’élément historique permettant de connaître avec certitude l’ordre dans lequel ces concertos devaient être joués, le concert débutait par le Concerto BWV 1050 en ré majeur, soit le Cinquième. Si l’on se réfère à la définition communément admise (le concerto étant un dialogue entre ou plusieurs solistes et un orchestre), peut-on encore véritablement parler de « concerto » ? En effet, chaque instrument, basse continue incluse, est ici tour à tour soliste (le violon, la flûte, le clavecin en premier lieu) et l’orchestre, solistes compris, se limitait à sept instrumentistes (deux violons, une flûte traversière, un alto, un violoncelle, une contrebasse et un clavecin)… Même si l’on peut regretter la faible émission de la flûte, l’interprétation fut très belle sous la houlette passionnée de la violoniste Kati Debretzeni ; signalons notamment l’extraordinaire dextérité du claveciniste Matthew Halls dans sa grande cadence du premier mouvement…
En retrait dans le Cinquième, l’alto est, en revanche, au premier plan dans le suivant, le Concerto BWV 1051 en si bémol majeur puisque, en l’absence du violon, deux altos font ici figure de solistes. Le fait mérite d’être signalé car, à l’époque (hormis le célèbre Concerto de Telemann et quelques pièces de Benda), l’alto ne figurait pas parmi les instruments les plus sollicités par les compositeurs. En dépit de quelques problèmes de justesse entre Jane Rogers et Stella Wilkinson, l’interprétation fut particulièrement enlevée, leur chaleur emprunte de gravité étant finement contrebalancée par la douceur des deux violes de gambe. A l’instar des autres morceaux, l’originalité de l’interprétation a davantage résidé dans les contrastes de nuances que dans les appogiatures (d’ailleurs plus ou moins réussies selon les versions) ou les variations de tempi : les effets ainsi générés s’avérèrent de la plus belle facture.
Afin de conclure de manière quelque peu triomphale, les English Baroque Soloists avaient choisi par le Troisième brandebourgeois, soit le Concerto BWV 1048 en sol majeur. En effet, contrairement aux deux précédents qui privilégiaient les couleurs intimistes, ce concerto se veut plus exubérant, les thèmes passant successivement des trois violons aux trois altos avant d’être repris par les trois violoncelles dans une atmosphère d’euphorie et de tourbillonnement musical. Si tous les musiciens doivent être acclamés, nous réserverons notre bouquet de fleurs à la première violoniste, Kati Debretzeni, qui se signala à chaque instant par ses impulsions, son enthousiasme et sa magnifique cadence (écoutée dans un silence absolu) faisant office de transition entre les premier et troisième mouvements.
Même s’il fut sollicité par ses comparses, Sir John Eliot Gardiner ne rejoignit pas la scène au moment des saluts, préférant rester assis et applaudir avec enthousiasme ses musiciens qui, devant la ferveur du public, donnèrent en bis la dernière partie du troisième mouvement du Concerto BWV 1048 : quel dommage que celui-ci ne fût pas plus long !
Le site des English Baroque Soloists
Sébastien Gauthier
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