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Pour un «auditoire digérant»? Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/06/2009 - Eric Tanguy : In excelsis (création)
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano n° 5 «L’Egyptien», opus 103
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68
Brigitte Engerer (piano)
Ensemble orchestral de Paris, Andrea Quinn (direction)
Brigitte Engerer (© Karl Lagerfeld)
Sous la direction d’Andrea Quinn, l’Ensemble orchestral de Paris marque l’entrée dans la nouvelle année par une création qu’il a commandée à Eric Tanguy: In excelsis, comme In terra pace pour violoncelle et orchestre (voir ici), fait référence au texte du Gloria, mais est écrit pour un orchestre de chambre traditionnel augmenté de deux percussionnistes. «Festive et jubilatoire» selon le compositeur, d’une grande énergie, la partition rappelle la séduisante âpreté d’œuvres antérieures d’une dizaine d’années, comme Intrada ou Eclipse: gammes montant ou descendant en fusées mais aussi violentes éruptions marquent cette pièce de moins de dix minutes, dont le caractère rugueux et conflictuel illustre sans doute «le reflet de [ses] préoccupations spirituelles».
L’orchestre et le chef viennent d’enregistrer avec Brigitte Engerer deux concertos de Saint-Saëns pour Mirare. Plutôt que le célèbre Deuxième, la soliste a préféré le Cinquième (1896): en héritier d’une longue tradition interprétative, un Ciccolini, qui s’est également attaché à tenter de défendre cet orientalisme désuet et cette virtuosité démonstrative, parvenait à en faire ressortir la finesse et l’élégance. Ici, on songe maintes fois à Rachmaninov, avec ce que cela peut comporter à la fois de rigueur et d’excès: à l’appui de cette approche athlétique et expressive, Engerer fait valoir un sans-faute technique, notamment dans le redoutable Molto allegro final, dont Cortot regrettait qu’après le «charme oriental» de l’Andante, il «nous ramène sans ménagement dans l’atmosphère de la salle de concert, et devant cet "auditoire digérant", dont la présence, suivant un critique acerbe, convient au parfait épanouissement de certaines manifestations d’art». Ruminant ou non, le public du Théâtre des Champs-Elysées obtient un bis qui ne tempère nullement son enthousiasme: Le Rossignol (1825) d’Alabiev dans son arrangement (1842) par Liszt, précédé d’un retentissant «On t’aime Brigitte!» lancé par un spectateur.
En seconde partie, l’Ensemble orchestral de Paris se retrouvait en terrain de connaissance, puisqu’il a souvent donné avec John Nelson au cours des dernières saisons les Symphonies de Beethoven, dont il a gravé une intégrale pour Ambroisie (voir ici). Avec son ancien directeur musical, la formation parisienne livrait un Beethoven hyperactif et péremptoire, sec et nerveux, quoique sans doute à un moindre degré dans la Sixième «Pastorale» (1808). Sous la baguette plus souple d’Andrea Quinn, et malgré un effectif légèrement moins fourni (vingt-neuf cordes), la sonorité gagne en confort, mais au prix d’une juste mesure et d’une absence de parti pris d’une trop grande neutralité. Visiblement guère davantage convaincus par la personnalité de la Britannique, les musiciens témoignent, à défaut de leur infaillibilité, de leur capacité d’adaptation.
Le site d’Eric Tanguy
Simon Corley
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