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Un jeudi avec Stockhausen

Paris
Bobigny (MC93)
12/13/2008 -  et 12, 14, 15, 16 mai (Wien) 26 août (Köln), 7 (Venezia), 10 (Dresden) octobre, 14* décembre (Bobigny) 2008
Karlheinz Stockhausen : Donnerstags-Gruß et Michaels Reise um die Erde (extraits de Donnerstag aus «Licht», Nr. 48)

Marco Blaauw (trompette [Michel]), Nicola Jürgensen (cor de basset [Eve]), Michel Marang, Fie Schouten (clarinette, cor de basset [Le couple d’hirondelles])
musikFabrik, Peter Rundel (direction)
Carlos Padrissa (conception et mise en scène), Roland Olbeter (conception et décors), Franc Aleu (conception et vidéo), Valentina Carrasco (chorégraphie et assistante à la mise en scène), Paul Jeukendrup (régie son), Frank Sobotta (lumières), Chu Uroz (costumes), Thomas Ulrich (dramaturgie)


Nicola Jürgensen (Eve), Marco Blaauw (Michel)
(© Klaus Rudolph)




Disparu voici à peine plus d’un an, Karlheinz Stockhausen est l’un des compositeurs auxquels le Festival d’automne, qui l’a programmé dès sa deuxième édition (1973), rend hommage cette année, couvrant un demi-siècle d’activité créatrice depuis le Chant des adolescents jusqu’à trois pièces de son ultime cycle Son (Les vingt-quatre heures de la journée), qu’il n’a pu tout à fait mener à son terme. La programmation a également offert l’occasion d’entendre des extraits de Lumière (Les sept jours de la semaine), écrit entre 1977 et 2003: les Néerlandais de l’Ensemble Asko׀Schoenberg ont ainsi choisi la deuxième scène («Finalistes de concours d’orchestre») de Mercredi (dont la troisième scène n’est autre que le fameux «Quatuor à cordes avec hélicoptères»), tandis que l’ensemble colonais musikFabrik dirigé par Peter Rundel a donné à deux reprises à la MC93 de Bobigny deux extraits de Jeudi (1977-1980), le premier achevé des sept opéras du cycle.


Chacun d’entre eux s’ouvre sur un «Salut» (Gruß): selon le compositeur, «Salut de Jeudi» (1978) doit être joué, lors de l’exécution de l’opéra, «à partir d’un balcon ou d’une tribune, dans l’entrée du théâtre ou dans le foyer, trente minutes environ avant le début de la représentation». Rien de tel ici, où, plus traditionnellement, les musiciens et le chef sont installés sur scène pour interpréter ce triptyque d’un quart d’heure. Après une brève introduction, qui ne va guère au-delà de la fanfare initiale de La Péri de Dukas, les huit cuivres sont rejoints par les percussions et le piano pour une longue partie centrale n’ayant pas grand-chose à envier aux meilleures productions des écoles répétitives, puis pour une courte conclusion aux sonorités de big band.


Plus substantiel tant par sa durée (près de cinquante minutes) que par son contenu, «Le Voyage de Michel autour de la Terre» (1980) constitue le deuxième acte de Jeudi. Parmi les trois «personnages» centraux du cycle, «principes immortels, incarnations spirituelles» (Laurent Feneyrou), chacun caractérisé par une «formule» musicale de onze à treize notes, Lucifer n’apparaît pas tandis que Michel et Eve sont incarnés par des instrumentistes, et non par des chanteurs: trompette pour l’un, cor de basset pour l’autre. S’y joignent deux clarinettistes costumés («croisement clownesque d’une hirondelle et d’un pingouin»).


Stockhausen voit dans le jeudi non seulement le jour de Jupiter mais celui de Michel, qui, après le premier acte (à connotation autobiographique), narrant sa jeunesse, et avant le troisième acte, décrivant son ascension, accomplit un voyage autour du monde: celui-ci est figuré par les membres de l’orchestre (sept bois, sept cuivres, harpe, harmonium, piano, orgue électrique, percussions et huit cordes), dont certains répondent à l’appel de Michel, tel le contrebassiste, ou interviennent dans l’action, comme ces deux trombonistes en cape et loup noirs. Difficile ne pas penser à La Question sans réponse d’Ives, où, dans une même préoccupation mystique, la trompette solo semble interroger les autres instruments. Formé d’une seule scène, ce deuxième acte n’en comprend pas moins de neuf parties, dont la quatrième, «Voyage», est elle-même divisée en sept stations (d’est en ouest, de Cologne à Jérusalem), l’image ne manquant pas de faire directement allusion, pour l’étape new-yorkaise, aux propos controversés tenus par Stockhausen sur les attentats du 11 septembre.


Trois concepteurs ont été réunis pour relever le défi d’une illustration scénique de l’œuvre de Stockhausen: Carlos Padrissa (de La Fura dels Baus) pour la mise en scène et Roland Olbeter pour les décors, paraissant l’un comme l’autre respectueux des indications du compositeur. Les créations vidéo de Franc Aleu, complétées par une caméra en temps réel, tiennent une place essentielle, projetées sur le rideau transparent déployé à l’avant-scène et sur un cercle mobile évoquant une grande antenne parabolique. On ne sait à quel degré il faut apprécier les costumes de Chu Uroz: à défaut d’être habillés en «pingouins du pôle sud» (sic), les musiciens portent un haut noir à manches blanches cerclées de rouge, tandis que les deux héros semblent sortis de Star trek ou Cosmos 1999.


Ceint de ses indispensables sourdines et installé debout dans une nacelle mue par des bras articulés et des machinistes, au futurisme digne de quelque luna park, l’étonnant trompettiste Marco Blaauw n’est nullement déstabilisé par les positions acrobatiques qu’adopte parfois cet engin. Dans les dernières pages, il noue avec Nicola Jürgensen au cor de basset un touchant dialogue qui, toute révérence gardée, possède la force suggestive d’une sorte de duo des chats, pour s’achever, tous deux suspendus dans le vide au fond du plateau, par un très long trille à l’unisson sur une seconde mineure qui s’immobilise progressivement.


Le site officiel de Karlheinz Stockhausen
Le site de musikFabrik



Simon Corley

 

 

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