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Fidèle adaptation

Paris
Palais Garnier
10/21/2008 -  et 23, 24, 25, 27, 29, 30 octobre, 1er, 3, 4*, 5, 8 novembre 2008
Marc-Olivier Dupin : Les Enfants du paradis (création)

Isabelle Ciaravola*/Eve Grinsztajn/Eleonora Abbagnato/Ludmila Pagliero (Garance), Mathieu Ganio*/Bruno Bouché/Mathias Heymann (Baptiste), Alessio Carbone*/Karl Paquette/Emmanuel Hoffalt/Julien Meyzindi (Frédérick Lemaître), Benjamin Pech/Vincent Chaillet*/Sébastien Bertaud (Lacenaire), Muriel Zusperreguy*/Alice Renavand/Mélanie Hurel/Christelle Granier (Nathalie), Nolwenn Daniel*/Sarah Kora Dayanova/Aurélia Bellet (La Ballerine), Caroline Bance*/Ghyslaine Reichert/Caroline Robert (Madame Hermine), Christophe Duquenne*/Aurélien Houette/Alexis Renaud (Le Comte), Miteki Kudo*/Nolwenn Daniel/Charline Giezendanner/Pauline Verdusen (Desdémone), Ballet de l’Opéra national de Paris
Paul Lepicard (cornet), Thibault Vieux (violon), Jean-Pascal Beintus (contrebasse), Stéphane Chauveau (percussions), Anthony Millet (accordéon), Michel Dietlin (piano), Ensemble orchestral de Paris, Pablo Heras-Casado (direction musicale)
José Martinez (chorégraphie), Ezio Toffolutti (décors), Agnès Letestu (costumes), André Diot (lumières)


M. Ganio, I. Ciaravola (© Sébastien Mathé/Opéra national de Paris)



En adaptant Les Enfants du paradis, José Martinez et Marc-Olivier Dupin ont eu à faire à un mythe davantage qu’à un film. Le scénario offre une succession de tableaux – bals populaires ou aristocratiques, pantomimes, carnaval – propres à stimuler l’imagination d’un chorégraphe et d’un compositeur, mais comment aborder sans crainte le «meilleur film de tous les temps», ses dialogues ciselés par Jacques Prévert, ses archétypes solidement ancrés dans la mémoire collective?


Par sagesse ou par prudence, le respect et la fidélité à l’original semblent avoir guidé tous les protagonistes d’un spectacle qui témoigne une fois de plus de la solidité et du professionnalisme de l’Opéra national de Paris: les spectateurs retrouvent donc avec plaisir les figures aussi légendaires que familières incarnées par Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur et Marcel Herrand. Les costumes d’Agnès Letestu sont à l’avenant – sans surprise, mais somptueux – de même que les décors d’Ezio Toffolutti, hauts châssis peints qui, au gré de leur rotation assurée par des machinistes costumés, révèlent des pans de décor et réveillent autant de souvenirs cinématographiques. Et pour que le succès soit complet, c’est rien moins qu’à André Diot qu’ont été confiées les lumières.


Tout est à sa place, et même quand on fait mine de vouloir perturber le déroulement normal de la soirée, c’est dans un désordre très étudié: les diverses manières d’abolir la frontière entre le plateau et le public (danseurs apparaissant brièvement à divers points de la salle durant la représentation, rideau levé avant la fin de l’entracte avec simulacre de répétitions sur la scène) ont un air de déjà-vu. Mais l’humour ne fait pas défaut, notamment grâce à la caractérisation soignée de certains des seconds rôles (Madame Hermine, le directeur du théâtre).


Plutôt que de reprendre la musique écrite en son temps par Maurice Thiriet (et dirigée par Charles Münch), l’Opéra de Paris a commandé à Marc-Olivier Dupin une partition de plus de deux heures. De même que la danse oscille entre style classique et scènes de foule traitées de façon plus moderne, le résultat tient du patchwork, hétérogénéité ouvertement revendiquée par le compositeur dans le programme de salle. De fait, il était sans doute difficile de s’abstraire totalement de ce XIXe siècle qui est le cadre de l’action. Le nouveau directeur de France Musique ne s’est pas pris au sérieux et s’est même sans doute amusé, se livrant à une série de «à la manière de» dont le manque d’originalité signe en même temps la réussite: des flonflons, de l’eau de rose, mais surtout une abondance de pastiches et références, comme cette grande valse en écho à Tchaïkovski, Chostakovitch, Prokofiev ou Khatchaturian, et, toujours durant le bal donné chez le comte, la danse de Lacenaire, entre Stravinski (Histoire du soldat), Bartók et Bernstein.


Dans le même esprit, on n’échappe pas à des figures quasi obligées: un solo de clarinette puis de clarinette basse accompagne les évolutions louvoyantes et insidieuses de Lacenaire, la pureté de la flûte est bien entendue associée à Garance, les timbales soulignent, forte ou piano, l’imminence du danger tandis que le violoncelle exprime la tristesse de Nathalie. Cette «méthode Pierre et le loup» aura sans doute ses détracteurs, mais il n’empêche que le but principal est atteint, à savoir une parfaite adéquation avec les danseurs, sans nul doute grâce à une longue et étroite collaboration avec le chorégraphe. Pour autant, les pages qui, comme l’arrestation de Garance à la fin de la première époque ou, dans les toutes dernières mesures, la lente montée du violoncelle solo vers le suraigu, abandonnent les exercices de style pour s’inscrire plus résolument dans notre temps retiennent davantage l’attention.


L’effectif instrumental traditionnel, ou peu s’en faut (bois par deux et clarinette basse, trois cors, deux trompettes, trombone, tuba et timbales), est augmenté de percussions (deux exécutants), d’une harpe et d’un piano. Mais les nombreuses musiques de scène apportent des couleurs plus originales: piano droit accompagnant le violon lors des pantomimes et, pour la scène au Rouge-Gorge, cornet, accordéon et percussions (bouteilles, assiettes, ...) tout droit venues de chez Jérôme Deschamps. Chacun s’attache en tout cas à défendre la partition avec conviction, que ce soit, dans la fosse, l’Ensemble orchestral de Paris, conduit avec précision par le jeune chef espagnol Pablo Heras-Casado, ou bien, sur scène, des musiciens de qualité, tels Thibault Vieux, troisième violon solo à l’Opéra, ou le contrebassiste Jean-Pascal Beintus.


De cette création sage au risque de devenir parfois trop convenue, on retiendra sans doute la pantomime «L’Amoureux de la lune», servie par Mathieu Ganio, Baptiste d’une précision chaplinesque dans le burlesque comme dans le pathétique. Mais c’est la seconde époque qui emporte encore plus l’adhésion. Il est vrai qu’elle est inaugurée par l’un de ces moments dont Garnier a le secret, un «ballet dans le ballet», sorte d’intermède qui n’a plus guère à voir avec Les Enfants du paradis, mais qui suscite l’émerveillement. Dupin a instrumenté cinq Sonates de Scarlatti – quatre-vingt-dix ans après Les Femmes de bonne humeur, où Massine, pour les Ballets russes, avait lui-même travaillé sur des Sonates de Scarlatti orchestrées par Vincenzo Tommasini – occasion pour le Ballet de l’Opéra de se déployer avec le plus grand faste, dans de magnifiques hauts et tutus aux motifs asymétriques en noir et blanc, et d’admirer les prouesses du Frédérick Lemaître d’Alessio Carbone.



Simon Corley

 

 

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