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L’héritage musical comme fil conducteur

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/15/2008 -  
Johannes Brahms : Variations sur un thème de Haydn, opus 56a
Béla Bártok : Concerto pour piano et orchestre n° 1, sz. 83
Johannes Brahms : Symphonie n° 1, opus 68

Jean-Efflam Bavouzet (piano)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


Daniele Gatti (© Radio France/Pascal Gely)



Pour sa première saison en tant que chef titulaire de l’Orchestre national de France, Daniele Gatti a conçu un cycle Brahms/Bartók qui, nous apprend le programme, incarnent tous deux « une certaine conception Mitteleuropa de la musique »... Avant d’entendre notamment les Deuxième et Troisième symphonies ainsi que les Concertos pour piano de Brahms, d’une part, les grandes œuvres orchestrales et concertantes de Bartók, d’autre part, ce concert offrait au public les premières compositions orchestrales d’envergure de ces deux compositeurs.


Les Variations sur un thème de Haendel et les Variations sur un thème de Haydn constituent le sommet des nombreux recueils de variations composés par Johannes Brahms (1833-1897). Bien qu’elles connaissent également une version pour deux pianos (opus 56b), ces dernières sont surtout connues dans leur version orchestrale. Sans que l’on sache avec exactitude si le thème principal est emprunté à un Divertimento attribué à Joseph Haydn (il pourrait s’agir de la Feldparthie en si bémol majeur pour huit instruments à vent), à une Partita en si mineur Hob. II/46 du même auteur (dont l’air principal s’intitule « Choral Saint Antoine ») ou, plus vraisemblablement, à une pièce composée par un de ses élèves, Ignace Pleyel (1757-1831), ces Variations font aujourd’hui partie des passages obligés de tout grand orchestre symphonique. Première composition orchestrale de grande ampleur pour Brahms, ces huit variations se concluent par un final grandiose en forme de passacaille où les caractères du futur symphoniste sont d’ores et déjà affirmés (masse des cordes opposée aux vents où prédominent les flûte et hautbois, succession d’atmosphères où émergent aussi bien l’intimité que la plénitude sonore). Daniele Gatti et un Orchestre national de France en grande forme (mention spéciale à la petite harmonie) prennent cette œuvre à bras-le-corps, rendant parfaitement compte des différents climats voulus par le compositeur, qu’il s’agisse de la douceur dans la quatrième ou du caractère virevoltant dans la sixième.


Il est assez difficile de penser, lorsqu’on écoute le Premier concerto pour piano de Béla Bartók (1881-1945), qu’il s’agissait pour le compositeur de rendre hommage à la musique baroque et, plus particulièrement, à Jean-Sébastien Bach. En effet, ces emprunts ne sont pas évidents pour une oreille non avertie. Contrairement à Stravinsky qui, à la même époque, n’hésitait pas lui aussi à regarder vers le passé pour composer des œuvres néoclassiques, Bartók développe dans ce Premier concerto (1926) une approche personnelle et originale qui, en plusieurs occasions, renvoie ostensiblement au jazz (notamment dans le premier mouvement). Jean-Efflam Bavouzet, dont le répertoire de prédilection couvre l’ensemble du XXe siècle, est ici dans son élément. Servi par une technique remarquable, il s’amuse des moindres difficultés au point que, paradoxalement, l’interprétation tourne parfois à vide, la démonstration ayant tendance à prendre le pas sur la musicalité. Daniele Gatti conduit avec une grande attention un orchestre totalement impliqué, qu’il s’agisse des cordes (dont les tutti du premier mouvement faisaient trembler les murs du théâtre par leur violence sauvage) ou des percussions (triangle, caisse claire, timbales, tambour, …), partenaires privilégiés du pianiste dans le deuxième mouvement. Quant à l’Allegro molto, il conclut brillamment le concerto et, devant l’insistance d’un public conquis, finit par être bissé.


Brahms a longtemps hésité, voire reculé, avant de composer sa Première symphonie, tant l’ombre tutélaire de Beethoven était encore prégnante en cette seconde moitié du XIXe siècle. Etait-il en effet possible de composer une symphonie qui évite le double écueil de n’être qu’une œuvre mineure et qui ne soit pas davantage considérée comme étant seulement la « dixième » du maître de Bonn ? La réponse est naturellement positive et Brahms l’a magnifiquement démontré avec cette Première symphonie. Dès le martèlement introductif des timbales, il est évident que Beethoven n’est plus une contrainte esthétique et que chaque compositeur qui le souhaite, Brahms en l’occurrence, peut développer avec talent un monde musical qui lui est propre. Conduisant un orchestre superlatif (la cohésion des cordes s’avérant notamment exceptionnelle), Daniele Gatti adopte un tempo assez retenu au point d’être parfois statique. Cette tendance disparaît rapidement dans l’Andante sostenuto où le lyrisme brahmsien (qu’on retrouvera dans le troisième mouvement de la Troisième symphonie ou dans le premier mouvement de la Quatrième) s’exprime pleinement. Dans un tempo allant cette fois-ci, Gatti emmène ses troupes vers des horizons où seuls règnent calme et volupté, incarnés par le violon irréprochable de Sarah Nemtanu. Après un délicieux troisième mouvement où brille la clarinette de Patrick Messina, Gatti aborde le final avec une force communicative. En dépit de certaines pesanteurs rythmiques et de l’accentuation malvenue de certains passages, on admire le résultat qui laisse augurer une suite passionnante du cycle entamé ce soir.



Sébastien Gauthier

 

 

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