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Des Noces à consommer sans modération Lille Opéra 10/06/2008 - et les 8, 10, 12*, 14, 17, 19 et 23 octobre 2008 Wolfgang Amadeus Mozart : Les Noces de Figaro Matthew Rose (Figaro), Hélène Guilmette (Suzanne), Nicole Heaston (La Comtesse Almaviva), Jacques Imbrailo (Le Comte Almaviva), Kate Lindsey (Chérubin), Cyril Auvity (Don Bazile), Anne Mason (Marceline), Christian Tréguier (Antonio), Carl Ghazarossian (Don Curzio), Hanna Bayodi-Hirt (Barberine), Paolo Battaglia (Bartholo)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef de chœur), Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Jean-François Sivadier (mise en scène), Alexandre de Dardel (décor), Virginie Gervaise (costumes), Philippe Berthomé (lumières), Cécile Kretschmar (maquillages, costumes)
Les Noces de Figaro (1786) inaugurent la saison 2008/2009 de l’Opéra de Lille qui proposera cinq autres productions lyriques (Riders to the sea de Vaughan Williams le 15 novembre, (After) the Fairy Queen de Purcell en décembre, La Périchole d’Offenbach en janvier/février, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny de Weill en avril et une adaptation pour petit ensemble de La Petite renarde rusée de Janacek en juin) ainsi que deux spectacles musicaux (I went to the house but did not enter, Le Voyage de Pinocchio). A cela s’ajoutent des soirées de danse contemporaine et une intéressante série de concerts dont ceux, mélangeant les genres et les époques, du mercredi à 18 heures (prix modique). Les Happy days, diverses activités gratuites pour tous les publics, et la participation de l’Opéra à la deuxième édition de lille3000, festival pluridisciplinaire partant cette fois-ci à la découverte de l’Europe vingt ans après la chute du mur de Berlin, complètent l’offre de cette institution de premier plan du Nord-Pas de Calais.
Le chef-d’œuvre inoxydable de Mozart n’échappe pas aux relectures sulfureuses et cérébrales suscitant généralement le scandale chez nombre de spectateurs détestant être malmenés – à ce titre, la production signée Marthaler constitue un cas d’école. Mais le travail de Jean-François Sivadier rassure et réjouit à la fois. Ni conservateur, ni provocateur, ni véritablement moderne, encore moins encombré de symboles (et pour une fois sans vidéo), ce spectacle virtuose, sans transposition particulière, porte la griffe d’un metteur en scène personnel. Sivadier caractérise avec finesse les multiples relations entre les protagonistes et exploite tout le comique de situation que recèle cette pièce. Mais n’est-ce pas le minimum que l’on attend dans Les Noces de Figaro ? Une agitation permanente – tout ce petit monde court en tous sens et les portes claquent allégrement –, du burlesque, des mimiques impayables et ce zeste de poésie visuelle qui rend un spectacle inoubliable : cette Folle Journée n’a jamais aussi bien porté son nom. Du pur théâtre musical dont le souffle ne fléchit jamais.
Pour les décors, Alexandre de Dardel a fait simple et ingénieux : une multitude d’objets, dont des toiles peintes (Jean-Baptiste Marot), déplacés de visu au fil de l’action par deux techniciens, de ce fait membres à part entière du spectacle. Un (presque) rien suffit à créer l’illusion d’une chambre à coucher, d’un jardin ou d’une salle de fêtes, d’autant plus que les judicieux éclairages de Philippe Berthomé rendent justice aux teintes chaudes de cette nouvelle production.
Pas de Noces réussies sans une distribution de haut vol. Celle à l’œuvre, jeune et enthousiaste, épate par son haut niveau vocal autant que par son talent d’acteur – il convient de saluer le soin porté aux récitatifs accompagnés au pianoforte (Benoît Hartoin). Aucun ne s’économise et n’accuse de sérieuses carences, chacun croquant son personnage avec bonheur : Suzanne charmante (autant qu’excellente chanteuse) d’Hélène Guilmette, Figaro truculent de Matthew Rose, Chérubin, comme il se droit, maladroit, sensible et éperdu d’amour, de Kate Lindsey, Comte et Comtesse non moins remarquables de Jacques Imbrailo et Nicole Easton, Barberine craquante d’Hanna Bayodi-Hirt. Déboulant sur scène pot de fleurs en main, Christian Tréguier campe un Antonio savoureusement caricatural, archétype du vieux jardinier échevelé. Le Concert d’Astrée, sur instruments anciens, et sa fondatrice Emmanuelle Haïm, qui dirige son premier opéra de Mozart, interagissent en totale osmose avec le plateau. La prestation électrisante de cette formation en résidence épouse l’action sans baisse de régime et se montre, surtout collectivement, à la hauteur de cette partition inépuisable.
Bref, ces Noces musicalement et scéniquement abouties, et qui se dégustent le sourire aux lèvres, ne sont à manquer sous aucun prétexte. Il est encore temps d’y assister !
Le site de l’Opéra de Lille
Sébastien Foucart
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