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Hommage à l’œuvre vocal de Johannes Brahms Paris Salle Pleyel 09/27/2008 - et 22 (Köln), 30 septembre (Frankfurt), 4 (London), 9 (Madrid) octobre 2008 Stephan Zirler : Die Sonn’, die ist verblichen
Caspar Othmayr : Ich schell’ mein Horn
Heinrich Isaac : Innsbruck, ich muss dich lassen
Franz Schubert : Mondenschein, D. 875 – Ellens zweiter Gesang D 838 (transcription pour ensemble effectuée par Johannes Brahms)
Johannes Brahms : Ich schwing’ mein Horn, opus 41 n° 1 – Es tönt ein voller Harfenklang, opus 17 n° 1 – Einförmig ist der Liebe Gram, opus 113 n° 13 – Gesang aus Fingal opus 17 n° 4 – Fünf Gesänge, opus 104 – Gesang der Parzen, opus 89 – Symphonie n° 3, opus 90
The Monteverdi Choir, Orchestre révolutionnaire et romantique, Sir John Eliot Gardiner (direction)
John Eliot Gardiner (© Sheila Rock/DGG)
A en juger par les nombreux raclements de gorge, toux et expectorations en tous genres, il ne fait aucun doute que l’automne est bel et bien arrivé, et avec lui son lot de virus… Même si l’on peut naturellement comprendre que quelques spectateurs soient enrhumés, on continue néanmoins de s’étonner lorsqu’on doit supporter autant de bruits parasites, qui profitent de la moindre pause dans le programme pour s’exprimer joyeusement et qui troublent très sérieusement l’atmosphère d’un concert, surtout lorsque l’atmosphère distillée incline au recueillement et au silence absolu…
La première partie voulait en effet mettre en évidence les liens qui unissent la musique chorale de Johannes Brahms (1833-1897) et celle de certains de ses prédécesseurs, plus ou moins célèbres. Quel mélomane, aujourd’hui, connaît les mélodies composées par Stephan Zirler (1518-1568), qui travailla notamment à la Cour des princes de Heidelberg, Caspar Othmayr (1515-1553), qui composa plus de 230 pièces vocales, ou Heinrich Isaac (1450-1517), compositeur flamand contemporain de Josquin des Prés ? A son époque, Brahms en faisait visiblement partie puisqu’il recopia les manuscrits de nombreux auteurs passés qui inspirèrent par la suite diverses compositions. En dépit de lignes mélodiques assez simples, les polyphonies de ces trois compositeurs de la Renaissance mêlent habilement voix féminines et masculines dans des atmosphères extrêmement différentes (passionnée dans la première, plus apaisée dans la deuxième, plaintive dans la troisième). Quant au chant Ich schwing’ mein Horn confié par Brahms aux seules voix d’hommes, il témoigne d’un regard, certes porté vers le passé, mais qui, servi par une riche palette mélodique et un rythme imaginatif, le réactualise avec maestria. Indéniablement, les vingt-six chanteurs présents du Monteverdi Choir sont ici dans leur élément : diction parfaite, intonations variées, nuances subtiles. Tout est fait pour redonner à ces compositions oubliées leurs lettres de noblesse.
Les six œuvres qui suivent mettent, quant à elles, en exergue l’influence que Franz Schubert (1797-1828) put avoir sur les pièces chorales de Brahms. Mondenschein (Clair de lune) est un chant extrêmement délicat que Schubert confie à un chœur masculin accompagnant un ténor solo. Brahms orchestra son frère jumeau schubertien, Ellens zweiter Gesang, où le soliste et les chœurs sont ici exclusivement féminins, associant aux voix deux bassons et quatre cors qui jouent notamment la belle cavalcade introductive. A l’évidence, Brahms appréciait cet instrument puisqu’il lui confie la périlleuse introduction de la pièce Es tönt ein voller Harfenklang où, associé à la harpe, il accompagne les chœurs féminins dans une atmosphère quasi irréelle… Quant aux célèbres Fünf Gesänge composés en 1888, ils conclurent de la plus belle manière cette première partie où, répondant immédiatement aux gestes et inflexions de Gardiner, le Monteverdi Choir prouve de bout en bout son excellence.
La seconde partie symbolise la maturité du compositeur puisqu’elle comprend le très beau Gezang der Parzen composé en 1882 et la Troisième symphonie, composée quant à elle en 1883. Dernière œuvre de Brahms pour chœur et orchestre, le Chant des Parques est la mise en musique d’un texte de Goethe, Iphigénie en Tauride, où le compositeur fait appel à un orchestre étoffé (contrebasson, tuba basse…) dans un climat initialement cataclysmique pour, finalement, devenir apaisé. Or, si l’orchestre et les chanteurs (cette fois-ci au nombre de quarante-cinq) ne souffrent aucun reproche, on ne peut pas en dire autant de John Eliot Gardiner… L’œuvre est en effet trop souvent jouée forte et pâtit d’un réel manque de lisibilité (les accords introductifs, sons confus et trop puissamment joués, sont très illustratifs à cet égard). C’est donc avec une certaine appréhension que l’on attendait la symphonie : comme on pouvait le craindre, celle-ci s’avéra fort décevante. La verdeur des timbres, la façon qu’ont les cors de jouer avec un son fortement cuivré (le cor solo lorsqu’il reprend le célèbre thème du troisième mouvement), une clarinette au son peu velouté, instaurent un climat étrange. L’oreille étant habituée, tradition et disque aidant, à écouter cette œuvre dans l’interprétation des plus grandes phalanges « modernes », on peut se demander si, en définitive, l’Orchestre révolutionnaire et romantique (parfait dans Beethoven, Berlioz ou Weber) est dans son élément lorsqu’il s’attaque à Brahms… Par ailleurs, on comprend difficilement les intentions de Sir John Eliot Gardiner dans cette œuvre. Le manque de lisibilité, l’attention portée aux détails au détriment des lignes générales, la raideur de certains passages, la vitesse excessive à laquelle la symphonie est jouée rendent cette interprétation peu convaincante. Si la déception est réelle, on gardera donc de ce concert le souvenir d’une magnifique première partie comme quoi, en certaines occasions, la musique d’un Stephan Zirler peut éclipser celle d’un Johannes Brahms…
Sébastien Gauthier
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