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Stars en duo

München
Nationaltheater
07/28/2008 -  
Giuseppe Verdi : Airs, scènes et duos extraits de La forza del destino, Macbeth, Simon Boccanegra et Un ballo in maschera
Piotr Ilyitch Tchaikovski : Eugène Oneguine (duo final)
Œuvres diverses de Johann Strauss, Emmerich Kálmán, Franz Lehár et Cole Porter

Karita Mattila (soprano), Thomas Hampson (baryton)
Bayerisches Staatsorchester, Kent Nagano (direction)


(© Lauri Eriksson/Johannes Ifkovits)


De la fin du mois de juin au 31 juillet à Munich, les dernières semaines de la saison sont traditionnellement dévolues au Festival d’opéra : programmation lourde, incluant au moins deux nouvelles mises en scène, auxquelles s’ajoutent les reprises des nouvelles productions de l’année écoulée voire de nombreux spectacles plus anciens qui font partie des « classiques » de la maison.


À mesure que s’est installé ici le système du Regietheater, comme partout ailleurs en Allemagne mais avec un certain retard, les productions sont devenues un « tout » cohérent, distribution incluse. Chaque changement de titulaire pose problème, autant du fait des difficultés d’apprentissage de scénographies de moins en moins interchangeables que pour de simples raisons de crédibilité physique, la production d’origine reposant parfois entièrement sur un tempérament de chanteur/acteur bien particulier. Il est devenu ainsi quasiment hors de question de rehausser les spectacles maison par la venue de quelques stars internationales du chant supplémentaires en période de festival, faute de pouvoir intégrer ces pièces rapportées en un temps record dans des mises en scène atypiques. D’où l’idée relativement nouvelle pour l’Opéra de Munich de programmer chaque année au cours du Festival au moins un concert de gala, qui permet à son public de redécouvrir de grands chanteurs qu’il n’a parfois plus eu l’occasion d’entendre depuis plusieurs années. C’était le cas cet été pour ce concert de Karita Mattila et Thomas Hampson, donné bien sûr à guichets fermés.


Ce genre d’évènement festivalier se doit en principe d’être dirigé par le Generalmusikdirektor en place, ce qui compte tenu du tempérament et des compétences actuelles de Kent Nagano pose quelques problèmes. Munich est un théâtre de répertoire dont le poste de directeur musical a toujours été réservé à des chefs chevronnés, musiciens polyvalents dotés d’une énorme expérience acquise au fil de longues années de travail dans des théâtres d’importance croissante, parfois même commencées dans des conditions modestes, à diriger des ballets, du music-hall ou des opérettes. Rien de tel avec Kent Nagano, dont les compétences en matière de compositeurs contemporains ou du siècle dernier sont certes exceptionnelles, mais qui apprend actuellement tout le reste du répertoire courant sur le tas, ou plus exactement, en l’occurrence, sur le dos du public munichois et de son orchestre. Le voir se débattre ici dans l’Ouverture de Donna Diana de Reznicek ou le Capriccio italien de Tchaikovsky a quelque chose de pathétique, voire de désolant. La battue est précautionneuse et le nombre d’idées proche du zéro : impossible de parler d’interprétation à propos de ce simple déchiffrage sur un tempo immuablement métronomique. Certes il s’agit d’œuvres que l’orchestre ne joue pas habituellement, et le nombre de répétitions a été sans doute très réduit, mais ce sont-là précisément les conditions difficiles où les compétences d’un directeur musical en titre se doivent de faire la différence. Le pire est atteint dans les extraits de musicals américains de la seconde partie, qui devraient en principe faire partie du bagage culturel natif d’un chef américain, et qui sont ici d’une raideur et d’une absence de swing à pleurer. Passons.


Heureusement, dès que les deux vedettes de la soirée sont sur scène, on ne voit et n’écoute plus qu’elles. Particulièrement agitée et fiévreuse à son entrée (simple préparation psychologique au rôle, ou plutôt trac difficile à contenir ?), Karita Mattilase précipite dans l’air de Leonora Pace, pace, moi Dio comme si sa vie même en dépendait, semblant se consumer sur place en grands épanchements passionnés. La voix a perdu de son homogénéité, devenue plus rauque dans le medium, mais chaque moment de tension voire tous les instants de lyrisme intense de l’écriture verdienne sont toujours assumés avec un panache et une autorité qui plaquent l’auditeur dans son fauteuil. Dans cet air on n’avait plus rien entendu d’aussi intensément beau depuis les apparitions désormais historiques de Julia Varady sur cette même scène. Dans ces conditions, oui vraiment, vive le star-system !


Pour se présenter Thomas Hampson a choisi lui aussi un air difficile, celui du 4e Acte de Macbeth. Ses moyens n’ont jamais été ceux d’un vrai baryton verdien, la tenue de la ligne manque un peu de densité et de musculature, mais une technique bien huilée permet néanmoins au chanteur de triompher élégamment des problèmes de tenue de souffle qui rendent l’écriture de Verdi parfois épuisante. Avec Karita Mattila dans le duo du premier acte de Simone Boccanegra Thomas Hampson paraît se libérer davantage, parvenant même à échanger avec sa partenaire des répliques intenses qui transportent instantanément le public hors du cadre étriqué du concert. Autre beau moment de complicité entre deux chanteurs qui se connaissent bien : une soufflante scène finale d’Eugène Onéguine, où l’un et l’autre à leur façon se révèlent bouleversants, même si le russe de Thomas Hampson paraît trop minutieux pour être vrai.


Seconde partie plus décontractée, consacrée à l’opérette viennoise et au musical. Des incontournables (le duo « Lippen schweigen » de la Veuve joyeuse) mais aussi une belle série de raretés compilées par Thomas Hampson, dont un air de Kiss me kate d’un humour ravageur, et un Begin The Beguine de Cole Porter où le chanteur éprouve tout à coup le besoin de se retourner vers l’orchestre pour lui insuffler un peu de la liberté rythmique alanguie que son chef semble incapable de susciter. Succès public garanti à l’issue d’une soirée qui, mieux dirigée, aurait tenu encore davantage de promesses.



Laurent Barthel

 

 

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