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Successions difficiles

Salzburg
Grosses Festspielhaus
08/01/2008 -  et 5, 10, 17*, 21, 24, 27 août 2008
Giuseppe Verdi : Otello
Aleksandr Antonenko/Franco Farina (Otello) (27 août), Marina Poplavskaya/Maria Luigia Borsi (Desdemona) (21 août), Carlos Alvarez/Nicola Alaimo (Iago) (24 août), Barbara di Castri (Emilia), Stephen Costello (Cassio), Antonello Ceron (Roderigo), Mikhaïl Petrenko (Lodovico), Simone del Savio (Montano), Andrea Porta (le Héraut)
Chœur de l’Opéra de Vienne, Chœur d’enfants du festival, membres de l’Orchestre du Mozarteum (musique de scène), Orchestre Philharmonique de Vienne, Riccardo Muti (direction)
Stephen Langridge (mise en scène)


R. Muti (© Silvia Lelli)


On n’avait pas donné l’avant-dernier opéra de Verdi à Salzbourg depuis 1972, dernière année de la production à grand spectacle de Herbert von Karajan, alors maître absolu des lieux. Avec Mirella Freni et Jon Vickers. On sait ce qu’étaient les mises en scène du chef d’orchestre. On sait bien aussi que l’on ne risque pas, lorsque Riccardo Muti dirige, de vivre un grand moment de Regietheater. Il y pourtant, entre les deux, un espace, que Stephen Langridge, le fils du ténor anglais, n’a aucunement occupé, à l’inverse de Bartlett Sher dans Roméo et Juliette de Gounod. Tout est convenu, prévisible, les personnages n’existent pas scéniquement, pas plus que le chœur. Ce n’est pas la projection sur un écran, au début, de la fureur des flots, le plan incliné en verre qui se brise au moment de l’effondrement du Maure à la fin du troisième acte, les parois grisâtres dans lesquelles sont creusées des ouvertures rectangulaires, pas plus que les prostituées du premier acte, qui nous feront croire que l’on a renouvelé ou que l’on a pensé quoi que ce soit. Bref, il ne se passe rien et l’on n’a d’yeux que pour les beaux costumes d’époque. Cela dit, on se demande, après avoir vu Rusalka quelques heures plus tard, si cette humilité, cette neutralité, cette absence même, pourtant très datées aujourd’hui, ne sont pas parfois préférables. A condition d’avoir des chanteurs d’exception, ce qui était le cas de Karajan, du moins pour les deux protagonistes – et Dieu sait si Vickers avait, sur scène, de la présence.


C’est là où rien ne va plus. Voix grise, sans métal, pas assez puissante, le jeune ténor letton Aleksandr Antonenko n’a nullement les moyens d’Otello, surtout pour le grand Festspielhaus, si cruel pour les chanteurs. Voilà tout au plus un Alvaro. Une tendance au sanglot rappelle aussi une mauvaise tradition. Mais surtout le phrasé, le legato n’ont pas la noblesse, le raffinement voulus : le monologue du troisième acte, dont une voix plus légère peut s’accommoder, reste sommaire. Pour un peu, on remarquerait davantage le Cassio de Stephen Costello. Du coup, le Iago de Carlos Alvarez paraît d’autant plus orthodoxe vocalement, même si la voix atteint aussi ses limites. On a beau cependant entendre du chant verdien, on ne voit pas Iago, l’interprète exposant aussi ici ses limites : le personnage manque de mordant, de venin, de subtilité également, avec un « Credo » et un « Ecco il leone » presque bonhommes. Heureusement, la Desdémone de Marina Poplavskaya sauve tout. On peut certes souhaiter voix plus ronde, moins liquide, plus riche en miel, un style plus italien, bref tout ce qu’avait Freni, mais le personnage est là, physique de vierge de la Renaissance, ange d’innocence et de lumière, qui chante un air du Saule et un Ave maria d’une beauté, d’une transparence, d’un raffinement superbes. Et cette victime promise au sacrifice, sur ce grand plateau quasi nu, éclairé par une seule bougie, qui fait enfin exister le spectacle, donnerait presque raison au metteur en scène.


Il est vrai que ces violons viennois accompagnant la prière ouvrent les portes du ciel, avant que les contrebasses ouvrent celles du crime. Riccardo Muti, enfant chéri du public, s’est pourtant montré moins heureux au début. Superbe de maîtrise certes, déchaînant – trop fort, là où Karajan maîtrisait parfaitement l’acoustique de la salle - une tempête virtuose, fouillant la partition au point d’en faire, dans le feu de joie, quasiment un concerto pour orchestre. On était toutefois plus ébloui qu’ému. Il faut attendre le troisième acte pour que la puissance et le raffinement se mettent au service d’une véritable vision, que l’arc du drame se tende, implacablement, que des atmosphères s’installent, jusqu’à ce que la magie opère dans le quatrième acte, où chaque note prend un sens, où la musique devient théâtre. Ce n’est pas qu’on ait oublié Karajan : on n’y pense plus.



Didier van Moere

 

 

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