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Muti, tout simplement

Salzburg
Grosses Festspielhaus
08/15/2008 -  Et les 16* & 17 août
Johannes Brahms : Un requiem allemand, opus 45
Genia Kühmeier (soprano), Peter Mattei (baryton)
Chœurs de l’Opéra d’Etat de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Riccardo Muti (direction)



R. Muti (© Silvia Lelli)



Salzbourg se devait d’honorer la mémoire de Herbert von Karajan, qui fit de son festival le plus prestigieux du monde. Depuis Gérard Mortier, Peter Ruzicka et Jürgen Flimm ont, chacun à leur façon et avec des bonheurs divers, fait souffler sur l’institution un vent de nouveauté et renouvelé le public. Mais Mozart et Strauss n’ont guère déserté les lieux, pas plus que les prestigieuses Philharmonies de Berlin et de Vienne, pour ne rien dire des étoiles du piano. En mettant Bartók au premier plan, en faisant de Salvatore Sciarrino le compositeur phare du festival, en coproduisant avec la Ruhr-Triennale Irmingard - « probablement un opéra » - de Mnozil Brass et Bernd Jeszek, Jürgen Flimm donne des gages à la modernité. Le grand répertoire classique et romantique n’en constitue pas moins le socle des productions lyriques : La Flûte enchantée et Don Giovanni, Roméo et Juliette (lire ici), Otello (lire ici), Rusalka (lire ici) et, pour le vingtième siècle, le seul Château de Barbe-Bleue (lire ici). Les mises en scène s’équilibrent elles aussi : là où Pierre Audi signe une Flûte respectueuse, Claus Guth met à bas Don Giovanni ; là où l’opéra de Gounod et celui de Verdi ne dérangent pas, Rusalka et Le Château de Barbe-Bleue bousculent nos habitudes. Ce n’est pas un hasard si Riccardo Muti, l’enfant chéri du public, peu porté sur le Regietheater, dirige les productions les plus traditionnelles. Ce n’est pas un hasard non plus si le chef napolitain, qui a fait bâtir, comme son illustre prédécesseur, une villa à Anif, dans les environs de Salzbourg, a été invité à conduire le concert d’hommage à Karajan pour le centenaire de sa naissance, avec une des œuvres fétiches de ce dernier, Un requiem allemand de Brahms. Et il a, comme lui, demandé de ne pas applaudir à l’issue du concert. Riccardo Muti est-il le Karajan d’aujourd’hui ?


Pas plus qu’Ozawa ou qu’un autre – ou qu’un Thielemann, pour la génération suivante. Certes on sent bien, dès le « Selig sind, die da Leiden tragen », un attachement à la beauté du son, au respect de tout l’éventail dynamique – pas de risque, d’ailleurs, avec l’orchestre et le chœur viennois, qu’un piano devienne un mezzo forte -, une atmosphère de ferveur aussi. Mais Muti met plus de lumière latine dans sa direction, moins de tension aussi, peut-être moins d’inspiration, même s’il marque les contrastes éruptifs de « Denn alles Fleisch es ist wie Gras », qui baigne au début dans une magnifique pénombre, ou de « Denn wir haben hier kleine bleibende Stadt ». Disons qu’il inscrit moins l’œuvre dans le romantisme que Karajan, plus familier du répertoire italien du XVIIIe et du début du XIXe – il a une prédilection pour les œuvres sacrées de Cherubini. « Wie lieblich sind deine Wohnungen », du coup, se met presque à danser son 3/4 dans la douceur vaporeuse du chœur et de l’orchestre. Et le « Selig sind die Toten » devient un chant d’amour à la fois lyrique et apaisé pour ceux que nous avons aimés. Les deux solistes, superbes, s’inscrivent parfaitement dans la perspective du chef : Genia Kühmeier, extasiée dans « Ihr habt nun Traurigkeit », où elle resserre son vibrato comme si elle revendiquait parfois la succession de Janowitz, souvent entendue in loco, Peter Mattei, souverain mais recueilli, phrasant ses deux solos sans la moindre grandiloquence, heureusement plus proche du lied que de l’opéra. Et l’on ajouterait bien un troisième soliste : le timbalier, remarquable.


Karajan était Karajan, Muti est Muti : c’est très bien ainsi.



Didier van Moere

 

 

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