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Prologue symphonique

Bayreuth
Festspielhaus
07/28/2008 -  Et les 8* & 20 août
Richard Wagner : L'Or du Rhin
Albert Dohmen (Wotan), Reif Lukas (Donner), Clemens Bieber (Froh), Arnold Bezuyen (Loge), Kwangchul Youn (Fasolt), Hans-Peter König (Fafner), Andrew Shore (Alberich), Gerhard Siegel (Mime), Michelle Breedt (Fricka), Edith Haller (Freia), Christa Meyer (Erda), Fionnula McCarthy (Woglinde), Ulrike Helzel (Wellgunde), Simone Schröder (Flosshilde)
Orchestre du Festival, Christian Thielemann (direction)
Tankred Dorst (mise en scène)


(© Bayreuther Festspiele GmbH/Enrico Nawrath/2008)



Voici maintenant trois ans que Bayreuth présente la Tétralogie conçue par l’homme de théâtre Tankred Dorst. On doute toujours qu’elle marque durablement les esprits. Dès L’Or du Rhin, il apparaît que l’on restera dans l’univers du mythe, avec de vrais dieux, de vrais géants et de vrais nains, vêtus comme il convient. Les méchants sont méchants, les bons sont bons. Une passerelle, toutefois, est apparemment jetée avec notre monde : un lampadaire devant le Walhalla, une rue taguée en bas, que photographie un reporter et dans laquelle jouent des enfants se disputant quelque chose comme les géants se disputent l’anneau, une usine très clean en guise de Niebelheim, dont on relève les compteurs. Passerelle toute fictive, qui ne relie aucunement les deux univers, comme si les hommes d’aujourd’hui n’avaient rien à faire de ce fatras mythologique, de ces histoires qui ne les concernent pas. Ainsi y a-t-il quelque chose d’incongru dans cette caverne d’Alberich, avec son amas d’or, dissimulé derrière le mur blanc de l’usine. Cela est parfois très beau plastiquement, comme lorsque des ondulations de lumière virtuelle caressent les galets du Rhin, lorsqu’Erda apparaît ou lorsque le ciel s’illumine de l’arc-en-ciel de Froh. Mais ce mélange de réel et de mythique, dans ce Vorabend, semble avant tout illustratif, au service d’une lecture au premier degré, qui ne conserve des Tétralogies post Chéreau que leurs aspects extérieurs, sans se fonder sur une idée force. Après la polysémie brouillonne de Stefan Herheim et les fausses provocations gratuites de Katharina Wagner, cela, au moins, repose. Mais on se trouve surtout gêné, dans cet Or du Rhin, par l’absence de vraie direction d’acteurs, fatale au premier tableau, d’un statisme total. Chacun fait selon son talent et tout, de ce point de vue, respire la convention – est-on si loin, finalement, du film réalisé par Karajan dans les années 1970 (lire ici) ?


Si bien qu’on se retrouve dans la situation inverse de Parsifal (lire ici) et des Maîtres Chanteurs (lire ici) : l’opéra réside dans la musique, malgré la lenteur des tempos de Christian Thielemann. Lenteur compensée par une splendeur orchestrale presque grisante, le chef obtenant des cordes cette onctuosité qu’il met dans les Symphonies de Bruckner, caressant avec narcissisme les courbes mélodiques. Il fond admirablement les sonorités, évite soigneusement de faire trop sonner les cuivres, ce qui ne peut que servir les voix. Cela dit, il oublie parfois le théâtre – c’est là où il se démarque d’une certaine tradition allemande à laquelle on veut souvent l’identifier un peu vite. Le premier tableau, en particulier, ressemble à une symphonie avec voix. On ne s’étonnera donc pas que les transitions orchestrales constituent des moments particulièrement réussis. Après, l’opéra reprend ses droits, sans toutefois les imposer vraiment, comme si le chef préférait les atmosphères à la narration : l’apparition d’Erda, par exemple, baigne dans une sorte d’irréalité et la montée des dieux au Walhalla est grandiose. A défaut d’être emporté, comme on pouvait l’être par un Knappertsbusch ou un Furtwängler, pourtant lents eux aussi, on est séduit.


Les voix sont belles, à commencer par ces Filles du Rhin immobiles mais qui, ensemble, chantent juste – ce n’est pas toujours le cas. L’Alberich d’Andrew Shore manque un peu de mordant et de noirceur au début, il les trouve ensuite, moins dans la voix elle-même que dans sa conduite, avec une articulation exemplaire dépourvue de tout histrionisme. Gerhard Siegel, plus pitoyable que risible, promet beaucoup en Mime et l’on attend de le voir dans Siegfried. Les géants, qui n’ont pas eux non plus la noirceur la plus noire, sont bien campés et l’on apprécie beaucoup le Fasolt au cœur tendre de Kwangchul Youn, beaucoup plus à son aise ici qu’en Gurnemanz. Les déesses convainquent : Fricka jeune et jamais mégère de Michelle Breedt, Freia lumineuse d’Edith Haller, Erda tellurique, tout le contraire d’un contralto trémulant, de Christa Mayer. Si le Wotan d’Albert Dohmen montre plus de solidité que de majesté, le Loge d’Arnold Bezuyen n’est que mauvais esprit, moins dieu marginal que lutin pervers, grâce à un jeu permanent sur l’émission, et le Froh honnête de Clemens Bieber le cède au Donner impérial de Ralf Lukas.



Didier van Moere

 

 

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