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Fine Mouche? Paris Théâtre du Châtelet 07/02/2008 - et 5, 8, 11, 13* juillet 2008 Howard Shore : The Fly (création)
Daniel Okulitch*/Laurent Alvaro (Seth Brundle), Ruxandra Donose (Veronica Quaife), David Curry (Stathis Borans), Beth Clayton (Female officer, Cheevers, Lab doctor), Jay Hunter Morris (Marky), Lina Tetruashvili (Tawny), Sophie Van de Woestyne, Jean-Gabriel Saint-Martin, Louise Callinan, Frédéric Goncalves, Luc Lalonde (High scientists)
Chœur du Théâtre du Châtelet, Chœur de jeunes du CRR d’Aubervilliers-La Courneuve, Christine Morel (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Placido Domingo (direction)
David Cronenberg (mise en scène), Dante Ferretti (décors), Denise Cronenberg (costumes), AJ Weissbard (lumières), Stephan L. Dupuis (maquillages et effets spéciaux)
(© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet)
Le Châtelet finit sa saison sur une affiche on ne peut plus choplinesque – du nom de son directeur général – associant trois vedettes internationales, David Cronenberg, Placido Domingo et Howard Shore, chacune sous un jour assez inattendu: le réalisateur canadien pour ses débuts à l’opéra, le ténor-baryton espagnol dans la fosse et le compositeur canadien dans sa première oeuvre lyrique. Représenté du 7 au 27 septembre à l’Opéra de Los Angeles, qui coproduit le spectacle et dont Domingo est le directeur général, La Mouche est préalablement donné à cinq reprises à Paris en «création mondiale».
Au risque de décevoir les cinéphiles, Cronenberg n’a pas souhaité se contenter d’adapter son film de 1986. L’opéra se veut ainsi plus fidèle à la nouvelle (1956-1957) de George Langelaan (1908-1972) – un personnage dont la biographie, relatée avec précision dans le programme de salle, semble elle-même faite pour être portée à la scène... – qui avait précédemment inspiré d’autres cinéastes. De même, si, pour l’écran, Cronenberg avait transposé l’action dans les années 1980, le livret de David Henry Hwang est explicitement situé à la fin des années 1950, à l’image des costumes dessinés par Denise Cronenberg, soeur du metteur en scène. Le décor unique de Dante Ferretti, centré sur le laboratoire de Brundle et complété par des éléments mobiles permettant de suggérer d’autres lieux (bureau, bar), s’inscrit lui aussi clairement dans cette époque. Sous les éclairages nocturnes d’AJ Weissbard, l’ensemble évoque l’atmosphère des tableaux de Hopper, en même temps que les séries B d’anticipation, avec la high tech telle qu’on pouvait alors la concevoir (moniteurs de contrôle en noir et blanc, lumières clignotantes, cabine de téléportation en forme de chambre froide, ...). Les trucages sont à l’avenant, bien moins spectaculaires que dans le film, ce qui n’est en rien faire injure au travail de Stephan Dupuis, notamment sur le maquillage du héros après sa métamorphose.
La musique renvoie également un demi-siècle en arrière. Shore avait signé la bande son du film, voici vingt ans, mais il a écrit une partition entièrement nouvelle d’une durée de deux heures et quart. Né en 1946, il était jusqu’ici connu et reconnu pour sa contribution au septième art, avec Cronenberg (hormis La Mouche, onze autre films), bien sûr, comme avec d’autres réalisateurs (Le Seigneur des anneaux, After hours, Seven, Le Silence des agneaux, Mrs. Doubtfire, ...). Pour cette expérience lyrique, il convient s’être plié aux conventions du genre, adoptant une esthétique qui ne devrait pas semer la panique dans les théâtres nord-américains. S’il semble impossible de crier au plagiat et même difficile d’y trouver de véritables influences, son style manque pourtant de véritable personnalité. Pour rester dans le registre cinématographique, il se montre sans doute plus proche de Herrmann que de Korngold. La prosodie, peut-être sous l’effet de la langue anglaise, fait songer à Britten, mais la palette orchestrale, mate, sombre et monochrome, pourrait aussi rappeler Hindemith. Shore affirme avoir effectué l’orchestration en fonction de la «couleur propre» du Philharmonique de Radio France: on ne se souvenait pourtant pas qu’elle fût aussi terne, impression que renforce le caractère lent et narratif de la construction, immense flashback ouvert au premier acte, entrecoupé de retours au présent et se refermant à la fin du second, au terme d’une indéniable montée en tension. Hormis ces récits, airs, duos et ensembles se succèdent, mais tout cela ne chante guère, sans que soit en cause l’engagement de Daniel Okulitch et de Ruxandra Donose dans les deux rôles principaux, vocalement et scéniquement exigeants.
Bref, une production dont le décalage chronologique plaide pour une approche au second degré – tout à fait dans la nouvelle ligne artistique du Châtelet – et qui ne déçoit pas le public: il est vrai qu’à l’applaudimètre, Domingo se révèle toujours aussi populaire. Les spectateurs rendent peut-être moins hommage à ses qualités de chef – qui ne facilite pas la tâche des chanteurs, trop souvent couverts par l’orchestre – qu’à son endurance, puisqu’à la veille de l’avant-dernière et au lendemain de la dernière, il chante le rôle de Vidal Hernando dans Luisa Fernanda au Theater an der Wien...
Le site de The Fly
Le site de Howard Shore
Le site de Placido Domingo
Simon Corley
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