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Bienfaits et méfaits de la chaleur en musique

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
07/07/2008 -  
Ludwig van Beethoven : Ouverture des «Créatures de Prométhée», opus 43 – Triple concerto, opus 56 – Symphonie n° 6 « Pastorale », opus 68
Beaux-Arts Trio: Menahem Pressler (piano), Daniel Hope (violon), Antonio Meneses (violoncelle)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


Pour le sixième des huit concerts donnés dans le cadre d’un cycle monumental consacré à l’intégrale des symphonies et concertos de Beethoven, Kurt Masur et l’Orchestre national de France ont choisi de programmer un triptyque classique comportant successivement une ouverture, un concerto et une symphonie.


Lorsqu’il monta sa troisième production, Les Créatures de Prométhée, le danseur et chorégraphe Salvatore Viganò (1769–1821) demanda au jeune Beethoven d’en trouver la musique. Cette composition n’est pas un chef-d’œuvre et n’aspire d’ailleurs pas à l’être ; elle est avant tout une musique de circonstance, un divertissement mélodique, en tout cas un matériau brut que Beethoven réutilisera ultérieurement (le thème principal du finale étant notamment reproduit dans le dernier mouvement de la symphonie « Héroïque »). L’Ouverture de cette pantomime, créée en mars 1801, en est la partie la plus célèbre. Vigoureuse, faisant dialoguer cordes et vents dans un style qui a depuis longtemps déjà quitté le classicisme viennois d’un Haydn, elle permet à l’Orchestre national de France de faire montre de qualités reconnues, qu’il s’agisse de la cohésion des cordes, de la justesse des vents, ou de l’élan de l’interprétation.


Depuis qu’il a été créé en 1955, le Beaux-Arts Trio compte parmi les formations les plus réputées dans le répertoire de la musique de chambre. Sa venue est d’autant plus attendue que sa collaboration avec Kurt Masur est ancienne (ils ont gravé ensemble le Triple concerto pour Philips en 1994 et l’ont déjà donné au Théâtre des Champs-Elysées le 23 février 2006) et qu’il s’agit là de son dernier concert public en Europe, ce qui explique peut-être la présence des caméras en sus des micros afin de conserver par l’image ce véritable testament musical. Bien qu’il puisse s’apparenter aux concertos grossos ou aux symphonies concertantes du XVIIIe siècle qui, déjà, opposaient un groupe d’instruments solistes à un orchestre, le Triple concerto (composé en 1804, publié en 1807 et créé en 1808) est totalement novateur tant dans la forme que dans la variété des climats. D’emblée, Kurt Masur choisit de le placer sous les auspices de la plus infinie délicatesse, accentuant ainsi le caractère chambriste et intimiste de l’œuvre. La subtilité du jeu déployé par Antonio Meneses (notamment dans le Largo, émouvant au possible), l’attention parfois tendue de Daniel Hope et l’enthousiasme cabotin de Menahem Pressler créent une parfaite alchimie où l’écoute mutuelle, l’osmose des esprits et la complicité, chaleureuse et visible de bout en bout, font merveille. A l’unisson de la conception adoptée par les solistes, Masur dirige l’Orchestre national de France avec une très grande attention, quitte à tomber parfois dans une réserve un peu excessive, veillant en tout cas à ce que celui-ci ne couvre jamais les protagonistes du concerto. Les accents hongrois (sic!) du Rondo alla polacca concluent l’œuvre de façon magistrale avant que, ovationné par un public conquis, le Beaux-Arts Trio ne lui offre le finale du Premier trio en guise de bis.


Dans le programme distribué aux spectateurs, Kurt Masur, interrogé par Christian Wasselin, estime que la Symphonie « Pastorale » exprime « la recherche d’un paradis » ; contrairement aux attentes qu’un tel qualificatif pouvait susciter, cette seconde partie de concert allait se révéler très décevante. Créée en 1808, la Sixième symphonie s’est rapidement hissée parmi les plus grands chefs-d’œuvre de Beethoven et de la musique classique en général. Depuis de nombreuses années maintenant, une controverse oppose les classiques, tenants d’une tradition allemande illustrée par Furtwängler et Karajan, aux baroqueux qui, à l’instar d’un Harnoncourt ou d’un Gardiner, ont souhaité alléger et renouveler l’interprétation des symphonies de Beethoven. Si, par son esprit autant que par sa formation, Kurt Masur ne pouvait que pencher vers le premier terme de l’alternative, on pouvait supposer qu’il adoptât néanmoins un discours quelque peu renouvelé. Tel ne fut pas le cas. Dès les premières mesures, l’Allegro ma non troppo s’avère extrêmement pesant, négligeant toute surprise au profit d’un discours engoncé dans un legato à peine séduisant. Privilégiant les effets de masse sur le jeu des interventions solistes, Masur peine à insuffler un élan quelconque à l’orchestre (la chaleur étouffante du théâtre n’aidant certes pas à privilégier la dynamique de la partition), les musiciens (rejoints, pour l’occasion, par Daniel Hope et Antonio Meneses) se limitant à une sage lecture des notes qui, alourdie par la prise en compte des différentes reprises, devient rapidement ennuyeuse.


L’Andante molto ne décolle pas davantage ; privé de la moindre couleur, ce deuxième mouvement tourne à vide sans que les musiciens semblent davantage concernés que dans le mouvement précédent. La déception perdure au cours des trois mouvements suivants alors que, si l’on s’en réfère à leurs sous-titres, ces derniers auraient du être les plus vivants. La « Réunion joyeuse des paysans » est trop mesurée tandis que « L’Orage » ne revêt aucun caractère menaçant ; par contraste, le « Chant des bergers » n’offre pas l’accalmie qui devrait alors être instillée dans l’esprit des auditeurs. Si le magnifique contrechant des altos et des violoncelles doit alors être souligné, on regrette le manque apparent d’implication de la plupart des instruments solistes. Il est donc vraisemblable que les applaudissements nourris recueillis par Kurt Masur à la fin de la symphonie récompensent davantage l’œuvre d’un chef durant près de six années à la tête de l’Orchestre national que la prestation d’une soirée qu’on souhaite en partie bien vite oublier...



Sébastien Gauthier

 

 

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