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Virtuosités hongroises

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/27/2008 -  
György Kurtag : Jatekok pour piano à quatre mains (extraits)
Béla Bartok : Le Mandarin merveilleux pour deux pianos, sz. 73
Franz Liszt : Deux épisodes du «Faust» de Lenau pour piano à quatre mains – Réminiscences de «Don Juan» pour deux pianos

Bertrand Chamayou, Jonas Vitaud (piano)


Trois compositeurs hongrois, au travers de pièces rares à l’affiche, étaient à l’honneur du cinquième concert du festival de Pâques de Deauville. Le premier, György Kurtag, toujours vivant et installé en France, était représenté par quelques pages très ludiques et imaginatives de ses Jatekok (Jeux), pièces initialement à vocation pédagogique, un peu dans l’esprit du Mikrokosmos de son compatriote Béla Bartok. Il faut d’ailleurs avoir entendu et vu, interprétées sur scène par un bout de chou, des pièces du premier volume, par exemple Le Lapin et le renard, pour saisir tout le charme des compositions de Kurtag pour les apprentis pianistes.


Les morceaux évidemment plus complexes choisis par Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud, duo fidèle à Deauville – et, au vu de leur programme, particulièrement courageux et qu’il faut espérer revoir – débutèrent par un curieux croisé de corps au dessus d’un même clavier, très symptomatique de la pédagogie de Kurtag, accordant une grande importance au rapport physique avec le piano, suivi d’un hommage à Bach au travers d’une transcription, puis de polyrythmies brutales, de brouillards sonores, d’une séparation des deux artistes vers deux pianos, de retrouvailles pour une transcription de Purcell, de clusters finissant par bloquer les pianistes sur leur clavier et d’une sorte de toccata. Evidemment, on ne pouvait manquer de repérer l’intitulé de la quatrième pièce : Hommage à Sarkozy.


Remontant dans le temps, le duo aborda ensuite une étonnante transcription pour deux pianos du Mandarin merveilleux (1926) opérée par Bartok lui-même et complétée par son fils Peter (1999). L’heure n’était plus au jeu mais au rituel mortuaire, à la descente aux enfers et au drame sordide. La transcription n’a cependant pas le poids, déchirant, de la somptueuse partition orchestrale. Elle ne parvient pas notamment à rendre la puissance des rythmes dévolus aux cordes. Le duo la prend en tout cas à bras-le-corps, martelant sans doute un peu trop les claviers et perdant quelque peu l’unité dynamique de l’œuvre.


Les pages, encore antérieures, de Franz Liszt, interprétées en seconde partie du concert, devaient poursuivre le dialogue entamé avec les compositeurs hongrois sans cependant que l’on ait pu distinguer quoi que ce soit de hongrois dans La Procession nocturne (1860) d’après le Faust non de Goethe mais de Lenau ,ou les Réminiscences de «Don Juan» (1877) paraphrasant allégrement le duo de Don Giovanni et Zerlina. En effet, aux déferlements bartokiens lourds de sens suivaient ceux assez enflés mais diaboliques et faits pour épater l’auditoire, de ces œuvres rarement entendues. Les interprètes s’en sortirent de façon exemplaire mais sans pouvoir donner aux croisements de mains acrobatiques et au fracas final plus de portée qu’exclusivement sportive.


Bertrand Chamayou eut ensuite la mauvaise idée de présenter le bis en montrant au public, trop peu nombreux, la partition de Kurtag intitulée Hommage à Paganini. Compte tenu des propos entendus ici et là pendant l’exécution même de Jatekok et lors de la pause – « c’est spécial » ou « c’est n’importe quoi » –ainsi que de la réputation de la musique contemporaine auprès de certains, ce n’était probablement pas rendre un service à la cause de celle-ci que d’exhiber de gros pâtés posés sur les portées et reliés par des traits en diagonales même si l’objectif de Kurtag dans cette très courte pièce est clairement ironique. En dehors peut-être de 4’33 de John Cage, on ne voit d’ailleurs guère l’intérêt visuel des partitions d’œuvres qui sont avant tout faites pour être entendues. Il est à craindre que les adversaires de la musique d’aujourd’hui auront été confortés dans leurs a priori et leurs réticences.



Stéphane Guy

 

 

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