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Les Lumières selon Muti

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/13/2008 -  
Joseph Haydn : Symphonies n°39 et n°89
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n°25, K. 173dB [183]
Antonio Salieri : Musique de ballet de "L'Europa riconosciuta"

Orchestre National de France, Riccardo Muti (direction)


Tout orchestre qui se respecte doit jouer Mozart et Haydn : le programme choisi par Riccardo Muti constituait une aubaine pour le National, guère familier de ce répertoire, d’autant plus qu’aucune partition très célèbre n’y figurait. De Mozart, on entendrait la « petite » Symphonie en sol mineur, de Haydn, on n’aurait ni « Parisienne » ni « Londonienne ». Comme on connaît les exigences du chef italien, le concert s’annonçait sous les meilleurs auspices.


Dès les premières mesures de l’Allegro assai de la Trente-Neuvième Symphonie de Haydn, on sent une souplesse dans le jeu, un raffinement dans les nuances, notamment du côté des cordes, dont l’orchestre ne se montre pas forcément coutumier. Cela dit, le chef n’a pas une lecture lisse, il déploie une énergie très théâtrale, souligne les contrastes dynamiques, dirigeant une authentique musique Sturm und Drang. L’Andante, loin de s’engourdir, reste très ferme rythmiquement. Dans le Menuet, mouvement qui souvent distingue le plus les interprétations à l’ancienne et les autres, Muti ne cherche pas à cacher où il se situe : certains y déploreraient un excès de legato, d’autres un excès de lenteur. Inutile querelle : on peut aussi jouer ce répertoire ainsi et le jouer très bien. Dans l’Allegro molto final, le chef d’opéra qu’est Muti déclenche une tempête, confirmant le caractère dramatique de l’œuvre.


Le drame gît aussi au cœur de la Vingt-cinquième Symphonie de Mozart. Elle succède naturellement à l’œuvre de Haydn – la connaissait-il ? -, d’autant plus que le chef y met en valeur les syncopes de l’Allegro con brio inaugural avec une fougue toute latine, sans se départir de ce souci maniaque de la beauté plastique dont il est habité quoi qu’il dirige. L’équilibre semble être en effet rester le maître mot de cette direction à laquelle l’excès répugne, comme en témoignent l’Andante - en mi bémol majeur à l’instar de celui de la Trente-neuvième Symphonie de Haydn – ou le Menuet, dont le Trio révèle la qualité des vents de l’orchestre. Dans l’Allegro final, les gradations de nuances, très affinées, restituent les différents visages d’une passion digne du plus pur seria.


On connaît l’amour de Riccardo Muti pour le méconnu Salieri : en 2004, il a rouvert la Scala de Milan avec L’Europa riconosciuta, créée in loco en 1778 pour l’inauguration de la salle. Il en avait reconstitué le ballet à partir de morceaux choisis, donnés lors d’un concert parisien décidément placé sous le signe des Lumières musicales. Entre Mozart et Haydn, cette suite de numéros, même si elle justifie la réhabilitation de leur auteur, a quelque mal à trouver sa place. Elle montre en tout cas combien le chef pousse l’orchestre dans ses propres limites, le conduisant à révéler sa force et sa faiblesse. S’il obtient en général une assez belle sonorité, on aimerait par exemple des cordes plus fines et plus précises dans le pizzicato de l’Allegretto spiritoso ou dans les volutes Cantabile - le basson et la hautboïste s’y montrent remarquables.


Méconnue comme les cinq Symphonies se situant entre les Parisiennes et les « Londoniennes », à l’exception peut-être de la Quatre-vingt-huitième, la Quatre-vingt-neuvième Symphonie de Haydn, où l’on a quitté le Sturm und Drang, termine le concert. Après un Vivace délié, dont Muti relève toutes les surprises du développement, l’Andante con moto, où il met une pointe de nostalgie, laisse, une fois de plus, admirer les vents du National. Après un Menuet vigoureux, au Trio charmeur, le Vivace assai, à la fois vert et subtil, bonhomme et raffiné, couronne une lecture d’un classicisme lumineux mais sans fadeur, conforme à l’idée que le chef se fait des Lumières.



Didier van Moere

 

 

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