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Au cœur de la cathédrale brucknérienne

Paris
Salle Pleyel
02/17/2008 -  et 16 (Utrecht), 18 (Bruxelles) février 2008
Gustav Mahler : Rückert-Lieder (orchestration Gustav Mahler et Max Puttmann)
Anton Bruckner : Symphonie n° 5

Christian Gerhaher (baryton)
Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)


Un médecin et un psychiatre au chevet de Mahler: les Rückert-Lieder (1902) n’en demandent sans doute pas tant, mais Christian Gerhaher, qui a poussé ses études de médecine jusqu’au doctorat, et Philippe Herreweghe, qui a quant à lui suivi un cursus de psychiatre, ne se cantonnent pas exclusivement à la dissection ou à l’analyse, même si leur interprétation ne dispense pas une chaleur excessive et si Um Mitternacht, un peu flottant au point d’être repris en bis pour le bon ordre des choses et de la captation radiophonique, manque de mystère, de profondeur et... d’un piano, que l’orchestration du compositeur inclut pourtant dans les dernières mesures.


Mais la simplicité et le dépouillement de Ich bin der Welt abhanden gekommen ne sont pas hors de propos, tandis que Blicke mir nicht in die Lieder! retrouve le ton populaire des Wunderhorn-Lieder, qui ont si bien réussi au chef gantois au disque comme au concert (voir ici). Quant au manque de puissance du baryton allemand, dont les graves sont souvent plus parlés que véritablement timbrés, il est heureusement compensé par l’esprit chambriste et intimiste de l’accompagnement.


Mais le plat de résistance de cette brève tournée de l’Orchestre des Champs-Elysées, entamée à Utrecht le samedi et achevée à Bruxelles le lundi avec une étape à Pleyel en ce dimanche après-midi, était la Cinquième symphonie (1878) de Bruckner. De tels choix ne surprennent plus de la part de Herreweghe et de sa formation sur instruments d’époque, qui ont déjà enregistré chez harmonia mundi la Quatrième et la Septième, parues respectivement en avril 2006 et août 2004. Mais la Cinquième est à Bruckner ce que la Septième est à Mahler ou la Quatrième à Sibelius: c’est à l’aune de ces créations les plus caractéristiques du style de leur auteur, celles aussi dont l’accessibilité n’est pas réputée la plus aisée, que l’on peut juger des affinités qu’un interprète entretient avec l’univers de ces compositeurs.


Avec l’expérience qu’il a acquise dans la musique ancienne, notamment vocale, Herreweghe se trouve en terrain familier pour aborder une œuvre que l’on a pu qualifier de «symphonie-choral» et dont le Finale comprend une double fugue. Une partition que l’on compare également volontiers à une cathédrale, bon nombre de versions s’attachant donc à mettre en valeur l’architecture et la solidité de la construction. Tel n’est pas le cas ici: les deux vastes mouvements extrêmes donnent l’impression d’une succession d’épisodes dont la cohérence n’est assurée que par un tempo certes fluctuant mais dont la rapidité fait sans cesse avancer le discours. Plutôt que de rester à l’extérieur et d’en dessiner les lignes, Herreweghe préfère conduire l’auditeur à l’intérieur du bâtiment, où le sentiment religieux est omniprésent: comment ne pas penser ainsi à quelque sinfonia d’une cantate de Bach lorsque le hautbois de Marcel Ponseele s’élève au début de l’Adagio ou du Finale?


Cela étant, la dimension mystique n’est pas exclusivement privilégiée, le propos sachant également se faire dramatique, véhément ou épique mais aussi mordant, subtil ou délicat, comme dans ces ländler dont la fraîcheur rappelle Schubert autant qu’elle annonce Mahler. Les tenants d’un Bruckner dense et cuivré, ou même massif et pompeux, en auront bien évidemment été pour leurs frais: rien de «wagnérien» ici, sinon peut-être, quatre ans avant sa création à Bayreuth, quelque chose de Parsifal. Plus scrupuleux qu’iconoclaste, Herreweghe ne décape pas, et désacralise encore moins; en revanche, il dégraisse et clarifie, ce que lui permettent un effectif restreint (quarante-sept cordes), disposé «à la viennoise» (violons I et II de part et d’autre de la scène, les six contrebasses alignées au fond) et composé d’excellents musiciens, notamment des bois et cuivres aux sonorités inhabituelles mais à la technique solide, tels ces remarquables soli de flûte, de clarinette ou de cor.


L’équilibre entre les pupitres se révèle d’ailleurs nettement plus abouti que celui obtenu par Masur la veille, également à Pleyel, dans la Quatrième avec des forces plus traditionnelles (voir ici). L’allure est assurément très vive: en soixante-sept minutes seulement – presque un record si l’on en croit cette impressionnante discographie) – cette Cinquième dure moins longtemps que la Quatrième de Masur. Mais là n’est pas l’essentiel, car Herreweghe donne davantage de sens et de respiration à son travail.


Le site de l’Orchestre des Champs-Elysées



Simon Corley

 

 

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