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Mise en musique de l’intime

Paris
Salle Pleyel
02/08/2008 -  
Alban Berg: Concerto pour violon « à la mémoire d’un ange »
Richard Strauss: Sinfonia domestica, opus 53

Frank Peter Zimmermann (violon)

Orchestre philharmonique de Radio France, Eliahu Inbal (direction)

Qu’y a-t-il de commun entre le sérialisme mâtiné de Bach et de Mahler du Concerto à la mémoire d’un ange de Berg et la luxuriance de la Sinfonia domestica de Strauss ? La mise en musique de l’intime : perte d’un être cher disparu dans la fleur de l’âge d’un côté, exaltation du couple et de l’enfant de l’autre.


Comme l’écrit Brigitte François-Sappey dans le programme du concert, « le Concerto [de Berg] enchante le monde sériel que l’on croyait austère et cérébral ». C’est dire qu’il y faut concilier la rigueur et le lyrisme. Très à l’aise dans tout ce qui relève du post-wagnérisme, Eliahu Inbal y parvient, ce grand mahlérien nous rappelant que Berg reste, dans sa modernité prophétique, un héritier du compositeur du Chant de la terre. La direction est tendue ou contemplative, jamais expressionniste en tout cas, enchaînant bien les différentes atmosphères, sans négliger les combinaisons de timbres. Le Philhar’ sonne à son avantage, dans un heureux mariage avec le superbe violon de Frank Peter Zimmermann, qui ressuscite le fantôme de la jeune Manon Gropius. La sonorité est à la fois ronde et pure, vibre de l’intérieur – ce qui n’est pas le vibrato – et reste timbrée jusque dans le pianissimo, loin des séductions parfois contestées d’une Anne Sophie Mutter entendue in loco quelques semaines auparavant (lire ici). Zimmermann n’a pas oublié le titre de la partition, privilégiant une nostalgie apollinienne là où d’autres en font plutôt un combat avec la mort, même dans les passages techniquement redoutables, baignant l’Adagio dans une lumière éthérée. En bis, un Bach d’un classicisme épuré, là encore très différent de celui de sa consœur.


La Sinfonia domestica, en revanche, laisse une impression mitigée. On ne niera évidemment pas le tour de force accompli par le chef et l’orchestre : c’est une des partitions les plus difficiles de Strauss, avec cette incroyable bacchanale sonore que constitue la fugue finale. L’orchestre, quant à lui, assume crânement. Mais Strauss exige des sonorités plus onctueuses, plus généreuses, plus voluptueuses, avec des cordes moins sèches : l’Adagio reste très en deçà des extases d’une nuit d’amour. On sent que l’œuvre n’est pas familière aux musiciens, qui peinent à trouver l’éventail dynamique nécessaire à toute partition de Strauss : la fameuse phrase de ce dernier disant qu’Elektra doit sonner comme du Mendelssohn vaut également ici. La comparaison avec l’orchestre de l’Opéra dirigé par Christoph von Dohnanyi dans Une vie de héros (lire ici), voire par l’apathique Gustav Kuhn dans La Femme sans ombre (lire ici), n’est guère à l’avantage du Philhar’. Peut-être ce manque de familiarité explique-t-il aussi le manque d’humour, notamment dans le finale, où la musique doit mousser, pétiller, s’amuser. Eliahu Inbal ne semble pas avoir capté non plus cette dimension essentielle de l’œuvre, la dirigeant plus comme du Schoenberg – du moins comme un certain Schoenberg, pas celui de Pelléas et Mélisande – que comme du Strauss, n’échappant pas à un certain décousu alors que l’œuvre doit s’éprouver comme un flux musical continu. Bref, les torts sont partagés. On salue volontiers la performance, mais on regrette que personne ne soit allé au-delà.



Didier van Moere

 

 

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