About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Ardant(e) Véronique

Paris
Théâtre du Châtelet
01/21/2008 -  et 22, 24, 25, 26, 27, 29, 31 janvier 2008
André Messager : Véronique

Amel Brahim-Djelloul (Hélène Morange/Véronique), Dietrich Henschel (Florestan de Valaincourt), Ingrid Perruche (Agathe Coquenard), Doris Lamprecht (Ermerance de Champ d’Azur/Estelle), Laurent Alvaro (Evariste Coquenard), Gilles Ragon (Loustot), Sébastien Guèze (Séraphin), Catherine Hosmalin (Tante Benoît), Florence Bonet (Denise), Laetitia Ithurbide (Héloïse), Camille Slosse (Sophie), Elsa Vacquin (Elisa), Nathalie Duong (Irma), Marion Sicre (Ginette), Sophie Van de Woestyne (Zoé), David Schavelzon (Maxime), Jean-Gabriel Saint-Martin (Eugène), Jean-Vital Petit (Armand), Jean-Philippe Catusse (Félix)
Ensemble Matheus, Chœur du Théâtre du Châtelet, Alexandre Piquion (chef de chœur), Jean-Christophe Spinosi (direction musicale)
Fanny Ardant (mise en scène), Ian Falconer (décors), Dominique Borg (costumes), Benoît Duteurtre (adaptation du livret), Roberto Venturi (lumières), Natalie van Parys (chorégraphie)


Que sait-on aujourd’hui d’André Messager (1853-1929)? Qu’il commit avec son maître et ami Gabriel Fauré de parodiques Souvenirs de Bayreuth (1880) pour piano à quatre mains (alors qu’ils revenaient en réalité de… Munich) et qu’il dirigea la création de Pelléas et Mélisande (1902): excellente compagnie, certes, que celle de Fauré et Debussy, mais on n’oublie pas pour autant le compositeur de Véronique (1898), opéra-comique en trois actes qui n’avait pas été représenté à Paris depuis exactement trente ans. C’était à l’Opéra-Comique, qui vient cette saison de remettre au goût du jour un autre joyau du patrimoine français, L’Etoile de Chabrier (voir ici). Et si l’on a beaucoup critiqué Jean-Luc Choplin pour sa programmation tous azimuts, le Théâtre du Châtelet remplit ici impeccablement sa mission en permettant au public parisien de retrouver une œuvre qui a enchanté des générations de spectateurs.


Benoît Duteurtre a adapté le livret d’Albert Vanloo et Georges Duval pour le transposer du royaume louis-philippard de Monsieur Thiers à la IVe République politiquement instable de Monsieur Pinay, très précisément en 1953. Comme il n’a modifié que les dialogues parlés, respectant l’intégralité du texte chanté, quelques hiatus apparaissent, telle cette «garde nationale» – anachronisme, bien évidemment, au temps du président Auriol – ou ces «trois glorieuses» (27-29 juillet 1830) – une référence qui détonne dans la France des… «trente glorieuses». Mais ce ne sont là que broutilles, car le parti pris fonctionne parfaitement, jusqu’au bal qui, donné par Madame Rochas, se déplace des royales Tuileries à l’Opéra bourgeois: va donc pour Hélène Morange – d’un milieu aisé, mais désormais roturière, elle a en effet perdu la particule qui s’attachait à Hélène de Solanges sous la Monarchie de Juillet – en petite sœur de l’Audrey Hepburn d’Ariane (1957) de Billy Wilder.


Sous les lumières éclatantes de Roberto Venturi, les décors jouent pleinement le jeu: bonbonnière fleurie avec grande porte tourniquet et belle envolée de marches, Watteau d’un Embarquement pour Cythère et Fragonard d’une Balançoire (en forme d’escarpolette, bien sûr), vrai chic parisien – Ian Falconer cultive les couleurs les plus pimpantes, qui ne surprennent pas chez cet ancien collaborateur de David Hockney, et, nonobstant le choix de l’hyperréalisme, idéalise avec ironie, faisant ressortir, par-delà les époques, le caractère idyllique, et donc factice, de l’univers de Véronique. Les costumes de Dominique Borg, véritable hommage à la haute couture, contribuent grandement à cette féerie «années 1950», de même que les images projetées en fond de scène, spécialement réalisées pour l’occasion: les Peugeot 203, Arondes, Frégates et 4 CV circulent dans la rue au premier acte, les barques se meuvent sur un paisible plan d’eau au deuxième, le grand escalier du Palais Garnier rutile au dernier, où le trompe-l’œil est poussé à son comble, car les protagonistes que l’on voit descendre dans le film ne tardent pas à faire leur apparition sur le plateau. Autant d’idées qui suscitent, comme au boulevard, les applaudissements de la salle dès que le rideau se lève.


Les satisfactions sont aussi d’ordre vocal, à l’exception du Florestan inégal de Dietrich Henschel: s’il possède la prestance du vicomte, il paraît en revanche peu à son aise avec la tessiture élevée du rôle – il est vrai que son créateur, Jean Périer, fut, quatre ans plus tard, le premier Pelléas, sous la direction de Messager. En outre, il est hélas le seul à justifier la présence du surtitrage, car tel n’est pas le cas de Doris Lamprecht, qui campe une désopilante comtesse. Si les qualités de Gilles Ragon, excellent Loustot, sont désormais bien connues, trois chanteurs effectuent une superbe percée: Laurent Alvaro, tellement crédible en Coquenard, avec à ses côtés Ingrid Perruche en redoutable Madame Coquenard. Et Amel Brahim-Djelloul triomphe en Véronique, que ce soit par son style – ne confondant pas opéra-comique avec opérette – ou par son timbre, mais aussi par la simplicité, la finesse et même parfois la gouaille qu’elle apporte à son personnage.


Comme bon nombre de leurs prédécesseurs «baroqueux», à commencer par Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre, Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Matheus s’aventurent dans les froufrous de la seconde moitié du XIXe. Et c’est le même enthousiasme qu’ils apportent à cette musique, avec parfois un peu de raideur, mais en harmonie avec le peps de cette production. Car le Messager «tendre, exquis, spirituel» que louait Fauré, la délicate, délicieuse et fraîche Véronique, tout ce que la mémoire peut conserver de fané et jauni prend un coup de jeune.


Cette entreprise de déniaisement ne va pas sans embardées. Bataille d’oranges et joyeuse compagnie faisant la chenille au premier acte, mouvements plus que suggestifs dans le fameux «duetto de l’âne» au deuxième acte, une comtesse de Champ d’Azur quasi nymphomane: la mise en scène de Fanny Ardant, plus encore que les chorégraphies décalées de Natalie van Parys, franchit de-ci de-là la ligne jaune pour basculer dans l’exagération propre au registre bouffe, alors que le compositeur revendiquait la «tradition de l’opéra-comique français (avec dialogues), telle qu’elle se continue à travers Dalayrac, Boieldieu et Auber». Attendue au tournant pour sa première expérience dans ce domaine, l’égérie de Truffaut réussit néanmoins son examen de passage dans cette longue épreuve (cent quinze minutes), faisant virevolter un Paris d’opérette qui évoque sans doute davantage Lehar que Strauss – mais chronologiquement, Véronique est plus proche de La Veuve joyeuse (1905) que de La Chauve-souris (1874) – ou bien même le meilleur Offenbach: La Vie parisienne au temps de Bonjour tristesse, en somme.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com