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Sage débauche Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/07/2007 - et 9, 11 novembre 2007 Igor Stravinski : The Rake’s progress
Gregory Reinhart (Trulove), Olga Peretyatko (Anne Trulove), Tom Randle (Tom Rakewell), David Pittsinger (Nick Shadow), Nuala Willis (Mother Goose), Elsa Maurus (Baba the Turk), Simeon Esper (Sellem, Le gardien de l’asile)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Philip White (direction), Jory Vinikour (clavecin), Ensemble orchestral de Paris, Frédéric Chaslin (direction musicale)
André Engel (mise en scène), Dominique Müller (dramaturgie), Nicky Rieti (décors), Nicole Galerne, Chantal de la Coste (costumes), André Diot (lumières), Françoise Grès, Frédérique Chauveaux (chorégraphie)
Un beau «parcours» (progress): non pas celui du «débauché» (rake) que décrit The Rake’s progress (1951), dont le titre s’est imposé dans sa langue originale, mais celui qu’accomplit en ce moment l’opéra de Stravinski. Après la production de Robert Lepage à La Monnaie (voir ici), qui sera prochainement diffusée sur Arte, et avant celle d’Olivier Py (remplaçant Luc Bondy) à Garnier en mars prochain, le Théâtre des Champs-Elysées propose la reprise, pour trois représentations, de la mise en scène d’André Engel, dont la première parisienne avait été donnée en novembre 2001 (voir ici).
Non seulement la transposition chronologique – du XVIIIe à l’après-guerre – et géographique – de l’Angleterre aux Etats-Unis – ne crée pas de hiatus, mais elle entre en résonance avec la situation de ce Stravinski américain écrivant au début des années 1950 un pastiche classique pour la Biennale de Venise: la référence à la comédie musicale et à ses codes – cannes et hauts de forme compris, avec de brefs pas de danse réglés par Françoise Grès et Frédérique Chauveaux – convient à cet ouvrage d’esprit souvent léger. Engel s’est entouré de ses partenaires habituels, à commencer par Nicky Rieti, dont les décors savent aussi bien évoquer New York – bâtiments de guingois à la manière du Caligari de Wiene ou appartement cossu comme dans La Corde de Hitchcock – que le dépouillement de l’asile. En outre, afin de faciliter les changements de plateau, l’action se transporte parfois devant le rideau de scène, où quelques éléments suffisent à suggérer le cadre.
Les lumières d’André Diot, depuis le cabaret équivoque du premier acte jusqu’à la froideur immaculée de la dernière scène, et les costumes de Nicole Galerne et Chantal de la Coste s’intègrent parfaitement pour former un ensemble cohérent mais qui peine toutefois à trouver un élan et une dynamique. Le public rit trop rarement et le spectacle ne s’illustre pas par un grand sens de l’invention et de la surprise – faire évoluer les chanteurs dans la salle (du parterre aux loges de galerie) a ainsi un air de déjà vu. L’attention se reporte donc sur les moments les plus graves de l’œuvre, dont tout le poids semble reporté sur le troisième acte: un parti pris qui se défend, mais qui privilégie la sagesse, voire le sérieux, au détriment du badinage et de la frivolité.
La distribution a peu évolué par rapport à celle d’il y a six ans. Thomas Randle s’est d’ailleurs peut-être encore davantage rapproché de son personnage, puisqu’il a désormais abrégé son prénom en «Tom», mais sa couleur sombre et mate est sans doute mieux mise en valeur dans les deux dernières scènes. Et c’est son âme damnée qui domine: l’autorité aussi bien que la finesse de David Pittsinger ne sont jamais prises en défaut. Evitant de verser dans la caricature et les excès démoniaques, il n’en paraît que plus glaçant, livrant en outre une excellente prestation vocale. Quant à Gregory Reinhart, il joue les pères nobles avec conviction.
La nouveauté provient de la partie féminine de l’affiche: Olga Peretyatko, récemment distinguée au Concours Operalia (voir ici), finit par prendre ses marques en Anne Trulove, soignant ses phrasés et la rondeur de son timbre, même si elle donne parfois le sentiment de manquer de projection et de ne pas parvenir à stabiliser ses aigus. Elsa Maurus, de son côté, ne possède pas le coffre requis pour conférer toute sa force à la vindicte de Baba la Turque.
Dans la fosse, l’Ensemble orchestral de Paris, plus rêche que pétillant malgré les efforts de Frédéric Chaslin, a succédé au National. Constitué pour l’occasion et préparé par Philip White, le «Chœur du Théâtre des Champs-Elysées», rend justice, tant musicalement que dramatiquement, au rôle important qui lui échoit.
Simon Corley
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