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Vision de chef, vision de compositeur Paris Salle Pleyel 11/05/2007 - et 25, 26 octobre (Los Angeles), 10 novembre (London) 2007 Jean Sibelius : Symphonies n° 5, opus 82, et n° 6, opus 104 – Vilse, opus 17 n° 4 – Illalle, opus 17 n° 6 – Soluppgang, opus 37 n° 3 – Var det en dröm?, opus 37 n° 4 – Flickan kom ifran sin alsklings möte, opus 37 n° 5 – Säv, säv, susa, opus 36 n° 4 – Svarta rosor, opus 36 n° 1 (orchestrations John Estacio, création française)
Ben Heppner (ténor)
Los Angeles Philharmonic, Esa-Pekka Salonen (direction)
Ouvrant le deuxième des quatre volets de l’intégrale Sibelius que présentent à Pleyel l’Orchestre philharmonique de Los Angeles et son directeur musical, Esa-Pekka Salonen, la Sixième symphonie (1923) s’est placée au même niveau que la Première, pourtant si différente de caractère, donnée la veille (voir ici): une «vision de chef», plus pensée qu’instinctive, où la ferme conduite du discours n’exclut ni la sensualité, ni la virtuosité (Scherzo de haute voltige) et parvient à tracer comme une grande arche de la première à la dernière mesure, avec un orchestre toujours splendide, mais ni ronflant ni prétentieux.
Parmi les cent neuf Mélodies du compositeur finlandais, le Canadien John Estacio (né en 1966) en a sélectionné sept, qu’il a orchestrées l’an passé pour son compatriote Ben Heppner: écrites autour de 1900 pour voix de femme, ces brèves pages permettent d’effectuer une incursion dans une partie moins connue de l’œuvre de Sibelius, bien que défendue par de grands chanteurs, et leurs textes viennent rappeler que cette figure emblématique du nationalisme finnois n’en appartenait pas moins à la minorité suédophone. Estacio ne tente sagement pas d’imiter l’auteur de ces mélodies – qui avait d’ailleurs lui-même orchestré L’Aube – mais son adaptation diffuse un étrange parfum postwagnérien. Peut-être cette impression tient-elle au timbre et à la personnalité de Heppner, même si le ténor, grâce à un accompagnement parfaitement dosé, s’impose davantage en délicatesse qu’en puissance, sauf dans La fille revient des bras de son amant et Roses noires. Toujours sur la corde raide entre traduction et trahison, l’exercice n’en soulève pas moins l’enthousiasme du public, qui n’obtiendra toutefois pas de bis.
En seconde partie, Salonen dirige une Cinquième symphonie (1915/1919) contestable car éminemment personnelle: on y reconnaît la vision d’un compositeur, qui se plaît à en souligner l’étrangeté et le caractère erratique tout en réussissant à en préserver la cohérence, mettant ainsi en valeur la progression du premier mouvement, notamment l’imperceptible transition entre ses deux parties. Très travaillée, cette approche joue sur les contrastes: grand écart entre fortissimi – qui perdent parfois en transparence – et pianissimi, mais surtout choix de tempi radicaux, très rapides ou très lents, en particulier dans le final, excessivement alangui, presque lancinant, dont le caractère hymnique et solennel, pourtant déjà bien marqué, ne mérite sans doute pas d’être aussi nettement souligné.
Nouveau triomphe – un peu précoce, hélas, certains spectateurs, en dépit de toute logique musicale, ayant commencé à applaudir avant le premier des six accords finaux – qui conduit les musiciens à offrir un bis magnifiquement intense: la Mort de Mélisande, dernier numéro de la musique de scène (1905) pour la pièce de Maeterlinck.
Le site de Ben Heppner
Le site de John Estacio
Simon Corley
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