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Victoire japonaise

Paris
Salle Pleyel
10/28/2007 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58 (a, c)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1, opus 23 (b)
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 4, opus 42 (d, e, f)

Antoine de Grolée (a), Tae-Hyung Kim (b), Junhee Kim (c), Tristan Pfaff (d), Hibiki Tamura (e), Sofya Gulyak (f) (piano)
Orchestre national de France, Alain Altinoglu (direction)


Au lendemain de l’épreuve du récital (voir ici), celle du concerto a confirmé le haut niveau de la finale de cette édition du Concours Long-Thibaud. Si aucune personnalité hors norme ne s’est imposée, sans doute aussi parce que la prudence a été globalement de mise – jusque dans le choix des partitions, puisque le public de la Salle Pleyel n’a pu entendre que trois des huit œuvres proposées aux candidats (tant pis pour Bartok, R. Strauss ou Saint-Saëns, notamment) – chacun d’entre eux n’en a pas moins livré une prestation de premier ordre.


Dans le Quatrième (1806) de Beethoven, Antoine de Grolée confirme ses qualités: un jeu très articulé, plus délicat que profond, même si quelques attaques paraissent un peu dures, une approche d’une grande simplicité, qui prend son temps, mettant le texte en avant et donnant tout son sens au discours, à peine perturbée par un petit flottement avant la cadence du Rondo final. C’est le cinquième prix qui lui est attribué.


Nettement plus extraverti, Tae-Hyung Kim possède davantage de relief que le Français, mais il est vrai qu’il a choisi le Premier (1875) de Tchaïkovski: brillant, puissant et extérieur, techniquement aussi sûr que lors de son récital, il domine sans peine un Orchestre national de France qui s’épanche pourtant généreusement sous la baguette tapageuse d’Alain Altinoglu. Plus efficace que subtile, son interprétation offre cependant un Andantino semplice de bon aloi. Le pianiste coréen reçoit le quatrième prix.


Dans le Quatrième de Beethoven, Junhee Kim fait preuve d’une belle maturité: sans révolutionner les choses, il caractérise soigneusement chaque mouvement et ne force pas les effets, notamment dans l’Andante con moto, particulièrement dépouillé. Dans le Rondo final, vif et rebondissant, il se permet même d’ajouter quelques ornementations de son cru. Il se voit décerner le deuxième grand prix ainsi que les prix de la créativité, du meilleur récital et de la meilleure interprétation de l’œuvre de Mozart.


Après pas loin de deux heures de pause, la seconde série de candidats entre en lice, tous trois ayant opté pour le Deuxième (1901) de Rachmaninov. Comme au récent Concours de Glasgow ou encore la veille en récital, où il avait respectivement joué le Deuxième concerto et la Huitième sonate de Prokofiev, Tristan Pfaff retient ainsi à nouveau un compositeur russe, ce que l’on pourra sans doute expliquer par le prix qu’il a obtenu au Concours Vladimir Krainev de Kharkov voici cinq ans. Cela étant, plutôt que de regarder en avant – vers Prokofiev, précisément – il met en lumière tout ce que cette musique doit à Chopin: sans passer en force ni déployer un sentimentalisme excessif, il privilégie la finesse et la clarté, et, nonobstant une mésentente avec le chef juste avant le retour du première thème du Moderato initial, montre qu’il a les doigts pour affronter les redoutables exigences de ce répertoire. Le Français obtient le sixième prix.


A la fois plus rond, plus sonore et plus affirmatif, mais pas plus complaisant, Hibiki Tamura s’inscrit davantage dans la tradition interprétative de l’œuvre: faisant preuve d’un indéniable métier, le Japonais peine toutefois à susciter l’intérêt, probablement animé par ce souci de propreté et de pusillanimité qui est trop souvent la marque distinctive des concours. Quinze ans après sa compatriote Midori Nohara, il remporte le premier grand prix et le prix des élèves des conservatoires de la Ville de Paris, ainsi que les prix pour le meilleur concerto de Rachmaninov ou Tchaïkovski, la meilleure interprétation de l’œuvre contemporaine, la meilleure interprétation de l’œuvre de Chopin et la meilleure interprétation de l’œuvre de Fauré.


Sofya Gulyak n’en contraste que davantage, adoptant un parti pris résolument plus expressif et prenant des risques, notamment par des tempi sensiblement plus vifs que ses deux prédécesseurs, sans pour autant le céder en maîtrise technique et artistique. Cette plus grande implication balaie la lassitude qui aurait pu poindre à la troisième audition consécutive de ce concerto et convainc les spectateurs: faute de prix du public – ainsi que cela avait été annoncé la veille, sous les huées de la Salle Gaveau – l’applaudimètre désigne sans conteste la pianiste russe, saluée en outre par le prix de l’Orchestre national de France, mais à laquelle le jury ne confère que le troisième grand prix.


La remise des prix, le mardi 30 octobre à 19 heures 30, toujours à Pleyel, sera suivie du concert de gala – à entrée libre, sur réservation préalable – avec l’ensemble des finalistes.



Simon Corley

 

 

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