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Bal masqué, bal raté

Paris
Opéra Bastille
06/04/2007 -  et les 7, 10, 13, 16, 19, 22, 25 & 28 juin, 1er, 4, 7, 10 & 13 juillet
Giuseppe Verdi : Un bal masqué
Ewan Bowers*/Marcelo Alvarez/Neil Shicoff (Riccardo), Ludovic Tézier (Renato), Angela Brown*/Aprile Millo/Elena Manistina (Ulrica), Camilla Tilling (Oscar), Jean-Luc Ballestra (Silvano), Michail Schelomianski (Sam), Scott Wilde (Tom), Pascal Meslé (le Juge), Nicolas Marie (le Serviteur d’Amelia)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Semyon Bychkov*/Paul Weigold (direction)
Gilbert Deflo (mise en scène)


On joue d’abord de malchance : non seulement le très attendu Marcelo Alvarez ne chante pas, mais son remplaçant Ewan Bowers fait annoncer qu’il est souffrant. Sachons lui gré d’avoir sauvé la représentation, quitte à supprimer çà ou là quelques passages pour tenir le coup jusqu’au bout. Il le tient d’ailleurs avec courage, maîtrisant une voix qui menace souvent de le lâcher. Et l’on devine, à défaut peut-être des moyens exacts du rôle, un timbre plutôt joli, un style authentique, une assez belle ligne. Le naufrage vient en réalité de l’Amelia d’Angela Brown, qui pour le coup gagnerait, même si elle semble fort bien se porter, à être remplacée au plus vite : les lyricomanes auront rarement entendu une soprano chanter aussi faux du début à la fin d’un opéra. On veut bien passer sur le vibrato et les graves écrasés, on ne transige pas sur la justesse.


Le vibrato – décidément… – et l’hétérogénéité des registres d’Elena Manistina, par comparaison, paraissent tolérables de la part d’une chanteuse russe qui devrait revoir les canons du chant verdien. Charmant Oscar, en revanche, de Camilla Tilling, malgré un médium fort discret, et, dans le Quintette du troisième acte, des staccatos hoquetés qui conviendraient mieux à l’Adèle de La Chauve-Souris. Les choses étant ce qu’elles sont, Ludovic Tézier, toujours aussi raide scéniquement, n’a pas de mal à dominer la distribution par la beauté racée du timbre, l’élégance de la ligne, le refus de la grandiloquence dans le troisième acte : le « Eri tu » reste très noble, avec les nuances requises, sans noirceur excessive. On n’oubliera pas l’excellent Jean-Luc Ballestra, qui, chez Verdi, ira un jour beaucoup plus loin que Silvano.
Pour son retour dans une fosse parisienne, Semyon Bychkov ne marquera guère les mémoires. Il commence très mal, n’obtenant aucune homogénéité des musiciens, n’arrivant pas à s’accorder avec la scène, lourd et brut. Les choses s’arrangent heureusement à partir du troisième acte : on a enfin l’impression d’entendre l’orchestre de Verdi, sa respiration, ses couleurs ; le tirage au sort de l’assassin est même d’une grande intensité.


La production ne passera pas davantage à la postérité, Gilbert Deflo, très heureux avec L’Amour des trois oranges (lire ici), se montrant ici aussi peu inspiré que dans Sémiramis (lire ici). On retrouve d’ailleurs ces décors noirs et blancs, qui convainquent seulement dans le dernier tableau, sorte de bal funèbre avec Pierrots et Colombines, très beau plastiquement. Pour le reste, la direction d’acteurs s’en tient à un strict minimum et ne va guère au-delà de ce qu’on se plaît à brocarder dans les mises en scène les plus traditionnelles. L’omniprésence de l’aigle américain – Riccardo est devenu, dans une des versions de l’opéra, gouverneur de Boston – appellerait une lecture politique : le metteur en scène l’élude, se contentant de suggérer, même s’il s’en défend, que la guerre de Sécession n’est pas loin et que Riccardo mourant ressemble à Lincoln. Il a beau jouer sur les symboles, opposer « l’aigle […] la raison, le pouvoir » au « serpent […], le pouvoir de la nuit […] les ténèbres […] le féminin […] le chtonien », faire du tableau d’Ulrica une cérémonie vaudou, l’ensemble paraît inabouti et lasse très vite. On cherche en vain une tension dans ce spectacle où le drame passionnel est traité sommairement, parfois comme dans un vulgaire mélodrame, surtout quand il s’agit de montrer les fureurs jalouses du mari trahi, qui se retient avec peine d’étrangler madame.


N’ayons pas peur des mots : c’est le grand ratage de la saison.



Didier van Moere

 

 

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