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Abondance de notes ne nuit pas

Paris
Nanterre (Maison de la musique)
05/18/2007 -  
Marc-André Dalbavie : … la marche des transitoires
Morten Olsen : Insomnia (création)
Bruno Mantovani : Jazz connotation
Suzanne Giraud : Stereo space concerto (création)

Jean-Pierre Arnaud (hautbois), Noëmi Schindler (violon), Dimitris Saroglou (piano)
Ensemble TM+, Laurent Cuniot (direction)


Conclusion aussi inhabituelle qu’informelle pour une soirée de musique contemporaine: Laurent Cuniot dirige tant bien que mal le public de la Maison de la musique de Nanterre dans un «Joyeux anniversaire» improvisé. Le chef avait auparavant fêté de manière éclatante ses cinquante ans, proposant, à la tête de l’ensemble TM+ qu’il a fondé en 1986, un concert intitulé de façon facétieuse «Trop de notes!». De fait, le commentaire fameux que l’empereur Joseph II aurait fait à Mozart après l’audition de L’Enlèvement au sérail pouvait s’appliquer malicieusement aux quatre œuvres inscrites au programme, toutes placées sous le signe d’une spectaculaire virtuosité.


Adoptée par trois d’entre elles, la forme concertante demeure visiblement, en ce début de siècle, le vecteur privilégié de la transcendance de l’interprète. C’est le cas de ... la marche des transitoires (2005) pour hautbois et dix instruments, hommage de Marc-André Dalbavie pour un autre anniversaire, les quatre-vingts ans de Pierre Boulez: titre tiré de l’un de ses ouvrages, si bémol conclusif (B dans le système de notation allemand) et, surtout, «technique de composition (transcription, expansion) [...] chère au dédicataire», la partition résultant en effet de l’adaptation et de l’extension d’une pièce antérieure, plus brève, pour hautbois solo. Dans un premier temps, les phrases descendantes et sinueuses du soliste trouvent un écho dans l’accompagnement instrumental, mais le discours s’anime ensuite jusqu’à une péroraison frénétique qui met à l’épreuve le souffle et l’agilité de Jean-Pierre Arnaud: plus de quinze minutes consensuelles, confortables et séduisantes, n’éludant pas les références tonales et parfaitement adaptées à la circonstance festive à laquelle elles étaient destinées.


En création, Insomnia pour violon et quatorze musiciens du Danois Morten Olsen, né la même année que Dalbavie (1961), tranche par un propos plus heurté, plus conflictuel et plus discontinu: c’est qu’il s’agit ici, comme on peut aisément l’imaginer, d’évoquer les divers états physiques et psychiques d’une nuit sans sommeil. Cela étant, ces vingt-trois minutes d’un seul tenant donnent l’impression de se couler dans la forme concertante classique tout en se laissent aller à une description d’une touchante naïveté, avec un mouvement lent central où le chant du violon s’élève sur les ronflements réguliers (et d’intensité croissante) de l’accompagnement. Cet assoupissement s’achemine toutefois vers une conclusion violente et animée, dont les traits de facture traditionnelle mettent en valeur la vélocité de Noëmi Schindler.


Jazz connotation (1998) pour piano seul de Bruno Mantovani renvoie au standard Blues connotation d’Ornette Coleman, le compositeur trouvant ainsi une occasion d’exprimer sa passion pour le jazz, dont il intègre habilement certains éléments distinctifs (caractère improvisé, inflexions mélodiques, balancements rythmiques, syncopes, ...) à son propre langage. Sept sections enchaînées font alterner, plus de dix minutes durant, toccatas échevelées et pages plus méditatives, dont les accords résonnent longuement.


A peine a-t-il relevé ce défi d’une exceptionnelle difficulté que Dimitris Saroglou en est confronté à un autre, celui posé par le Stereo space concerto de Suzanne Giraud, donné ici en «avant-première», à la veille de sa création au Festival du Vexin dont il est est par ailleurs le président et directeur artistique. Comme son nom l’indique, l’œuvre installe le piano au centre de deux ensembles symétriques formés de six musiciens chacun, mais au-delà de cette occupation originale de l’espace, c’est le concept même de «concerto» qui est profondément reconsidéré, notamment dans les deux premières des quatre sections de ces vingt-deux minutes jouées sans interruption. Car si le soliste demeure certes l’élément essentiel du dispositif, c’est moins en tant que vedette se livrant à des prouesses que comme déclencheur d’événements: ses fa dièse stimulent le groupe instrumental placé sur la droite du chef, tandis que ses sol font réagir le côté gauche (première section), puis il suscite une série de lents affaissements sonores qu’un Ligeti n’aurait pas reniés et auxquels même les percussionnistes se joignent, l’un en faisant résonner les lames du vibraphone à l’aide un archet, l’autre avec une flûte à coulisses (deuxième section).


Une cadence très développée, d’une redoutable exigence non seulement technique mais simplement physique, passant en revue – comme il se doit pour une démonstration brillante – tous les modes de jeu (clusters de l’avant-bras, clavier frappé avec les poings, cordes pincées), mène à une (troisième) section fortement rythmée, dévolue aux douze musiciens, tandis que la section finale, feu d’artifice de notes répétées comme dans une vocifération implacable d’oiseaux chez Messiaen, marque un retour à une écriture «concertante» peut-être plus conventionnelle mais d’un irrésistible élan dynamique.


Le site de l’Ensemble TM+



Simon Corley

 

 

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