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Agrandissement et réduction Paris Théâtre des Champs-Elysées 04/24/2007 - Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 11 «Quartetto serioso», opus 95 (adaptation Gustav Mahler)
Gustav Mahler : Le Chant de la terre (arrangement Arnold Schönberg et Rainer Riehn)
Marie-Nicole Lemieux (contralto), Donald Litaker (ténor)
Ensemble orchestral de Paris, John Nelson (direction)
Ce curieux programme de l’Ensemble orchestral de Paris et de son directeur musical, John Nelson, associait un «agrandissement» et une «réduction», avec en facteur commun Gustav Mahler, dans le rôle de l’arrangeur arrangé.
Arrangeur, d’abord, affichant une ambition modeste (le simple souci de faire sonner un quatuor à cordes dans une grande salle), en rapport, au demeurant, avec les moyens employés (une instrumentation discrète, le pupitre de contrebasses étant souvent réduit à compter ses mesures de silence), dans le Onzième quatuor «Quartetto serioso» (1810) de Beethoven, un travail comparable à celui qu’il fit pour le Quatuor «La Jeune fille et la mort» de Schubert. Avec vingt-neuf cordes et dans l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées, Nelson ne court pas le risque d’un épaississement excessif de la pâte sonore et d’une perte de cohésion ou de précision, même si la faiblesse de certains pupitres continue d’être criante. Mais il saisit l’occasion qui lui est ainsi fournie de jouer à plein des nuances dynamiques, d’autant que son Beethoven est, comme de coutume, vigoureux et astringent.
Arrangé, ensuite, Le Chant de la terre (1908) ayant intéressé Arnold Schönberg au travers de l’éphémère «Association pour les exécutions musicales privées» qu’il avait fondée en 1918 pour présenter au public viennois un très large panorama de la création contemporaine. Mais, contrairement à celle des Lieder eines fahrenden Gesellen, cette réduction pour dix-sept musiciens n’a pas été menée à bien, devant attendre 1983 pour être achevée par le musicologue Rainer Riehn. Portée par sa commodité de mise sur pied et par le statut de l’original mahlérien, cette réduction a toutefois réussi à s’imposer au concert et au disque.
Malgré la relative légèreté de l’effectif, Donald Litaker peine parfois à franchir la rampe, mais il possède l’immense tessiture requise par sa partie, qu’il investit cependant avec plus d’engagement que de finesse. Marie-Nicole Lemieux a moins de peine à s’imposer, bénéficiant certes d’un accompagnement généralement plus feutré: on regrettera toutefois une diction insuffisamment soignée – l’absence du texte dans le livret distribué aux spectateurs étant compensée par un surtitrage opportun – mais que font oublier des aigus faciles, une belle ligne de chant et un style très naturel, refusant les facilités du pathos et du vibrato. John Nelson n’est peut-être pas un mahlérien né, mais il soutient l’ensemble avec attention et honnêteté, disposant de solides atouts instrumentaux (bons cor et cor anglais, piano luxueusement confié à Jérôme Granjon). Bref, une occasion d’entendre dans ces conditions un tel monument, même miniaturisé, ne se boude pas.
Le Chant de la terre est l’ultime œuvre que Janos Fürst, décédé à Paris le 3 janvier dernier à l’âge de soixante et onze ans, ait dirigée, justifiant que ce concert de la saison de l’EOP fût dédié à la mémoire du chef hongrois, apprécié de la formation parisienne, dont il assura la première Académie de direction d’orchestre l’été dernier à Vendôme.
Simon Corley
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