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La fantaisie impromptue de Nelson Freire

Paris
Théâtre de la Ville
10/10/1998 -  
Johann Sebastian Bach : Toccata en ut mineur, BWV 911
Robert Schumann : Fantasiestücke, op. 12
Camargo Guarnieri : Toccata
Franz Liszt : Consolation n°3, Mephisto-Valse

Nelson Freire (piano)

Nelson Freire est un pianiste rare, dans tous les sens du terme. Son concert au Théâtre de la Ville n'en était que plus attendu, et n'a pas déçu. Tout le concert était placé sous le sceau de la couleur. Sa sonorité apparaît d'abord comme à la fois puissante et chaleureuse, mais ce n'est pas ça : elle est pleine et colorée, dans toutes les dynamiques. La Toccata de Bach nous révélait dès le départ un toucher très expressif, et un jeu vivant, dansant, qui venait pimenter l'esthétique assez classique de son jeu (un peu de pédale, mais pas trop). Le trac s'est un peu mêlé à la fête, en entraînant quelques petites instabilités rythmiques sans importance.

Mais rétrospectivement, ce n'était (presque) rien par rapport à sa superbe et étonnante interprétation des Fantasiestücke de Schumann, compositeur dont Nelson Freire est un des grands interprètes actuels. Les pièces à tempo modéré sont relativement lentes (mais pas les autres), et Freire ne joue jamais très fort - mais toujours avec plénitude. Certains passages prennent une couleur nouvelle sous ses doigts, comme le thème d'"Aufschwung", ou encore le second thème de "Fabel", dans lequel le respect strict des notes pointées donne le sentiment d'un trou dans lequel se serait éffondrée la sonorité du pianiste, et la musique avec. On se plaît à penser que c'est ce que Schumann désirait. L'intériorité naturelle et la fantaisie du jeu de Freire servent au mieux la partition -d'une force à laquelle on ne s'habitue pas. Après la dernière pièce, "Ende vom Lied", Nelson Freire enlève progressivement ses doigts du clavier, et reste assis, remué. Sous le choc, le public attend encore dix secondes dans le silence le plus complet avant ses premiers applaudissements. A-t-on déjà vu cela ?

Freire jouait ensuite une Toccata très virtuose, et assez belle, du compositeur brésilien Camargo Guarnieri, dans laquelle ses facilités digitales impressionnent. La Troisième Consolation de Liszt se déploie avec une douceur étale, avec tendresse et sans pathos, avant la Mephisto-Valse, feu d'artifice de couleurs, âpres et chaudes : la virtuosité elle-même n'est que timbre et couleur, et non (une fois n'est pas coutume) un faire-valoir ou un spectacle. Sous ses doigts, elle semblait d'ailleurs ne rien avoir de diabolique.

Nelson Freire jouera (peut-être) le 16 février prochain en duo avec Martha Argerich, au Théâtre des Champs-Elysées. Il ne faudra pas oublier d'aller les écouter.



Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

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