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Au clair de La Lune

Paris
Amphithéâtre Bastille
03/05/2007 -  et 7, 9, 10, 12, 13, 16, 18* mars 2007, 10, 11, 13, 16, 18, 19, 20 mars 2010
Carl Orff : Der Mond (adaptation Takénori Nemoto)
Stuart Patterson (Le récitant), Vincent Le Texier (Petrus), Amine Hadef, Christian-Rodrigue Moungoungou, Jean-Loup Pagésy, Nicolas Rouault (Quatre garçons)
Atelier vocal de l’ARIAM Ile-de-France, Chœurs de Saint-Christophe de Javel, Lionel Sow (direction des chœurs), Pierre-Simon Chevry (flûte), Quentin d’Haussy (hautbois), Chloé Hammond (clarinette), Valérie Granier (basson), Jean-Sébastien Gable (cor), Stéphane Paris (trombone), David Joignaux (percussion), Catherine Jacquet (violon), Lucia Peralta (alto), Annabelle Brey/Eric Coueffe (violoncelle), Titus Oppmann (contrebasse), Gwenaëlle Cochevelou-Villier (piano, chef de chant), Denis Comtet (direction musicale)
Charlotte Nessi (mise en scène), Gérard Champlon (décors et lumières), Louis Désiré (costumes), Philippe Mion (bande son)


Parmi les sept spectacles (quatre musicaux et trois de danse) de sa programmation «Petits et Grands», en famille ou dans le cadre scolaire, l’Opéra national de Paris propose à l’Amphithéâtre Bastille huit représentations d’une nouvelle production de La Lune (1938), réalisée avec l’Ensemble Justiniana (Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical région Franche-Comté). Sous-titré «un petit théâtre du monde», l’opéra en un acte de Carl Orff, qui a en a écrit le livret, s’inspire d’un conte des frères Grimm. Originaires d’un pays où la nuit est noire, quatre jeunes garçons dérobent la lune pour la ramener chez eux, où ils en assurent l’entretien moyennant un thaler par semaine. Devenus vieux, ils emportent chacun un quart de la lune dans la tombe, mais ses parties éparses s’étant reconstituées, elle réveille les morts, qui festoient et en viennent même à se battre. Saint-Pierre restaure le calme en les privant de la lune et en l’accrochant dans le ciel afin qu’elle éclaire enfin tous les vivants. Une fable… toujours d’actualité, au moment même où l’on apprend que la justice chinoise vient de condamner une société qui commercialisait des concessions lunaires.


Directrice de l’Ensemble Justiniana, créé voici un quart de siècle, Charlotte Nessi a mis en place un dispositif simple et astucieux, autour d’un immense tronc aux puissantes racines plantées sur un tertre, offrant ainsi trois niveaux à l’action: le ciel, d’où officie un récitant, sorte d’oiseau (d’aviateur ou d’ange) blanc qui se déplume; ici-bas; le monde des ténèbres, sur lequel ouvrent les quatre trappes figurant les tombeaux des voleurs de la lune. Gérard Champlon, concepteur de ce décor, en règle par ailleurs l’éclairage, dont on comprendra sans peine la fonction centrale qu’il tient ici. Les costumes de Louis Désiré font, quant à eux, discrètement référence au Moyen-âge du conte.


De ces soixante-dix minutes en allemand et sans sous-titres, avec toutefois les interventions (chantées) du récitant en français, une partie des spectateurs, conviés à partir de l’âge de six ans, n’aura retenu que quelques images, mais la vision des bêtes sortant de terre avec leurs yeux en forme de petites lumières rouges aura certainement marqué ou amusé toutes les générations. Pour les plus grands, la partie musicale se révèle captivante, servie par un excellent ensemble instrumental, placé sur la gauche de la scène et dirigé depuis la salle par Denis Comtet: en réduisant l’orchestre à douze exécutants, Takénori Nemoto s’est visiblement régalé, au point que le mot de réduction apparaît bien trop… réducteur pour qualifier un travail savoureux, qui conserve toutes les qualités de l’original.


La plupart des séquences de la partition, volontiers archaïsante et d’allure populaire, pourraient trouver sans peine leur pendant, avec leurs ostinati, leurs syncopes ou leurs mélodies sur quelques notes, dans les Carmina burana, tout juste antérieurs – et ce, dès cette première intervention du récitant, haut perché dans le falsetto, qui rappelle le cygne d’In taberna. Mais cette version de chambre fait peut-être mieux ressortir l’esprit des années 1920 qui souffle encore ici, auquel renvoient d’ailleurs opportunément, sur scène, des éléments rappelant la liberté débridée du cabaret ou du cirque – les «quatre garçons» se griment ainsi sur le devant du plateau. Malgré un propos et une finalité certes différents et plus légers, mais trouvant une même source dans les profondeurs de la culture germanique, cette Lune s’inscrit dans une esthétique finalement pas si éloignée du Simplicius Simplicissimus de Hartmann, alors même que l’évolution tragique des années 1930 s’apprête à marquer l’impossible conciliation entre ces deux fortes personnalités de la vie musicale de Munich, le «compositeur officiel» du régime nazi, d’une part, et celui qui s’est réfugié jusqu’en 1945 dans le silence de «l’exil intérieur», d’autre part.


Associés aux «quatre garçons» originaires des meilleures ensembles choraux (Opéra national de Paris, Accentus, Collegium vocale de Gand), Stuart Patterson en récitant décalé, hors du temps, et Vincent Le Texier en Saint-Pierre tout de noir vêtu, dont les ricanements sarcastiques finissent par lasser, contribuent à une distribution de premier ordre. Les vingt-six membres de l’Atelier vocal de l’ARIAM Ile-de-France et les trente-cinq jeunes des Chœurs de Saint-Christophe de Javel s’acquittent quant à eux remarquablement de l’importante tâche vocale et dramatique qui leur est dévolue.


La page «Petits et Grands» sur le site de l’Opéra national de Paris
Le site de l’Ensemble Justiniana
Le site de Vincent Le Texier



Simon Corley

 

 

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