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Le triomphe de Tamino

New York
Metropolitan Opera House
02/21/2007 -  et 24* février, 2 et 8 mars 2007
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte
Michael Schade (Tamino), Lisa Milne (Pamina), Amanda Pabyan (Reine de la nuit), Vitalij Kowaljow (Sarastro), Rodion Pogossov (Papageno), Jennifer Aylmer (Papagena), Greg Fedderly (Monostatos), Eike Wilm Schulte (Sprecher), Michael Myers et Gregory Reinhardt (Hommes en armes), James Courtney, Mark Schowalter (Deux prêtres), Claudia Waite, Theodora Hanslowe, Malin Fritz (Trois dames), Noah Weisbart, Jesse Dembo, Jacob Wade (Trois enfants)
George Tsypin (décors), Donald Holder (lumières), Mark Dendy (chorégraphie), Julie Taymor (costumes et mise en scène)
Orchestre et Chœur du Met, James Levine (direction)

Montée en 2004, cette production de Die Zauberflöte a déjà fait couler beaucoup d’encre parce qu’elle se veut un peu plus moderne et un peu plus dérangeante que ce à quoi le public du Met est généralement habitué. Pour cette reprise, la distribution choisie est assez homogène et correcte et il est évident que le fin Tamino de Michel Schade se détache.



La mise en scène de Julie Taymor se veut dans la droite ligne maçonnique. Le rideau s’ouvre sur un triangle qu’entoure un rideau avec les symboles attendus. Cette production mêle le sérieux mystique à la légèreté de certaines scènes, comme lorsque Tamino charme les animaux, qui sont ici des ours bleus, animés tels des marionnettes par des figurants. Les costumes sont stylisés et colorés: Sarastro, par exemple, arbore un habit jaune vif, Pamina porte du rouge et du bleu… le prince Tamino semble tout droit sorti d’Asie avec ses cheveux foncés raides, son costume stricte. Quelques détails sont assez amusants, comme les différents éléments de nourriture qui s’agitent dans les airs pendant que Papageno dévore son repas: des spaghettis, des cruches de vin…


Michael Schade domine incontestablement la distribution. Même si sa voix a un petit peu perdu dans la légèreté, il n’en reste pas moins un mozartien convaincant. Toutefois, son chant n’est pas vraiment en adéquation avec son jeu scénique, ou du moins avec le jeu scénique qui lui est imposé. En effet, son interprétation vocale tendrait à brosser le portrait d’un Tamino noble et racé, alors que la mise en scène le présente presque comme un personnage un peu stupide, du moins pas très intelligent et n’hésitant pas à faire des blagues à Papageno: par exemple, après s’être évanoui une première fois devant le serpent, il retombe de tout son long en voyant les trois dames… Mais la beauté du chant et de la musique reprend ses droits au cours d’un “Dies Bildnis” interprété avec grâce et élégance: il chante toute la fin sur un somptueux mezza-voce.

Lisa Milne est satisfaisante dans le rôle de Pamina, même si elle ne marquera pas les esprits. Elle a un chant assez gracieux et fluide, mais elle peine, comme beaucoup, dans le redoutable “Ach ich fühl’s”: l’ensemble est assez bien mené, sauf dans la montée qui n’est pas assez legato et qui la met en difficulté dans les aigus. Elle chante correctement toute sa partie, mais à la manière d’une bonne élève: elle ne vit pas son personnage, elle ne l’habite pas.

Rodion Pogossov n’apporte pas une interprétation impérissable; mais il a la voix adéquation au rôle de Papageno: il possède l’aisance, l’agilité vocales et la malice dans son jeu scénique. Son costume est assez classique, puisqu’il est habillé en vert et quelques plumes sont collées sur son habit. Il porte également une casquette retournée avec un bec d’oiseau. La première apparition de Papageno est très belle, car il se détache en ombre chinoise, avec sa cage remplie d’oiseaux, à la manière des dessins de Lotte Reiniger. Sa prestation est particulièrement bonne dans le dernier air où, par miracle, James Levine se réveille et ils exécutent le morceau sur un tempo assez vif, donnant ainsi un certain relief à la partition.

Jennifer Aylmer est une charmante Papagena, à la voix plus corsée et plus ferme que ce que l’on peut entendre habituellement: ses “pa, pa” sont d’une précision remarquable. Elle possède un don évident de comédienne, car elle change sa voix pour la rendre aigrelette et ainsi mieux servir ses gestes strictes et vifs de vieille femme.

Amanda Pabyan remplace Cornelia Götz, qui remplaçait elle-même Erika Miklosa, et fait donc ses débuts ce soir au Met. Le public lui réserve un très bel accueil, un peu excessif à notre goût. En effet, le premier air est assez bien négocié alors que le second frise l’imperfection. La chanteuse n’apporte aucun relief à son personnage, elle ne l’habite pas et réduit ses deux airs à des morceaux de bravoure. La voix est affublée d’un vibrato assez important au détriment d’un legato inexistant, les vocalises sont dures, hachées. Le premier air est tout à fait acceptable et surtout d’une justesse et d’une précision impeccables. Le second, paradoxalement, laisse à désirer sur ces deux points: les aigus ne sont pas atteints, certains passages ne sont pas justes et la voix reste assez petite. Dommage.

Sarastro n’est guère convaincant non plus, car il manque beaucoup de graves. Son premier air est correctement négocié, mais une machinerie empêche d’entendre parfaitement, ce qui rend ses graves encore plus sourds. Vitalij Kowaljow semble prendre plus d’assurance dans lors de sa seconde apparition, mais il n’apporte pas entièrement la noblesse souhaitée dans ce rôle. N’est pas Kurt Moll qui veut…

Greg Fedderly est correct dans Monostatos, mais sans plus. Sa voix est celle qui convient à ce personnage, mais il manque d’agilité et surtout il ne respecte pas le rythme vif et haché de son air au premier acte. Il est sûr qu’avec une direction aussi lente, il est difficile pour lui de respecter la partition de Mozart sur ce point. Ses dons d’acteur le sauvent: il est toujours à l’affût du moindre geste des autres personnages pour les piéger. Quant à Eike Wilm Schulte, il est l’un des meilleurs éléments de la distribution. Son interprétation du Sprecher est royale, toute en nuance et en noblesse. Les trois dames ont des voix un peu stridentes mais qui s’harmonisent finalement assez bien quand elles chantent ensemble.

Les rôles plus secondaires sont tenus à la perfection, comme d’habitude. Le Met porte toujours un soin scrupuleux à distribuer les petits rôles à des chanteurs débutants et méritants qui, pour la plupart, ne manqueront pas de se faire, dans les années à venir, un nom. Ainsi les hommes armés ne manquent pas de puissance avec les voix de Michael Myers et de Gregory Reinhardt. Les prêtres, tous deux vêtus en noir et blanc, ne déméritent pas non plus mais avec un peu de moins de présence: un prêtre essaie de faire un peu d’humour en disant “Leb wohl” à Tamino, mais cet effet est assez déplacé dans un tel contexte. Vocalement, il n’y a rien à redire non plus à James Courtney et à Mark Schowalter. Les trois enfants ont, comme il se doit, des voix assez acides. Ils jouent avec un certain décalage qui n’est pas inintéressant d’autant plus qu’ils apparaissent comme des vieillards avec de longues barbes.


Mais pourquoi James Levine dirige-t-il aussi lentement? Veut-il mettre en relief toutes les notes de Mozart? Dès les premiers accords, le ton est donné, ce sera du Mozart lent, inspecté dans ses moindres détails et dans ses moindres nuances. Certes, cette esthétique se discute et peut même se défendre, mais à la longue, tout cela devient très ennuyeux. Heureusement, la fin est un peu plus rapide et l’action reprend ses droits. Décidément, Mozart n’est pas un compositeur pour James Levine, qui est bien plus à l’aise dans Verdi ou Bizet.



Une représentation bien routinière du Met, que sauve Michael Schade: grâce à lui La Flûte prend une toute autre allure. Malheureusement, James Levine plombe complètement la soirée et ne laisse pas la musique se développer. Dommage, car la mise en scène est agréable à regarder, divertissante par moments, et la distribution tout à fait correcte…



Manon Ardouin

 

 

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