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Les victoires des nouvelles stars de la musique classique

Paris
Institut finlandais
02/28/2007 -  
Kaija Saariaho : Neiges – Du gick, flög
Helena Tulve : In a nakht fun yeridah
Lauri Kilpiö : Valon polkuja
Adina Dumitrescu : Quant à elle… elle est l’art
Lotta Wennäkoski : Läike
Dominique Clément : Prêt pour la poussière?

Ensemble Aleph: Monica Jordan (soprano), Dominique Clément (clarinette), Noëmi Schindler (violon), Christophe Roy (violoncelle), Sylvie Drouin (piano, accordéon), Jean-Charles François (percussions), Ensemble Nomos: Léa Besançon, Clément Biehler, Stéphane Bonneau, Eglantine Chaffin, Lucie Chevillard, Nathalie Jacquet, Ingrid Kunzmann, Sophie Magnien, Anaïs Moreau, Moritz Müllenbach, Christophe Roy, Maïtane Sebastian, Philippe Straszewsky, Laetitia Very (violoncelle), Michel Pozmanter (direction)


«Victoires de la musique», à Pleyel, sur France 3 et sur France Inter, d’un côté, retour de la «Nouvelle star» sur M6, de l’autre: au-delà du grand répertoire d’hier et des chansons d’aujourd’hui, quels que soient les mérites respectifs de ces deux émissions – et même si la première ne craint pas le ridicule en s’autoproclamant «plus grand concert de musique classique de l’année» – ne faut-il pas aussi, et surtout, penser à l’avenir? Au cœur du Quartier latin, à deux pas de la Sorbonne, l’Institut finlandais le permettait fort heureusement en ce mercredi soir: non seulement il remplit sa mission d’institut culturel, consistant à défendre l’un des aspects les plus reconnus et les plus attachants de la culture de ce pays d’un peu plus de 5 millions d’habitants, à savoir une vie musicale intense dont témoignent les carrières qu’accomplissent ses compositeurs, chefs, solistes et chanteurs, mais il collabore depuis 2004 au «Forum international des jeunes compositeurs», soutenu par le programme européen «Culture 2000».


L’une des seize structures du réseau formé par ce Forum dans huit Etats membres est l’Ensemble Aleph, créé en 1983, qui se fixe désormais comme objectif de mettre en place avec le Théâtre Dunois et l’Institut finlandais un «Laboratoire instrumental européen» (LIEU) destiné à «promouvoir la création musicale en privilégiant les échanges entre formations, structures et compositeurs européens». Les deux concerts donnés à Paris en février, associant de «jeunes» compositeurs – nés dans les années 1970 – et leurs aînés, en constituent une préfiguration, à l’image de la seconde de ces soirées, où des œuvres de Kaija Saariaho (née en 1952) et Dominique Clément (né en 1959), par ailleurs clarinettiste de l’Ensemble Aleph, entouraient celles d’une Estonienne et de trois Finlandais: bien qu’exigeante, cette affiche a suscité un engouement très encourageant, la salle de la rue des Ecoles se révélant tout juste suffisante pour accueillir le public venu découvrir des «nouvelles stars» qui, si elles n’ont pas toutes remporté une «victoire» – c’est nécessairement le lot de ce type d’exercice –, ont cependant montré pour certaines des talents très prometteurs..


L’Ensemble (de violoncelles) Nomos était associé à ce programme qui débutait par Neiges (1998) de Saariaho: depuis Villa-Lobos, l’octuor de violoncelles a acquis ses lettres de noblesse, mais ces treize minutes se rangent sans nul doute parmi les contributions les plus importantes au genre. Traduisant les «variations» et les «formes changeantes» des «flocons de neige tombant de ce ciel sombre d’un automne en Finlande», les cinq brèves sections frappent en effet par une adéquation parfaite entre la fin et les moyens: concrétions sonores à la Ligeti dans Nuages de neige, modes de jeu plus traditionnels et omniprésence de la seconde mineure descendante dans les deux Etoiles de neige, pouvoir quasiment descriptif des pizzicati dans Aiguilles de glace, Fleurs de neige concluant en une sorte de miroir de la première section. Sur un poème (en suédois) de son compatriote Gunnar Björling (1887-1960), la déclamation et la déploration de la mélodie Du gick, flög (1979/1982) témoignent chez Saariaho d’un style antérieur, plus radical et dépouillé, le jeu sur les timbres de la soprano trouvant son pendant dans un piano qui se fait tour à tour harpe, clavecin ou percussion.


Commande de l’Ensemble Aleph à l’Estonienne Helena Tulve (née en 1972), élève d’Erki-Sven Tüür, mais aussi premier prix à Paris dans la classe de Jacques Charpentier, In a nakht fun yeridah (2006) met en musique un poème («Par une nuit de déclin») en yiddish de l’écrivain d’origine polonaise Yankev Glatshteyn [Jacob Glatstein] (1896-1971). L’idée de réunir les principaux emblèmes klezmer (clarinette, accordéon alternant avec le piano, violon, violoncelle, percussion) était séduisante, mais ces treize minutes déçoivent par leur caractère trop prévisible, entre stridences des cordes, prosodie souvent cantonnée à une seule note et formules (sifflements dans des bouteilles de verre vides) que l’on croyait rangées au musée des accessoires des années 1960.


Après ce poignant De profundis où même la prière ne parvient pas à s’imposer («Je veux prier mais ma prière est étouffée»), les Chemins de lumière (2005) de Lauri Kilpiö offraient une thématique on ne peut plus contrastée. Comme Saariaho, le Finlandais, qui célébrera ses trente-trois ans le 8 mars prochain, a notamment été l’élève de Paavo Heininen à l’Académie Sibelius. D’une belle facture instrumentale, lisse et brillante, certes moins recherchée que celle d’Helena Tulve, ces onze minutes d’un seul tenant évoquent l’Ecole de Vienne dans ce qu’elle possède de plus gracieux ou même de souriant, avec une décélération du tempo dans les trois premiers temps, mais pour s’achever sur une quatrième partie très animée, encore que les derniers accords apportent un certain apaisement.


D’origine roumaine, la Finlandaise Adina Dumitrescu vient de fêter ses trente-quatre ans. Quant à elle… elle est l’art (2006) intrigue par son titre, jeu de mots à la Perec sur la Kanteletar, 652 chants et ballades rassemblés en 1840 par Elias Lönnrot, «œuvre sœur», du Kalevala qu’il avait publié cinq ans plus tôt. Les incantations de la soprano sur des bribes de texte en finnois et en français sont accompagnées par des accords colorés du piano et du glockenspiel, puis un superbe solo de clarinette, qui restitue de façon aussi habile que personnelle le paisible paysage estival suggéré par ces vers.


Elève de Saariaho, Andriessen et Heininen, Lotta Wennäkoski vient d’avoir trente-sept ans, mais c’est son «opus 1» qui était ici interprété: Läike (1994), un titre qui n’a, selon elle, «aucune signification spécifique, même en finlandais», mais au sujet duquel elle oriente toutefois vers «le mouvement de la lumière sur l’eau ou sur une autre surface». Quelque chose de moiré auquel la clarinette, le violon et le piano rendent justice dans cette courte page (cinq minutes) qui ramène en terrain plus familier, par son écriture par petites touches, très raffinée, voire hédoniste, avec ses nonchalants glissandi, mais manquant parfois de densité, malgré un indéniable sens du geste.


Retour de l’Ensemble Nomos pour terminer, puisque Prêt pour la poussière? (2006) de Dominique Clément fait appel à un octuor de violoncelles. Dans sa présentation liminaire, le compositeur ne précisera pas pourquoi la scène est occupée par… neuf violoncellistes, mais il éclaire utilement le contexte de cette partition inspirée par Selva! (2002) de Frédéric Léal (né en 1968): non sans ironie, c’est ainsi un ensemble essentiellement féminin qui est appelé à faire entendre la transposition musicale de la technique narrative complexe de ce roman sous-titré «La cité sans femmes», dont le narrateur décrit selon plusieurs niveaux de perception la «popote des lieutenants», tablée de la Légion étrangère dont les libations débutent par un rituel «Prêt pour la poussière?». L’intention est louable, l’homogénéité des violoncelles correspondant en outre à celle du groupe d’officiers, mais, si différentes strates (heurtée, péremptoire, plaintive, …) coexistent effectivement pour sembler se joindre finalement dans un chant collectif, ces quatorze minutes pâtissent du rapprochement avec Neiges de Saariaho.


Le site de l’Institut finlandais
Le site de l’Ensemble Aleph
Le site de Kaija Saariaho
La page d’Helena Tulve sur le site du Centre d’information sur la musique estonienne
La page de Lauri Kilpiö sur le site du Centre d’information sur la musique finlandaise
La page d’Adina Dumitrescu sur le site du Centre d’information sur la musique finlandaise
La page de Lotta Wennäkoski sur le site du Centre d’information sur la musique finlandaise



Simon Corley

 

 

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