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Boucle tchèque Paris Studio Bastille 02/27/2007 - et 24 mars 2007 (Madrid) Zdenek Lukas : Trio Boemo
Bohuslav Martinu : Trio avec piano n° 3 «en ut», H. 332
Antonin Dvorak : Trio avec piano n° 1, opus 21, B. 51
Trio Janacek: Helena Jirikovska (violon), Marek Novak (violoncelle), Markéta Janackova (piano)
Parallèlement aux représentations du Journal d’un disparu (voir ici) et avant la nouvelle production de L’Affaire Makropoulos, à partir du 27 avril prochain, l’Opéra national de Paris a présenté du 27 janvier au 27 février cinq concerts autour de Janacek: deux en collaboration avec ProQuartet, puis trois avec le Centre tchèque. La dernière de ces manifestations permettait d’entendre un jeune – moyenne d’âge: trente-deux ans – ensemble constitué de musiciens originaires du Conservatoire de Prague: le Janackovo Trio, du nom de la pianiste Markéta Janackova, qui l’a fondé en 2001 avec Helena Jirikovska, premier violon de l’Orchestre de chambre Talich, et le violoncelliste Marek Novak, a obtenu en novembre 2005 l’autorisation de la Fondation Leos Janacek de porter le nom du compositeur morave.
Bien que semble-t-il déjà choisie par une formation néerlandaise, une telle dénomination intrigue, comme le feraient un Quatuor Chopin ou un Quatuor Wagner, tant il peut paraître étrange, voire paradoxal, de se placer sous le patronage d’un musicien dont le seul Trio avec piano, destiné au quatre-vingtième anniversaire de Tolstoï (1908), créé en 1909 et sans doute rejoué en 1915, a ensuite disparu, à moins qu’il n’ait été détruit par Janacek lui-même. Car si l’œuvre renaît plus de soixante-dix ans plus tard, c’est dans une reconstitution – que Guy Erismann, qui présentait cette séance méridienne, attribue à Jarmil Burghauser – à partir de quelques mesures (!) du premier mouvement complétées par des matériaux issus de Katia Kabanova et, avant tout, bien entendu, du Premier quatuor «Sonate à Kreutzer».
Ce «Trio» de Janacek/Burghauser avait d’ailleurs initialement été annoncé, sans que son omission ne remette toutefois en cause, tant s’en faut, l’intérêt d’un programme certes finalement 0 % Janacek mais 100 % tchèque, débutant par la création française de l’une des plus récentes compositions du prolifique Zdenek Lukas (né en 1928), son Trio Boemo (2004). En deux brefs mouvements (2004), la partition se conclut par un ludique Scherzo de forme classique, avec une partie centrale de caractère chantant, bien moins dans la veine de son maître Kabelac que dans l’esprit de Martinu.
Son Troisième trio «en ut» (1951) suivait donc quasiment sans hiatus stylistique, mais avec une toute autre densité. Dominé par le charisme de sa violoniste, le Trio Janacek, avec une intensité quasi romantique fâcheusement interrompue, dans l’Allegro moderato initial, par une «tourne» mal organisée, rend justice à la maîtrise de l’écriture, à sa puissance mais aussi à sa verve et sa fraîcheur, qui conduisent, à nouveau sans grande rupture, au Premier trio (1874/1875) de Dvorak. La cohésion et l’engagement des Tchèques, malgré un violon d’une intonation parfois imprécise et un violoncelle quelque peu en retrait, mettent en valeur l’ampleur de la respiration et le génie mélodique de pages tour à tour pastorales et puissantes, dans la mouvance de la Cinquième symphonie, et injustement éclipsées par le Quatrième trio «Dumky».
Egalement soucieux des transitions, le bis passe de Dvorak à son gendre Josef Suk, avec l’Elégie (1902) à la mémoire de Julius Zeyer: du Trio Boemo de Lukas à l’un des fondateurs du Quatuor Bohémien, la boucle est ainsi bouclée, nonobstant les interventions épisodiques mais non moins incongrues d’une perceuse électrique que les organisateurs ne sont pas parvenus à réduire au silence.
Le site du Trio Janacek
Simon Corley
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