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Un air de famille Paris Théâtre Le Ranelagh 02/23/2007 - et 24*, 25, 27, 28 février, 1er, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 25 mars 2007 La Sœur de Mozart
Edwige Lemoine (Nannerl), Loïc Pichon (Leopold)
Loïc Pichon (texte, mise en scène), Sophie Gubri (assistante à la mise en scène), Lucie Albugues (costumes)
«Encore Mozart?» Après une année 2006 au cours de laquelle on pouvait penser avoir fait le tour de la question, l’attention est toutefois attirée par l’angle d’attaque original que semble promettre un «spectacle musical» sobrement intitulé La Sœur de Mozart et présenté dans le cadre toujours délicieux du Théâtre Le Ranelagh.
Plutôt que l’iconoclastie à l’Almodovar d’un Tout sur ma mère, Loïc Pichon a écrit et mis en scène Quelques aperçus de sa sœur, Maria Anna, alias Nannerl (1751-1829), de quatre ans et demi l’aînée du divin Wolfi. Mais est-ce d’ailleurs simplement de cela qu’il s’agit ici? Certes, Edwige Lemoine incarne une Nannerl un tantinet nunuche, recoiffant ses mèches et ses anglaises, défendant les foucades de son frère, même si elle finit par se conformer aux convenances de son époque et à l’obéissance, voire à la reconnaissance sincère, qu’elle doit à son père.
Cependant, au fil d’un dialogue d’une naïveté parfois gênante – à l’image de l’échange conclusif («– Décidément, mon fils me surprendra toujours. – Ca, ce n'est peut-être pas fini, allez mon petit papa!») – apparaissent surtout les désillusions de Leopold, qui, interprété avec une grande force de conviction par Loïc Pichon, s’impose, nonobstant le titre du spectacle, comme le personnage principal: bourru et bougon, attentif à l’argent et au respect de l’ordre établi, mais loin de la caricature du monstre acharné à exploiter ses enfants prodiges, même s’il est aisé de comprendre le caractère aigri et fataliste à la fois d’un homme qui, dans sa cinquante-neuvième année, est encore tributaire, par exemple, du succès d’une visite à la reine, finalement annulée pour cause d’indisposition de «l’Autrichienne».
Les costumes d’époque conçus par Lucie Albugues – robe de chambre, puis robe rose de Nannerl, habit de Leopold – ne réservent pas de surprises, pas plus que les quelques éléments de scénographie (table, chaises, linteau de cheminée). En fait, deux absences ne cessent de peser sur ces soixante-quinze minutes: celles d’Anna Maria, la mère, disparue quelques jours plus tôt, et de Wolfgang, en Arlésienne dont on ne sait s’il fait la grasse matinée dans la pièce voisine ou s’il s’est retiré sous sa tente pour avoir subi la frivolité du public parisien la veille au cours d’un concert.
Mais sa musique, qu’Edwige Lemoine, pianiste de formation, joue au fur et mesure sur un instrument moderne, est largement représentée, qu’il s’agisse d’œuvres tout juste antérieures à ce mois de juillet 1778 où est située l’action – l’Andante cantabile con espressione de la Huitième sonate, hélas défiguré par un jeu raide et arbitraire, le duo Oiseaux, si tous les ans, vaillamment chanté par les deux protagonistes, les douze Variations «Ah, vous dirai-je maman», bien mieux venues, et le rare Capriccio/Preambulum modulant – ou de partitions antérieures – l’Allegro initial de la Première sonate (1774) et même un court extrait d’une Suite française de Bach.
Ces intermèdes, pour intéressants qu’ils soient, tendent en revanche à casser le rythme d’une représentation qui, interrompue en outre par la lecture de lettres, ne prend jamais véritablement son envol. Pourtant, indépendamment des libertés prises avec la chronologie (en fait, pour son séjour parisien de mars à septembre 1778, Mozart n’était accompagné ni de son père, ni de sa sœur), le thème paraissait pouvoir donner lieu à une exploitation plus intense et prenante: Aloysia (Weber), la franc-maçonnerie, le décès de la mère, en fin de compte, bon nombre de pistes prometteuses sont abordées pour être aussitôt abandonnées, laissant donc le spectateur sur sa faim. Dommage, car quelques notations pittoresques sur la maladie de Nannerl à Dijon, sur les rumeurs à la cour de France ou sur la superficialité des esprits de la capitale esquissent par ailleurs un tableau plaisant de l’époque.
Le site du Théâtre Le Ranelagh
Simon Corley
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