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Génération 1970-1971 Paris Maison de Radio France 02/23/2007 - Esteban Benzecry : Pillan quitral-Le feu sacré (création)
Jérôme Combier : Estran, poussière grise sans nuage
Thomas Adès : Concerto conciso, opus 18
Luis Fernando Rizo-Salom : El Laberinto de Minotauro (création)
Franck Bedrossian : Charleston (nouvelle version, création)
Bertrand Chamayou (piano)
Ensemble L’Itinéraire, Mark Foster (direction)
Coproduit avec la Casa de Vélazquez et la Villa Médicis, ce concert de «Présences 2007» associait deux récents ou actuels pensionnaires de chacune de ces institutions à la figure centrale de cette édition, Thomas Adès: cinq compositeurs au total, dont les divergences stylistiques auraient pu occulter sans peine une coïncidence chronologique – ils sont nés à un an d’intervalle (1970-1971) – de telle sorte que Mark Foster et l’Ensemble L’Itinéraire ont ainsi défendu avec conviction un aperçu de la diversité actuelle de la scène musicale.
Dans Pillan quitral-Le feu sacré (2006) d’Esteban Benzecry, une création dont le début est perturbé par le carillon destiné aux spectateurs retardataires qui retentit encore à l’extérieur de l’auditorium Olivier Messiaen, les multiples influences, pour ne pas dire parfois réminiscences ou citations, qui avaient frappé l’année passée dans son Evocation pour violon et orchestre (voir ici), demeurent manifestes, de telle sorte que ce quart d’heure fondé sur une légende tehuelche (Patagonie chilienne/Argentine), variante du mythe prométhéen, court sans cesse le risque de verser dans la musique d’ambiance ou la carte postale sonore. En matière d’exotisme, avec tous les guillemets requis, Thierry Pécou avait, une semaine plus tôt, placé la barre beaucoup haut (voir ici), d’autant que l’équilibre instrumental (cinq cordes opposées à quatre bois, trois cuivres, piano et deux percussionnistes) n’est pas toujours satisfaisant et que les formules convenues abondent, comme ces oscillations autour d’une note pivot. Mais le compositeur argentin retient toutefois l’attention par l’élan frénétique qui anime toute la partie centrale de l’œuvre.
Avec Estran, poussière grise sans nuage (2005) de Jérôme Combier, ce sont d’autres types de poncifs «nationaux» qui s’imposent, tant ces seize minutes illustrent une façon d’écrire «à la française», allusive et raffinée, pointilliste et dépouillée, procédant par recherche sur les sonorités. Etude sur le souffle qui a tendance à en manquer un peu, ce «sextuor» (trio à cordes, flûte, clarinette et piano) réserve cependant de beaux moments de lyrisme, notamment un duo entre la flûte et le violoncelle, dans les deux sections lentes qui encadrent une partie centrale plus animée.
Se coulant bien moins dans le moule classique que son Concerto pour violon (voir ici), le Concerto conciso (1997) d’Adès, antérieur de huit ans, annonce clairement la couleur: si le propos est incontestablement bref (deux mouvements de respectivement deux et sept minutes), est-il concis pour autant? Chacun en jugera selon qu’il apprécie ou non ce brillant exercice de dérision grimaçante et de mécaniques détraquées à la Ligeti, où les dix instruments (dont certains amplifiés) qui «accompagnement» le «soliste» tiennent du jazz combo (trois violons et clarinette debout, saxophone baryton, trompette, trombone, tuba, contrebasse et batterie). Quant à Bertrand Chamayou, c’est nouvelle forme de virtuosité qui est attendue de lui, où le geste conserve toute son importance visuelle, que ce soit dans les déplacements rapides de la main droite non sur les touches mais sur les cordes, ou avec le claquement sec du couvercle du clavier qui se referme en guise de conclusion.
La seconde partie de la soirée associait deux partitions extérieurement apparentées à Adès. Dans El Laberinto de Minotauro (2006), donné ici en création, le langage de Luis Fernando Rizo-Salom possède en effet quelque chose de ludique et d’incessamment mobile, recourant également aux bruitages et autres «effets spéciaux». Selon le compositeur, le labyrinthe évoqué par le titre inspire la forme de ces huit minutes, tandis que le langage traduirait, par son caractère «hybride» et revendiqué comme tel, l’aspect de Pasiphaé, dissimulée dans une vache en bois. Visiblement mu par un souci de spatialisation – deux ensembles comprenant chacun deux cordes, deux bois et un cuivre, placés à gauche et à droite assez loin du chef, trombone et piano au centre, et percussionniste se déplaçant de l’un à l’autre de ces groupes – cette pièce peine cependant à convaincre.
Charleston (2005/2007) de Franck Bedrossian, créé ici dans sa nouvelle version, partage avec Adès un solide sens de la provocation, puisque ces treize minutes nous emmènent certes aux Etats-Unis, mais, par leur puissance tellurique et leur sauvagerie effrayante, chez Hyperprism de Varèse plutôt que chez Joséphine Baker. La référence à la danse des années 1920 doit dès lors être comprise comme l’intégration d’éléments extérieurs empruntés aux musiques improvisées et, de fait, parmi les quinze musiciens, certains se voient confier des soli très libres (trombone, mais aussi cor, harpe, flûte, percussion ou clarinette): une surprise contestée par quelques auditeurs, mais dont l’impact semble pourtant difficilement contestable.
Le site d’Esteban Benzecry
Le site de l’Ensemble L’Itinéraire
Simon Corley
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