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Mahler et Berg hors du temps

Baden-Baden
Festspielhaus
02/03/2007 -  
Alban Berg : Lulu-Suite
Gustav Mahler : Symphonie n°4

Christine Schäfer (soprano)
Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg, Michael Gielen (direction)

Ecouter l’Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg quelques jours après la Staatskapelle de Berlin, dans la même acoustique et dans des musiques d’esthétique voisine constitue une expérience intéressante. La réputation de transparence de la phalange badoise en perd un peu de sa validité, tant le son paraît cette fois plus lourd, voire nécessite quelques minutes d’adaptation avant que l’on puisse y retrouver ses repères. Cela dit, l’équilibre se rétablit vite, et même après la prodigieuse démonstration d’orchestre de solistes coordonnée par Daniel Barenboim, les qualités intrinsèques de cet ensemble plus local restent patentes. On retrouve par ailleurs avec plaisir Michael Gielen, dont les apparitions se font plus rares, mais dont la qualité d’entente avec une formation dont il connaît les moindres rouages reste exceptionnelle.


Cela dit, le choix de la Lulu-Suite d’Alban Berg n’est pas de nature à séduire d'emblée, tant la perception de Lulu nous paraît indissociable aujourd’hui du théâtre, la prodigieuse richesse du tissu orchestral ne fonctionnant vraiment qu’en dialogue avec les situations exposées sur scène, y compris quand s’installe une distance volontaire entre le sublime de certains passages et le caractère sordide de l’action. Réduite à un continuum symphonique, même intéressant pour un familier de l’ouvrage (la façon dont Berg recolle des fragments épars, substituant à la logique scénique une logique architecturale d’une validité différente…), cette musique peut ne pas se révéler foncièrement attirante, d’autant plus que Michael Gielen, en indiscutable spécialiste de la Seconde Ecole de Vienne, ne fait rien pour arrondir les angles. On assiste à une formidable leçon de direction d’orchestre (la battue fascine par sa lisibilité, y compris dans les décompositions de mesure les plus complexes), mais la part la plus chaleureuse, voire encore post-romantique, de cette musique nous manque un peu (une composante qu’il devient difficile d’éluder ainsi, d’autres chefs, souvent plus jeunes, ayant su admirablement nous en démontrer la viabilité). Restent évidemment une compétence, une science du matériau, une tenue exemplaire des phrasés (sublime exposé du fameux thème d’amour, touchant par sa pudeur et, presque a contrario, par son absence totale d’emphase), mais qu’il faudrait pouvoir écouter une seconde fois dans la foulée, pour mieux s’imprégner de leur subtilité. La première intervention de Christine Schäfer atteste d’une bonne familiarité avec un rôle abordé fréquemment sur scène par le passé, y compris dans une mémorable production salzbourgeoise. La seconde interpolation vocale, en revanche, passe mal (et fort logiquement puisqu’il s’agit alors d’une phrase assumée normalement par la Comtesse Geschwitz, éventuellement chantable par un bon soprano, mais sous réserve d’une assise beaucoup plus large).


La seconde partie apporte une agréable bouffée d’air plus frais, ce d’autant plus que Michael Gielen semble avoir notablement modifié son approche de la Quatrième Symphonie de Mahler, en privilégiant des phrasés plus allègres, voire des carrures presque amusantes, qui renvoient directement l’œuvre à ses références implicites au classicisme viennois, et surtout aux Symphonies de Haydn. Le volet initial convainc de bout en bout, mené avec une logique formelle sans défaut. Le Scherzo paraît en revanche un peu plus dispersé, avec toutefois de merveilleuses ambiances et une lisibilité certainement favorisée par la disposition habituelle de l’orchestre, violons I et II se faisant face de part et d’autre du podium. Indiscutable troisième temps, dont toutes les facettes sont admirablement polies, le chef parvenant même à faire s’ouvrir les portes d’un au-delà clairement perceptible sans rajouter aux phrases le moindre poids superflu. Discrète chute de tension ensuite, mais presque inévitable, à l’entrée d’une voix qui n’a plus toute la pureté nécessaire, mais possède du moins suffisamment d’autorité et de substance pour se faire entendre, ce qui n’est pas toujours évident pour d’autres sopranos, même dotées de moyens plus frais. Chaleureuse ovation finale, pour un chef et un orchestre qui restent décidément un point de repère incontournable dans notre paysage mahlérien.



Laurent Barthel

 

 

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