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Haendel, de Londres à Chypre

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/17/2007 -  
Georg Friedrich Haendel : Riccardo primo, rè d’Inghilterra


Lawrence Zazzo (Riccardo Primo), Geraldine McGreevy (Pulcheria), Nuria Rial (Costanza), Tim Mead (Oronte), Curtis Streetman (Berardo), David Wilson-Johnson (Isacio)
Kammerorchester Basel, Paul Goodwin (direction)

Le 11 novembre 1727, résonnait dans la fameuse salle du Haymarket, à Londres, Riccardo primo, rè d’Inghilterra, avec les voix du castrat Senesino, de Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni. C’est dire le niveau des solistes, les opéras de Haendel requérant un panache certain du plateau vocal. Indispensable pour une grande œuvre, il l’est tout autant pour les opéras moins réputés, dont celui-ci. Il faut avant tout saluer Paul Goodwin et le Théâtre des Champs-Elysées, non seulement d’avoir choisi un opéra de Haendel, mais surtout un des moins joués.
Le livret de Paolo Antonio Rolli, tiré de l’Isacio tiranno de Francesco Briani, est naïf, long et malhabile (on pourra éventuellement regretter des fautes de traduction et de frappe dans le surtitrage français), mais la musique transcende le matériau de départ : la partition regorge de grands airs (parfois sublimes) et de récits accompagnés comme Haendel en a le secret. Le titre déplace l’attention initialement portée au tyran chypriote Isacio, pour mettre en lumière un roi d’Angleterre dont on chante les louanges d’un bout à l’autre de la pièce : un « Miroir du prince » en musique. Véritable panégyrique (plat) de la valeur royale du pays, l’intrigue commence par une tempête qui explique la présence sur l’île de Riccardo avec ses troupes (sans doute sur la route des croisades), et de Costanza, sa promise qu’il n’a encore jamais vue. C’est l’occasion de mêler d’une manière caricaturale les ressorts amoureux et politiques, sentiments purs opposés à la tyrannie et à l’infidélité dans le camp chypriote. Deux îles rivales, en somme. Mais le Nord vaincra le Sud.
Rejetée sur les côtes, Costanza se lamente de la perte de ce qu’elle n’a encore jamais eu – un éloge du mariage arrangé, à la mode Ancien Régime. C’est l’occasion de découvrir le beau portrait musical d’une amoureuse dévouée, que Haendel dresse de manière cohérente tout au long de la pièce. Dans le rôle de Costanza, Nuria Rial rend bien ce feu intérieur, d’une belle voix facile, mais peut-être trop homogène et uniforme. Classique de la prudence politique, Costanza et Riccardo masquent leur identité dans cette terre étrangère. S’en apercevant, Isacio va tenter de marier sa fille Pulcheria (alors présentée comme Costanza) à Riccardo, une péripétie qui retarde subtilement la scène de première vue des futurs souverains anglais.
Pulcheria est Geraldine McGreevy dont le tempérament de haendélienne s’affirme de plus en plus au fur et à mesure des actes : elle rend magnifiquement la palette d’un personnage qui passe du rôle d’amante trahie et jalouse (Oronte, son promis, est fascinée par Costanza) à celui de fille soumise mais torturée, puis d’alliée héroïque de Costanza.
S’il ornemente les reprises des airs, le contre-ténor Lawrence Zazzo manque malheureusement de projection et peine à remplir l’espace (malgré une présence scénique honnête), sauf dans certaines pointes aiguës et dans tel ou tel arioso, où l’orchestre lui laisse plus de place. C’est dommage dans un rôle moins brillant que Giulio Cesare par exemple, que mériterait sans doute un investissement vocal conséquent. On rencontre les mêmes problèmes chez l’autre contre-ténor, Tim Mead assez terne en Oronte (surtout quand celui-ci guerroie dans la scène 6 de l’acte II), alors que l’Isacio de David Wilson-Johnson est parfaitement campé.
L’ensemble laisse donc un sentiment mitigé. Si les scènes de tempête, de fureur et de guerre montrent un orchestre aguerri et vraiment remarquable d’un bout à l’autre, il manque un ‘je ne sais quoi’ pour que le spectacle devienne plus qu’une très bonne représentation. Défauts du livret ? Attention émoussée par une salle à la chaleur étouffante ? Manque du panache vocal réclamé par Haendel ? Toujours est-il que malgré ces légères réserves, on ne peut que se réjouir d’avoir pu écouter une si belle partition.




Frédéric Gabriel

 

 

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