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Adès au paradis

Paris
Maison de Radio France
02/09/2007 -  
Gerald Barry : La plus forte (création)
Thomas Adès : Concerto pour violon «Concentric paths», opus 24 (création française) – Asyla, opus 17

Barbara Hannigan (soprano), Anthony Marwood (violon)
City of Birmingham symphony orchestra, Thomas Adès (direction)


Avant sa décentralisation, rendue nécessaire par les travaux qui seront prochainement entrepris à la Maison de Radio France, le Festival «Présences» entame une mue à l’occasion de sa dix-septième édition, qui se tient du 9 février au 4 mars: concentrées jusqu’alors en quinze jours d’activité tous azimuts, les manifestations, dont le volume est toujours aussi impressionnant (seize concerts, tous gratuits, affichant vingt-sept compositeurs et vingt et une créations mondiales), seront étalées sur quatre «week-ends» thématiques (certains commençant dès le jeudi).


Directeur artistique du festival depuis 2001, René Bosc a effectué pour cette édition un choix astucieux à défaut d’être radical, qui marque avant tout un spectaculaire rajeunissement: après Penderecki (2006) et Henze (2003), ou même Dalbavie (2005) et Hersant (2004), ou même encore Dusapin (1999), la «vedette» en sera en effet Thomas Adès, qui fêtera ses trente-six ans le 1er mars prochain: un événement pour un «métier» où l’on fait encore figure de «jeune» jusque dans la quarantaine... «Présences» apporte également sa contribution à une saison parisienne au sein de laquelle l’Angleterre est décidément à l’honneur, après l’hommage consacré par le Festival d’automne à un autre compositeur, pianiste et chef surdoué, George Benjamin, et au moment où la Cité de la musique consacre un «domaine privé» à John Eliot Gardiner.


Comme de coutume, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens: même s’il est un peu dommage qu’Adès n’ait pas réservé au public parisien la primeur d’un nouvel opus, on pourra entendre, grâce à sa jeunesse et malgré sa précocité, l’essentiel (vingt-trois partitions) de son catalogue, éclairé par de copieuses notes de programme bilingues. Ce panorama quasi exhaustif permettra ainsi de se faire une image plus précise d’un style et d’un langage difficiles à caractériser, tant ils semblent se renouveler d’une pièce à l’autre, comme dégagés de toutes les contraintes qui ont pu peser sur la génération précédente, tout en bénéficiant en même temps de ses acquis.


Les autres facettes de cette personnalité polyvalente, par ailleurs lointain successeur de Britten tant à la Royal Academy of music qu’aux commandes du Festival d’Aldeburgh, ne seront pas négligées, puisque le chef d’orchestre ne dirigera pas seulement sa propre musique mais aussi celle de ses collègues, de même que le pianiste, qui se produira notamment dans un récital Stravinski avec le violoniste Anthony Marwood. Parmi les autres moments forts, il faut noter des créations de Bedrossian, Decoust, Finzi, Maratka, Pécou, Strasnoy et Zavaro ainsi qu’un concert monographique dédié à Alain Bancquart et la présentation du Poème symphonique pour cent métronomes de Ligeti, sans oublier le volet «Electronique» du 15 au 18 mars. L’hommage à Adès sera en quelque sorte prolongé dès le 5 mars Salle Pleyel, puisque Simon Rattle, depuis longtemps attaché à la musique de son compatriote, donnera avec son Orchestre philharmonique de Berlin la première française de Tevot.


C’est d’ailleurs à la tête de l’ancienne formation de Rattle, l’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham (CBSO), qu’Adès s’est présenté pour le concert inaugural, face à une affluence assez médiocre pour une telle occasion, hormis la fidèle assiduité de bon nombre de figures du milieu musical (Ducol, El-Khoury, Hersant, Maratka, Strasnoy, …). Mais il est vrai qu’en ce vendredi soir, la concurrence était rude, Radio France y contribuant d’ailleurs elle-même avec un superbe programme du Philhar’ à Pleyel.


La soirée ne débutait pas par une œuvre d’Adès, mais par la création de La plus forte (2006) de Gerald Barry (né en 1952), l’un de ses proches au sein du Groupe de musique contemporaine de Birmingham. Le quatrième opéra du compositeur irlandais – on pourra entendre le deuxième, The Triumph of beauty and deceit, le 24 février prochain – est fondé sur la pièce éponyme (1889) de Strindberg, qui confronte une femme à la maîtresse de son mari: la première monologue face à la seconde, dont le rôle est muet, et se révèle finalement «la plus forte». Barry n’a pas opté pour la facilité: outre le défi consistant à ne disposer que d’un seul rôle chanté (a cappella durant les deux premières minutes), qui évoque un Erwartung ou une Voix humaine qui se finiraient bien, il a retenu la version française du texte du dramaturge suédois.


C’est à nouveau ici la preuve que la langue française n’usurpe pas sa réputation d’être rétive à la mise en musique: une prudente prosodie à la Pelléas, agrémentée de parlando et de colorature, donne la curieuse impression que Mélisande s’abandonne à une sorte d’interminable air de la folie (vingt minutes). En outre, quelles que soient les prouesses vocales de Barbara Hannigan, qui assura en son temps la création française des Correspondances de Dutilleux, son accent rend nécessaire la consultation du livret obligeamment distribué aux spectateurs. L’effectif orchestral, de type romantique mais sans timbales, maintient un bon équilibre avec la soprano canadienne, mais il sert une musique d’un autre âge, fragments à base d’unissons et d’ostinati qui renvoient à diverses inspirations, plus ou moins heureuses, de Stravinski (Noces, Octuor, Dumbarton oaks). Le CBSO, précis, aux bois magnifiques et à la sonorité chaleureuse, offre toutefois une consolation appréciable.


The man in the white suit entre ensuite en scène: ce n’est pas Alec Guinness, mais Anthony Marwood, vêtu d’un costume blanc pour donner la création française du Concerto pour violon «Concentric paths» (2005) d’Adès. Moins fourni (sinon en percussions), son orchestre sonne néanmoins davantage, de telle sorte que le soliste peine parfois à s’imposer. Si la forme paraît classique (vif/lent/vif), elle rappelle à nouveau Stravinski et, plus précisément, la structure de son propre Concerto pour violon, en ce sens que le mouvement central, qui dure au moins autant que les deux autres réunis, comprend deux parties clairement distinctes, de telle sorte que l’on peut considérer que deux mouvements vifs – ingénieux, un peu à la manière d’Adams – encadrent deux mouvements lents de caractère lyrique – l’un élégiaque, voire funèbre, l’autre plus lumineux.


Postmoderne, composite, ne craignant pas les juxtapositions inattendues, cette musique ne possède cependant ni la vitalité, ni l’originalité d’Asyla (1997), une pièce nettement moins épigonale et qui a sans doute fait le plus pour la notoriété d’Adès: le trublion se serait-il déjà assagi? En tout cas, cette sorte de symphonie d’un seul tenant et d’une durée de vingt-cinq minutes a déjà acquis sa place au répertoire, et pas seulement grâce à Rattle: la capitale a déjà pu la découvrir sous la baguette de son auteur, mais aussi à l’Orchestre de Paris avec Dohnanyi (voir ici). Ce melting pot où le laid et le déglingué cohabitent avec la démesure et l’emphase, où Varèse rencontre Bernstein, offre au milieu musical et, au-delà peut-être, à la société toute entière le reflet d’une époque indécise. Ce n’est sans doute pas la moindre raison de son succès.


Le site du Festival «Présences»
La page de Thomas Adès aux Editions Faber music
Le site du City of Birmingham symphony orchestra
Le site de Barbara Hannigan



Simon Corley

 

 

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