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Histoires de la Baltique Paris Théâtre des Champs-Elysées 02/01/2007 - Jean Sibelius : Finlandia, opus 26
Béla Bartok : Concerto pour violon n° 2, sz. 112
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 11 «L’Année 1905», opus 103
Viktoria Mullova (violon)
Orchestre national de France, Neeme Järvi (direction)
Bien qu’obéissant au traditionnel triptyque ouverture/concerto/symphonie, ce programme de l’Orchestre national de France avait de quoi réconforter les spectateurs, qui ont parfois raison de se plaindre de la brièveté des concerts. Et même, avec un concerto de près de quarante minutes et une symphonie d’une heure, le lever de rideau constituait un véritable bonus. On s’en plaindra d’autant moins qu’en cette année qui marque pourtant le cinquantième anniversaire de sa mort, c’était l’une des rares occasions que la présente saison offre d’entendre à Paris un peu de musique de Sibelius. Et même si Finlandia (1899/1900) n’est certes pas son œuvre la plus essentielle, la façon dont Neeme Järvi, sans baguette et malgré une battue encore plus personnelle que celle de Kurt Masur, parvient à galvaniser l’orchestre et à assurer la précision des départs semble prometteuse pour la suite de la soirée.
Toujours aussi extravagante dans ses tenues (dessus vermillon ajouré à franges, sandales), Viktoria Mullova n’en donne pas moins une lecture intériorisée du Second concerto (1938) de Bartok, toute en finesse, préférant la pureté des sonorités à un ton abrupt, âpre ou rugueux. Si elle ne possède sans doute pas toute la puissance de «l’école russe», sa technique n’en démontre pas moins une grande sûreté et une remarquable agilité. Ayant manifestement fasciné un public dont la qualité d’écoute aura rarement été aussi remarquable, la violoniste, malgré l’amicale pression du chef et l’accueil enthousiaste des musiciens, n’offre pas de bis.
Le chef estonien, après Finlandia, a choisi de rester dans le même cadre géographique et historique, avec les journées insurrectionnelles que décrit Chostakovitch dans sa Onzième symphonie «L’Année 1905» (1957). Trois semaines plus tôt à l’Orchestre de Paris, le Pétersbourgeois Yakov Kreizberg n’avait pas pleinement rendu justice à cette fresque haute en couleur (voir ici). Lui aussi familier du contexte soviétique, Järvi, qui fut également étudiant dans la cité qu’on appelait alors Leningrad, soutient à chaque instant l’intérêt en dramatisant le propos, notamment par des tempi très allants, et se révèle ainsi bien plus convaincant dans les deux premiers mouvements: au premier degré, peut-être, mais avec le cœur, et même les tripes. Terriblement efficace, servie par des phrasés éloquents qui mettent en valeur aussi bien les chants révolutionnaires que la mélodie des altos dans Mémoire éternelle, son interprétation libère une formidable tension, accrue par l’impact physique que l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées confère à ces grandes masses orchestrales: la violence du Tocsin final, cloches à toute volée, est particulièrement saisissante.
Simon Corley
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