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Encore Mozart et Chostakovitch Paris Salle Pleyel 01/10/2007 - Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour violon n° 3 «Strasbourg», K. 216
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 11 «L’Année 1905», opus 103
Julia Fischer (violon)
Orchestre de Paris, Yakov Kreizberg (direction)
Le premier rendez-vous de l’Orchestre de Paris en ce début 2007 réunissait deux des compositeurs qui, anniversaires obligent, ont été à l’honneur tout au long de l’année 2006. Dès lors, l’intérêt de ce concert venait au moins autant des interprètes que du programme proprement dit, permettant de retrouver deux musiciens qui ont l’habitude de travailler ensemble: Julia Fischer et Yakov Kreizberg ont en effet enregistré plusieurs disques pour PentaTone, dont, précisément, une intégrale des Concertos de Mozart.
Dans le Troisième concerto «Strasbourg» (1775), la violoniste allemande, aujourd’hui dans sa vingt-quatrième année, confirme les qualités de ses précédentes prestations parisiennes: peu démonstrative, refusant les excès, même dans les cadences, elle déploie un jeu sans surprises ni extravagances, mais d’excellente tenue, d’une finesse qui ne sonne jamais de façon étriquée. Vif et dégraissé, mais parfois trop raide, l’accompagnement se situe aux antipodes du Mozart moelleux et confortable que Colin Davis célébrait la veille dans la même salle (voir ici).
Avec Bach et Paganini en bis, Julia Fischer ne fait pas preuve d’une grande originalité. Mais l’essentiel n’est pas là, car sa Sarabande de la Deuxième partita, à la fois inquiète et immatérielle, rappelle opportunément que malgré son jeune âge, elle a déjà gravé une remarquable intégrale des Sonates et Partitas (toujours chez PentaTone). Dans le Deuxième caprice (1805), elle dramatise le propos tout en insufflant à cette pièce une musicalité et une élégance que l’on n’attend pas nécessairement dans ce répertoire.
Yakov Kreizberg n’était pas revenu dans la capitale depuis novembre 2000, où il avait notamment dirigé la Première symphonie de Mahler: c’était alors sa première apparition à la tête de l’Orchestre de Paris, dont son demi-frère, Semyon Bychkov, avait été le directeur musical de 1989 à 1998. Il se mesurait cette fois-ci à la Onzième symphonie «L’Année 1905» (1957) de Chostakovitch, une œuvre longtemps tenue injustement pour négligeable, sans doute en raison de son statut de commande officielle pour le quarantième anniversaire de la Révolution d’octobre et alors même que le compositeur aurait affirmé l’avoir écrite en hommage à l’insurrection hongroise de 1956.
D’un seul tenant, avec des citations de chants révolutionnaires qui passent de l’un à l’autre de ses quatre mouvements, la partition tient au moins autant du poème symphonique que de la symphonie. Mais plutôt que de se contenter de rendre justice au caractère narratif de cette fresque haute en couleur, une approche qui suffit généralement y pour réussir, Kreizberg s’efforce de la considérer en fait comme une symphonie à part entière. Un choix qui s’explique peut-être par son parcours personnel, car si elle évoque des événements tragiques survenus dans sa ville de naissance (Saint-Pétersbourg), cette Onzième reste inévitablement associée à un régime qui l’a contraint à s’exiler aux Etats-Unis avec sa famille en 1976.
Cette volonté d’abstraction s’exprime au mieux dans l’Adagio «Eternelle mémoire» et, dans une moindre mesure, dans Le Tocsin final. Le manque de tension et d’âpreté paraît en revanche plus préjudiciable aux deux premiers mouvements, dont le propos se veut davantage descriptif. Mais tout au long de cette heure de musique, Kreizberg démontre une belle maîtrise des progressions et l’impact quasi physique des mouvements pairs demeure toujours aussi impressionnant, malgré des cloches un peu trop discrètes dans les dernières pages.
Cette symphonie sera à nouveau à l’affiche dès le 1er février prochain au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre du cycle Chostakovitch de l’Orchestre national de France, sous la direction de Neeme Järvi.
Le site de Julia Fischer
Le site de Yakov Kreizberg
Simon Corley
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