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“Aussi subtil qu’harmonieux!”

Paris
Théâtre du Châtelet
12/12/2006 -  
Lieder de Mahler, Schumann, Wolf, mélodies de Duparc, Debussy…
Felicity Lott (soprano), Graham Johnson (piano)

Les concerts au Châtelet se suivent… et se ressemblent pour le plus grand plaisir du public. Felicity Lott fait partie de ces chanteurs fidélisés au cours du temps qui, presque chaque année, viennent enchanter la salle parisienne avec des lieder et des mélodies. Son récital est découpé en deux parties: la première est consacrée aux lieder et la seconde à la musique française avec deux hommages, l'un à Baudelaire, l'autre à Yvonne Printemps.



La soprano anglaise a beaucoup chanté l’allemand et elle restera une Maréchale légendaire. Mais, curieusement, son interprétation des lieder est assez monochrome, voire terne. Chaque note est traitée avec une grande attention, peut-être trop d’ailleurs, et il ne semble pas vraiment y avoir de vision d’ensemble. Elle commence son récital avec quatre lieder tirés des Rückert-Lieder: “Ich atmet’ einen linden Duft” est une sorte de mise en voix car la chanteuse est assez réservée et sa voix manque quelque peu de puissance. Le deuxième lied (“Liebst du um Schönheit”) la montre beaucoup plus à l’aise vocalement. Le morceau le plus émouvant, le plus musical de tout le récital est “Ich bin der Welt abhanden gekommen”: elle le chante avec une sorte de distanciation froide, mettant bien en relief la résignation du personnage qui renonce au monde. Le souffle est parfaitement contrôlé, ce qui lui permet de développer la phrase de Mahler sur un legato remarquable. Felicity Lott interprète également quatre lieder de Robert Schumann. Dans “Widmung”, elle rend son chant un trop “opératique”, pas assez intimiste. Mais il faut lui reconnaître un enthousiasme sincère et touchant. “Liebeslied” est nettement mieux venu, car elle présente un personnage un peu perdu, égaré et elle fait de beaucoup d’engagement, notamment avec les accents qu’elle place sur les différents “kann”. Felicity Lott arrive à s’approcher de l’ambiance d’Hugo Wolf: les dissonances, les notes étranges sont bien rendues. Ainsi “Mignon III” est une réussite, car elle parvient à faire monter la tension pendant tout le lied pour la laisser s’échapper dans la dernière strophe. Mahler va toutefois beaucoup mieux à Felicity Lott que Schumann ou même Wolf. Elle ne parvient à créer l’ambiance intimiste que requiert la pratique du lied et on n’y voir qu’une accumulation de très belles notes, de très beaux sons, mais la musicienne ne raconte pas forcément une histoire d’un bout à l’autre du lied.


La partie française est nettement plus convaincante. Felicity Lott l’ouvre avec L’Invitation au voyage de Duparc: on peut également remarquer la qualité de son souffle et le legato de son phrasé ainsi que l’élégance qui se dégage de cette mélodie. Elle chantera un peu plus tard La Vie antérieure avec davantage d’énergie vocale: les aigus sont encore très brillants, surtout quand ils sont émis en pleine voix. La chanteuse se détend progressivement pour se laisser prendre par la musique: “c’est là” de la troisième strophe est impressionnant de puissance. Elle aborde également Pierre Capdevielle avec “Je n’ai pas oublié”, mélodie qui permet de remarquer ses beaux graves nourris et un medium bien chaud. La dernière partie du concert est un vibrant hommage à Yvonne Printemps avec cinq pièces. Felicity Lott est exquise dans ce répertoire et elle sait trouver le ton juste pour ne tomber ni dans la mièvrerie ni dans la vulgarité. Dans un français parfait, elle explique au public les conditions d’écriture et de création de Conversation Piece en 1934. Le personnage féminin est amoureux et le déclare dans un air charmant “I’ll follow my secret heart” auquel Paul-Graham Johnson répond dans un anglais qui semblerait lu par un français. L’héroïne doit ensuite apprendre l’anglais et ce fut un exercice très difficile pour Yvonne Printemps qui n’en parlait pas un mot: cet air est savoureux car il s’agit de dire l’anglais avec un accent français. Suivent trois airs écrits par Sacha Guitry pour celle qui était à l’époque son épouse. Reynaldo Hahn a composé la musique de l’Air de la lettre que Felicity Lott interprète avec beaucoup de finesse et de raffinement: elle susurre tout le début de l’air… Oscar Straus a, quant à lui, œuvré pour la partition de la Valse des adieux: la chanteuse y est aussi remarquable surtout dans la reprise qu’elle reprend doucement et de manière très émouvante. Elle ne pouvait terminer son récital qu’avec “J’ai deux amants”, air auquel elle apporte tout le piquant et toute la verve nécessaires. Elle sait se montrer langoureuse et affecter un certain mépris pour les “hommes” dans la dernière reprise.
Malgré un récital déjà fort riche, elle offre quatre bis. Le premier et le dernier sont de Reynaldo Hahn. “La nuit” est particulièrement magnifique, car Felicity Lott se montre envoûtante, charmeuse. Elle chante également en hommage à Yvonne Printemps et à Francis Poulenc, Les Chemins de l’amour avec une dernière reprise murmurée, retenue. Et pour se remémorer des représentations exceptionnelles, elle reprend les habits (et les gestes) de la Belle-Hélène pour un “On me nomme Hélène la Blonde” peut-être plus libéré et plus rempli d’humour que lorsqu’elle était sur scène.



Felicity Lott est le raffinement et la délicatesse incarnés! En effet, elle ne se livre jamais à des effets faciles pour exprimer un sentiment ou pour dessiner un personnage. Même si ses lieder déçoivent un peu, ses mélodies et surtout ses extraits d’opérettes contribuent à rendre cette artiste inoubliable. Une grande Dame!



Manon Ardouin

 

 

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