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Le poète Marcelo!

London
Covent Garden
10/23/2006 -  et les 27, 31 et 2, 4*, 7, 10, 13, 16, 21, 25 novembre 2006
Giacomo Puccini : La Bohème
Marcelo Alvarez (Rodolfo), Katie Van Kooten (Mimi), William Dazeley (Marcello), Nuccia Focile (Musetta), Alexander Vinogradov (Colline), Jared Holt (Schaunard), Jeremy White (Benoît), Robert Tear (Alcindoro), Alan Duffield (Parpignol), Bryan Secombe (sergent)
Julia Trevelyan Oman (décors), Johan Charlton-William Bundy (lumières), John Copley (mise en scène)
Orchestre et chœur du Royal Opera House
Philippe Jordan (direction)

Cette énième reprise de La Bohème au Covent Garden vaut essentiellement pour les débuts in loco de Marcelo Alvarez dans le rôle du poète Rodolfo. Malgré une mise en scène explicite et réaliste, une distribution correcte, voire très bonne pour certains éléments, la soirée reste un peu en deçà des espérances et il faut attendre le dernier acte pour commencer à “croire” au drame qui se déroule sur scène.



La mise en scène de John Copley, créée en 1974, est très classique et respectueuse de l’époque et de l’ambiance qui régnait alors à Paris. Le premier tableau ainsi que le dernier se déroulent dans la mansarde des quatre amis où tous les accessoires typiques sont présents, du poêle au tableau de Marcello en passant bien sûr par les chaises et la table en bois. Le second acte est plus animé avec le Café Momus, dont on ne voit que l’intérieur: les personnages mangent, regardent l’étalage de Parpignol, etc… Le troisième acte, en revanche, est mieux réussi et plus suggestif: la neige tombe doucement à l’ouverture du rideau puis au moment du quatuor final, tout est assez sombre…Les costumes sont simples puisque les amis ont des vêtements un peu usagés et dans des tons plutôt foncés. Musetta fait étalage de sa richesse avec des robes colorées qui contrastent avec celles de Mimi.


Katie Van Kooten est une Mimi crédible mais sa voix est étrange: son timbre est assez joli, les harmoniques sont fleuries et elle sait même rendre charmant son vibrato un peu trop développé. La chanteuse vit à fond son rôle et on aura assez rarement entendu une Mimi aussi sincère et naturelle. Lorsqu’elle chante son premier air “Mi chiamano Mimi”, elle semble vraiment raconter l’histoire de sa vie dans les moindres détails et elle aborde les phrases comme si elle souhaitait ajouter un nouvel élément à Rodolfo de peur d’omettre un détail. Un véritable dialogue s'instaure entre eux et, pour une fois, le “si” de Rodolfo se justifie et prend toute sa cohérence. Elle se montre très émouvante à la fin de l’opéra en expirant très discrètement, avec une voix et une présence scénique qui se font peu à peu oublier.
Marcello est interprété par William Dazeley qui présente un peintre assez neutre et banal. La voix est chaleureuse, la technique est bonne et il défend la partition avec conviction mais sans jamais vraiment imposer son personnage. Il est un excellent comparse dans la mesure où il met en valeur le jeu de Marcelo Alvarez mais on a vu des Marcello plus inspirés.
Marcelo Alvarez est de plus en plus à l’aise dans le rôle de Rodolfo. Il ose plus de nuances, il prend davantage de liberté avec les tempi et la partition (en la respectant bien sûr) et il a fait d’immenses progrès scéniquement. On avait souvent souligné son jeu un peu gauche mais cette réserve n’est plus de mise quand on le voit souligner une situation ou une phrase par une mimique ou bien s’amuser avec ses compagnons: quand Mimi frappe à la porte et chante “scusi”, il répond par “una donna” avec des yeux malicieux qui en disent long sur la joie qu’il ressent à voir entrer chez elle la féminité et, coquet, jusqu’au bout, il se recoiffe avant d’ouvrir la porte. Il plaisante beaucoup avec ses amis au dernier tableau en esquissant des pas de danse avec une agilité et une souplesse qu’on ne lui connaissait pas. L’interprétation vocale est tout aussi exemplaire et son “Che gelida manina” restera gravé dans les mémoires pour l’élégance du phrasé et pour la poésie de ses notes. Mais c’est surtout dans le troisième acte qu’il est particulièrement extraordinaire: il chante avec désinvolture la fin de son amour pour Mimi pour ensuite exploser de douleur dans “Ebbene no, non lo son”: il devient presque fou à l’idée de la perdre et chante avec des notes puissantes, soutenues jusqu’à “l’uccide”. Ce passage contrastera fortement avec la suite du tableau où il murmure presque “Dunque è proprio finita”.
Nuccia Focile est parfaite pour Musetta et elle rend le personnage sympathique dès le début de l’opéra en éliminant le côté vulgaire que peuvent lui apporter certaines collègues. La chanteuse a en elle tous les atouts pour incarner une jeune femme piquante: présence scénique, agilité de la voix, fraîcheur du timbre, aisance mêlée de séduction et d’inquiétude… Elle donne un sens à “Quando m’en vo” avec quelques retards, des changements de nuances, des notes alanguies, etc… Une très belle prestation qui fait regretter de ne pas voir cette artiste plus souvent sur nos scènes parisiennes.
Alexander Vinogradov avait déjà fait sensation l’année dernière à la Bastille dans le rôle de Colline. Même si la voix est toujours aussi puissante et belle, l’acteur est un peu en retrait et il n’arrive pas à apporter une intensité suffisante à l’adieu au manteau. Il faut dire que Philippe Jordan adopte un tempo trop rapide, qui ne permet pas à la mélodie de se développer: l’air est un peu expédié! Jared Holt campe un Schaunard tout à fait honnête, mais qui ne marquera pas les esprits. Jeremy White est excellent dans le rôle du concierge Benoît. Il possède la vis comica adéquate pour proposer progressivement une caricature du personnage à l’aide tantôt de notes aigrelettes, tantôt de notes grossies: il joue beaucoup sur le mélange des registres, sérieux et bouffe. Une bien intéressante composition! On retrouvera avec plaisir Robert Tear dans le rôle épisodique d’Alcindoro. Ce chanteur fait encore une démonstration de son talent de comédien en interprétant avec justesse et humanité le vieux soupirant de Musetta. Il est aidé en cela par une voix toujours aussi précise et percutante.


La direction de Philippe Jordan laisse quelque peu sur sa faim. Tout est en place, il dirige correctement, il est attentif aux détails mais toute cette application ne lui permet pas de donner une âme à la partition. Quelques passages, toutefois, sont superbes comme le début du troisième tableau où il développe un crescendo pendant plusieurs minutes. L’effet est très réussi et l’émotion commence à étreindre l’auditoire.



Sans être impérissable cette soirée fut très agréable et elle a permis de confirmer que Marcelo Alvarez est devenu ces dernières saisons un Rodolfo indispensable. L’ensemble est tout à fait honnête et aucun des interprètes ne démérite. Il manque simplement cette petite flamme magique qui sait émouvoir dès les premières notes de la partition…





A noter:
- Changements de distribution: le 16, 21 et 25, Franck Lopardo chantera Rodolfo, Robert Gleadow, Colline et Hei-Kyung Hong, Mimi.
- Marcelo Alvarez sera de nouveau Rodolfo à Zurich du 25 février au 9 mars 2007.
- Cette production existe en Dvd avec Ileana Cotrubas & Neil Shicoff et date de 1982. Chez NVC arts.


Manon Ardouin

 

 

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