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Mon Amériques à moi

Paris
Cité de la musique
11/07/2006 -  et 11 (Badenweiler), 13 (Bern) novembre 2006
Hanspeter Kyburz : Réseaux (nouvelle version – création)
Bruno Mantovani : Streets (création)
Pierre Boulez : Dérive 2

Ensemble intercontemporain: Sophie Cherrier (flûte), Didier Pateau (hautbois), Alain Billard (clarinette), Paul Riveaux (basson), Jean-Christophe Vervoitte (cor), Jean-Jacques Gaudon (trompette), Samuel Favre, Michel Cerutti (percussion), Hidéki Nagano (piano), Frédérique Cambreling (harpe), Jean-Marie Conquer (violon), Christophe Desjardins (alto), Eric-Maria Couturier (violoncelle), Pierre Boulez (direction)


Le retour de Pierre Boulez à «son» Ensemble intercontemporain (EIC), pour régulier qu’il soit, n’en constitue pas moins à chaque fois un événement: en l’occurrence, l’exécution à Paris d’un programme qui formera l’ossature d’une brève tournée européenne en Italie, en Allemagne et en Suisse, aura fait salle comble, avec un parterre où l’on pouvait notamment remarquer Claude Pompidou et Gérard Mortier.


L’EIC a commandé à Hanspeter Kyburz une nouvelle version de Réseaux (2003), la première ayant déjà été créée en son temps sous la direction de Boulez. Le compositeur a complété sa partition, passée ainsi de six à treize minutes, soulignant dans son texte de présentation l’influence des rouleaux peints par le Japonais Sesshû (1420-1506), dans lesquels il voit «un organisme extrêmement dense, parcouru par une interaction incessante entre ses éléments, se développant entre des contrastes extrêmes, selon un processus pourtant continu». D’une énergique volubilité, le propos consiste en une succession rapide d’accidents qui construit paradoxalement une illusion de continuité, mais qui donne toutefois l’impression de peiner à se renouveler, malgré quelques répits bienvenus.


Très attendue, la création de Streets de Bruno Mantovani s’inscrivait dans le cadre d’un concert qui, s’il marquait la conclusion du cycle «Les Temps modernes» organisé par la Cité de la musique, annonçait aussi en quelque sorte son prochain cycle, «New York», qui débutera le 14 novembre prochain. Le tout récent invité d’honneur de Musica à Strasbourg dit en effet avoir eu envie d’écrire cette nouvelle pièce alors qu’il se «promenait dans les rues» de la métropole américaine. Il a ainsi visé à traduire dans son œuvre «cet univers, composé de strates infinies» et caractérisé par une «densité d’activités humaines simultanées», mais qui «se résumait […] à une globalité tendant paradoxalement vers le statisme».


Mantovani estime qu’il a procédé à cette occasion à une «remise en cause radicale» de son langage, tant par l’effectif utilisé (dix instruments) que par la durée fixée à cette commande de l’Ensemble intercontemporain (seize minutes). A l’instar de Kyburz, et sans davantage céder à la «couleur locale», il part d’une source dont la densité le fascine: de fait, sa musique traduit également une activité frénétique, par exemple avec ses notes répétées, mais la comparaison s’arrête là, car Mantovani fait davantage rêver par la finesse, la transparence et une indéniable volonté de séduire, qui laisse la place à de spectaculaires soli (harpe, alto, …) et à un plus grand souci de recherche sur les sonorités. En même temps, le style se révèle plus tributaire de références passées, avec en particulier un fort parfum varésien: vous avez dit Amériques?


Après Dérive (1984) pour six instruments, Dérive 2 pour onze instruments, destinée à l’origine à Elliott Carter pour ses quatre-vingts ans (1988), a connu jusqu'à cette année, à l’image de nombreuses partitions de Boulez, une importante… dérive, qui en a porté la durée à quarante-quatre minutes, «subissant les interférences d’autres œuvres achevées entre-temps». Mais avec un capitaine tel que Boulez, nulle «dérive» esthétique en vue, même si ces vagues sonores illustrent une parfaite maîtrise des transitions, constituant une fascinante succession de fondus enchaînés, car elles invitent à une aventure d’une fraîcheur d’esprit qui pourrait en remontrer à bien des jeunes compositeurs, à commencer par Kyburz et Mantovani, présents pour l’occasion, et dont l’âge cumulé demeure inférieur au sien…


Car s’ils ont placé leur travail sous le signe de la densité, la densité boulézienne, quant à elle, se situe bien davantage du côté de la pensée que du matériau, toujours nimbé ici des irisations produites par une sorte de continuo (piano, harpe, vibraphone, marimba): vivacité, fluidité, sensualité, légèreté, virtuosité (la mise en place époustouflante des dernières pages!) et, n’en déplaise à ses détracteurs ou – qui sait? – au maître lui-même, lyrisme et humour, c’est en effet un feu d’artifice d’une stimulante richesse qui se déploie sans relâche durant près de trois quarts d’heure.



Simon Corley

 

 

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