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Der Meistersinger Bryn Terfel!

Paris
Salle Pleyel
10/15/2006 -  
Airs tirés d’opéras de Mozart, Wagner, etc…
Bryn Terfel (baryton-basse)
Orchestre National de France, Yannick Nézet-Séguin (direction)

Fêté en Angleterre, aux États-Unis, partout dans le monde, Bryn Terfel a assez peu chanté à Paris et c’est donc avec un immense bonheur qu’on le retrouve pour un récital. Il dédie son concert essentiellement à Wagner et à Mozart mais il ne peut s’empêcher de terminer sur des œuvres plus populaires dont il se montre l’ardent défenseur à travers ses disques.



La soirée s’ouvre avec Wagner puisque trois opéras y sont représentés. L’ouverture des Meistersinger introduit le grand air de Hans Sachs “Was duftet doch der Flieder” que Bryn Terfel chante avec intelligence et humanité. En effet le personnage est troublé par le chant de Walther et on sent l’émotion grandir dans la voix de Hans Sachs et donc dans celle de Bryn Terfel à partir de “Und doch, ‘s will…”. Il rend la sincérité du personnage avec des notes très douces sur “wie Vogelsang”, et avec un phrasé limpide et élégant. Changement de ton avec Tannhäuser puisque Wolfram chante la nature et l’étoile du berger dans un magnifique “O du mein holder Abendstern”. Bryn Terfel allège sa voix (sur les phrases qui précèdent le début de la romance), la rend plus malléable et offre surtout des notes magnifiques, sous forme de crescendo, sur les attaques des phrases (“O du mein…”). La conduite de la ligne de chant est superbe et sur un seul souffle: le chanteur fait de Wolfram un être extasié mais qui n’en reste pas moins puissant. Mais le baryton-basse, jusqu’ici assez statique et réservé, se dévoile entièrement dans un Hollandais d’anthologie: il se laisse envahir par la musique, adopte presque des gestes scéniques et brosse le portrait d’un Hollandais désespéré mais en colère devant tant de malheur. Dès le début de l’”air”, il crie sa fureur avec “Stolzer Ocean” et ce sentiment ne le quittera pas de tout le passage avec des mots percutants, un texte vécu et expressif. La voix est beaucoup plus forte, plus puissante que dans les autres morceaux du concert et elle atteint son maximum dans “Nirgends ein Grab! Niemals der Tod”, phrases presque effrayantes. La fin est également terrifiante car il ne distille les notes que une par une avec une rage contenue et sous-jacente.
La deuxième partie du concert est consacrée à Mozart et elle commence avec l’air du catalogue de Don Giovanni. Bryn Terfel entre en scène avec le programme de la Salle Pleyel qu’il va feuilleter pour donner les chiffres des conquêtes de son maître. Il est beaucoup plus détendu et il joue un peu avec le public sans que son interprétation n’en pâtisse, bien au contraire. Dans la seconde partie de l’air, il explique les différentes catégories de femmes avec des gestes et surtout avec une voix très expressive: voix charmeuse pour “la dolcezza”, voix plus ample pour “la maestosa”, volume plus réduit pour “la piccina”… Il termine son air avec une certaine connivence sur “voi sapete”. Un Leporello de grande classe! Place ensuite à Figaro avec un “Non piu andrai” vif et entraînant. Avec une telle description, Cherubino ne peut qu’aller au combat! Bryn Terfel se retourne généreusement vers les spectateurs assis derrière la scène pour interpréter un touchant air de concert “Io ti lascio, oh cara, addio”: il y met une grande sensibilité et une douceur dans la voix, notamment pour la reprise en mezza-voce. Il fait sonner les mots “strappa” rendant l’intention dramatique encore plus évidente.
Falstaff est Le rôle de Bryn Terfel! Il en donne un extrait “L’Onore! Ladri!” en soulignant l’humour du personnage dans sa description des différentes parties du corps non remplaçables par l’honneur: ses “no” sont très explicites et inexorables. Il montre également l’humanité de Sir John avec des sons plutôt enjôleurs et doux malgré la colère contre ses comparses qui ne cesse d’augmenter pendant tout l’air. Dans ce fragment, il touche au plus près du rôle avec des gestes qui accompagnent son projet vocal.
Pour terminer le concert, il interprète un air de Richard Rodgers, “Some enchanted evening” et sa voix est vraiment un enchantement: elle est charmeuse sur les fins des phrases sans perdre de son soutien et de sa vaillance. Il se transforme enfin en un Don Quichotte songeur dans “To dream the impossible dream” mais encore bien ancré dans la vie réelle: l’air est très beau mais peut-être manque-t-il un peu de folie ou de rêverie.
Devant un public qui lui offre une standing ovation, Bryn Terfel se doit de revenir avec Mozart et une sérénade de Don Giovanni plus qu’ensorceleuse. Il descend dans la salle, une rose à la main et tente de séduire les femmes du parterre sans jamais se départir d’une parfaite maîtrise de la musique (l’orchestre est derrière lui). Il achève la soirée avec l’air d’Escamillo qui ferait se damner toutes les Carmen tellement il montre un toréro sûr de lui et valeureux!

Yannick Nézet-Séguin est un chef on ne peut plus énergique! Il joue avec un enthousiasme débordant les ouvertures de Wagner notamment celle des Meistersinger. Le compositeur allemand prend une grande force sous sa baguette, peut-être un peu trop d’ailleurs, parce que le chef ne peut pas contrôler tous les petits dérapages et l’ensemble est quelquefois assez brouillon: les élans des phrases wagnériennes sont superbes et musicaux. Mais il est également attentif aux détails, comme dans la manière dont revient le thème au début de l’air de Hans Sachs. Il sait également rendre l’élégance de Wagner dans la reprise du thème par le violoncelle dans la Romance à l’étoile de Wolfram. L’ouverture de La Forza del destino est enlevée avec brio tout comme celle de Candide et le tout s’enchaîne dans une ambiance très joyeuse.



Il est difficile de décrire exhaustivement le talent de Bryn Terfel mais ce qui est sûr c’est qu’il est vraiment l’un des plus grands chanteurs de notre temps. Il possède tout: l’intelligence de la musique, la beauté de la voix, la capacité de s’en servir pour défendre une partition et la rendre plus vivante, etc… Espérons que cet accueil très chaleureux de la part du public parisien donnera l’idée à des directeurs de grandes maisons parisiennes d’inviter Bryn Terfel pour qu’il vienne ici offrir son Falstaff génial ou bien son Scarpia venimeux, sans parler de son Wotan humain.




A noter:
- Bryn Terfel vient de sortir un nouveau disque consacré essentiellement à Mozart, Tutto Mozart, chez DG.


Manon Ardouin

 

 

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