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Voyage avec Mozart!

Paris
Salle Pleyel
10/14/2006 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Extraits de Idomeneo, Die Entführung aus dem Serail, Die Zauberflöte, La Clemenza di Tito, Cosi fan tutte, Le Nozze di Figaro et Don Giovanni.
Anna Chierichetti (Electre, Dorabella, Elvira, Comtesse), Patrizia Biccirè (Servilia, Despina), Elin Manahan Thomas (Papagena), Camilla Tilling (Pamina, Susanna, Fiordiligi, Vitellia), Clare Wilkinson (Annius), Lina Markeby (Idamante, Sextus) Anne Mason (Marcellina), Kurt Streit (Idomeneo, Belmonte, Basilio), Nicholas Watts (Pedrillo, Ferrando, Tamino), Christopher Maltman (Papageno, Comte, Guglielmo, Don Giovanni), Kyle Ketelsen (Leporello, Figaro), Matthew Brook (Don Alfonso), Brindley Sherratt (Osmin, Commandeur, Publius)
Monteverdi Choir, English Baroque Soloists
Sir John Eliot Gardiner (direction)

John Eliot Gardiner offre à son tour un brillant hommage à Mozart sous la forme d’un concert original qui permet à redécouvrir les grands passages des opéras de Mozart. Au lieu de donner à entendre une succession de “tubes”, le chef propose de larges plages (15 à 20 minutes environ) de Don Giovanni, Die Zauberflöte, etc… car il s’appuie sur une troupe de chanteurs, assez hétérogène, où le meilleur côtoie le moins bon.



Pour rendre le concert plus vivant, Stephen Medcalf a imaginé une mise en espace qui verse dans le ridicule à de nombreuses reprises. Pour ne prendre qu’un exemple: le chœur chante “Placido e il mar” au début d’Idomeneo et pour symboliser la mer, les choristes agitent leurs mains habillées d’un gant bleu… et de bleus différents. Le public se met donc à rire et à ne plus écouter la musique et c’est bien dommage!


La soirée débute par Idomeneo et par son ouverture, jouée avec brio. La direction de John Eliot Gardiner est très précise, très inspirée et la musique s’enchaîne dans une logique parfaite: il insiste le côté sombre de Mozart dans le début de l’ouverture. Kurt Streit est excellent dans Idomeneo car il confère une souveraineté au personnage: la voix est claire et percutante. Le roi évolue au cours du finale de l’acte II et à la fin du passage il laisse éclater sa colère mais sans jamais perdre de sa superbe. Lina Markeby commence sa prestation par des sons un peu stridents mais cette impression s’atténue par la suite. Anna Chierichetti est une Electre en demi-teinte qui possède un fond d’humanité grâce à des notes assez douces.
Changement de ton avec un Enlèvement au sérail particulièrement survolté! On découvre Nicholas Watts en Pedrillo qui montre un certain humour dans le duo “Vivat Bacchus”. Kurt Streit apporte toute sa noblesse et son élégance à Belmonte dans le trio “Marsch, marsch!” malgré un tempo rapide. Mais cet extrait permet surtout de faire la connaissance de Brindley Sherratt, meilleur acteur que chanteur. La voix du chanteur est belle dans le medium mais elle manque un peu de corps dans les graves. En revanche il incarne parfaitement le gardien du sérail et prend son rôle très au sérieux dans le trio. Il est surtout irrésistible quand il commence à être grisé par le vin offert par Pedrillo.
La Flûte enchantée est, entre autres, ici représentée par l’ensemble “hmm, hmm, hmm!” mettant en valeur la voix et la moue de Papageno. L’oiseleur est interprété par Christopher Maltman, qui produit une très grosse impression. En effet il possède la qualité vocale, l’expressivité et les talents scéniques nécessaires pour faire de Papageno un personnage touchant et humain. Il chante le dernier air “Papagena…” avec une large palette de couleurs pour approcher au plus près de la psychologie du personnage. Ainsi il varie le volume de sa voix suivant la douleur ou l’enthousiasme de Papageno ainsi que dans les différents “eins, zwei, drei…” et sa voix devient sombre et chaleureuse dans le “Gute Nacht”. Le fameux “pa-pa-pa-pa” est chanté avec légèreté et bonheur. Dommage que sa Papagena, autrement dit Elin Manahan Thomas, ne soit absolument pas à la hauteur! La voix est inaudible, elle surjoue… et n’apporte pas à Papagena la fraîcheur appropriée. Tamino est chanté par Nicholas Watts, qui sort de sa réserve de Pédrillo pour révéler une voix puissante et valeureuse. Camilla Tilling semble un peu sur la retenue dans “Ach ich fühl’s”, même si elle confère à cet air une certaine grâce. La montée dans les aigus n’est pas toujours réussie et elle sera plus à son aise dans Susanna.
Le finale du premier acte de La Clemenza di Tito n’est pas forcément le meilleur passage pour apprécier Lina Markeby en Sextus. La voix est parfois acide et manque un peu de personnalité malgré des efforts manifestes de la part de la chanteuse. Elle s’investit totalement dans le personnage et, finalement, “ça marche”, mais elle ne peut souffrir la comparaison avec une Susan Graham, par exemple. Le rôle de Servilia n’est pas très bien servi non plus par Patrizia Biccirè, à l’instrument un peu faible, alors que Camilla Tilling, en Vitellia, semble plus assurée et plus convaincante que dans Pamina. John Eliot Gardiner, en revanche, est remarquable d’engagement musical dans le récitatif de Sextus.
La seconde partie du concert regroupe la trilogie de Da Ponte, à commencer par Cosi fan tutte. John Eliot Gardiner a choisi de jouer la scène entre les quatre amants au moment du départ des jeunes gens et la scène de désespoir de Dorabella, avec bien sûr le fameux trio. Le chœur, toujours aussi précis, fait merveille dans “Bella vita militar”, rendant le contraste encore plus saisissant avec “Di scrivermi”, chanté comme une longue plainte. Camilla Tilling n’a pas les épaules assez larges pour déjà aborder Fiordiligi et elle en fait un personnage presque ridicule à force de pleurer. Anna Chierichetti conserve une certaine classe dans ce quintette, tandis que Gugliemo, Christopher Maltman, chante avec une certaine distance pour souligner l’invraisemblance de cette scène de larmes. Matthew Brook, en Don Alfonso, a la voix du rôle mais il en fait beaucoup trop! Dommage, car il possède la vivacité et l’agilité adéquates pour exprimer les rires qui l’étouffent. Reste Patrizia Biccirè, nettement plus à son avantage, qui incarne une Despina piquante. Mais pourquoi avoir donné à chanter à Fiordiligi et à Dorabella le “Smanie implacabili”? Non seulement l’intrigue est bafouée mais également l’intention musicale de Mozart très rigoureux dans le choix des voix dans cet opéra!
Place ensuite aux Nozze di Figaro et au merveilleux final du deuxième acte. Christopher Maltman monte dans la hiérarchie sociale et devient le Comte, ce qui lui demande quelques mesures d’adaptation. Ce n’est vraiment qu’au moment des “silenzio” qu’il prend une attitude scénique différente et une voix en conséquence. Il devient de plus en plus méchant quand il demande à la Comtesse la clé de son cabinet et le chanteur dessine un Comte véritablement intraitable, même dans ses demandes de pardon à Rosina. La Comtesse a une voix un peu trop jeune pour le rôle, du moins au début de l’extrait car Anna Chierichetti se reprend et devient plus autoritaire. Camilla Tilling est dans son meilleur rôle et elle brosse le portrait d’une Susanna mutine, fine et amoureuse: son personnage a bien évolué depuis les représentations d’Aix en 2001. La voix est plus légère et plus fraîche que dans Cosi. Kyle Ketelsen fait ses débuts dans le concert avec Figaro et si l’on peut regretter une voix un peu faible, on se doit de souligner sa prestance scénique et son aisance à tromper le comte. La scène avec le cachet est significative car John Eliot Gardiner ne se prive de faire monter la tension et le chanteur donne peu à peu les mots qu’attend le comte: une belle joute vocale et musicale entre Christopher Maltman et Kyle Ketelsen. Les rôles secondaires sont corrects à commencer par un Basilio de luxe en la personne de Kurt Streit.
Christopher Maltman change de costume (au sens propre du terme et sur scène…) pour revêtir les vêtements de Don Giovanni. Il n’a rien d’un séducteur damné parce qu’il essaie surtout de donner une vision très sombre du personnage, presque effrayante. La dernière scène entre le Commandeur, Leporello et Don Giovanni est particulièrement prenante et John Eliot Gardiner maintient la tension et l’angoisse pendant tout le passage: les grandes vocalises qui ponctuent le discours du commandeur sont terrifiantes! Savoir si le commandeur a les notes dans les voix et si Kyle Ketelsen est audible au delà du dixième rang sont vraiment des considérations déplacées tant l’interprétation est forte.



Cette formule est plus qu’intéressante et en deux heures, le public peut réécouter les plus beaux extraits des opéras importants de Mozart. L’émotion passe très bien, l’exécution musicale est, à quelques moments, bien supérieure à ce que l’on peut entendre sur d’autres scènes parisiennes. Mozart est ici fêté avec respect de son œuvre (mise en espace à part) et avec admiration et l’enthousiasme musical et mozartien de John Eliot Gardiner est à féliciter!





A noter:
- John Eliot Gardiner sera de nouveau à Paris pour un “domaine privé” à la Cité de la musique et à la Salle Pleyel, du 10 au 17 février 2007.


Manon Ardouin

 

 

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