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Le donneur de sérénades!

Lille
Opéra
10/12/2006 -  
Mélodies de Albert Roussel, Gabriel Fauré, Francesco Paolo Tosti…
Yann Beuron (ténor), David Zobel (piano)

Le nom de Yann Beuron est immédiatement associé à ceux de Pâris, Orphée ou Mercure. Toutefois ce chanteur peut se transformer en subtil “donneur de sérénades” et mettre sa voix élégante et raffinée au service des plus grands compositeurs de mélodies. Dans ce récital il propose un voyage en compagnie de Roussel, Fauré, Tosti… où les émotions musicales les plus diverses s’épanouiront.



Yann Beuron ouvre la soirée avec des extraits de cycles de mélodies d’Albert Roussel. Il chante les deux premières mélodies avec une certaine retenue, non dénuée de distinction pour se détendre dans les suivantes. Il met parfaitement en valeur les mots des textes avec des nuances sur les fins des phrases, etc… Dans Amoureux séparés, il peint avec subtilité les sentiments de tristesse du personnage notamment dans “la brise changeante” où, effectivement, sa voix devient plus légère, plus aérienne. Il termine avec une “bien-aimée” en mezza-voce très efficace. Le chanteur use beaucoup du procédé de l’allongement des notes comme dans “deux fleurs font une broderie” quand il décrit avec sensualité la posture de la belle pour terminer sur l’épingle à cheveux. Dans Adieux, la voix devient plus puissante et plus volontaire et l’interprète se dégage du solfège pour se laisser prendre par la musique. Enfin Vieilles cartes, vieilles mains laisse poindre un certain humour de la part du ténor.
Gabriel Fauré est un compositeur qui convient parfaitement à Yann Beuron. Il peut laisser libre cours à la beauté de sa voix et à son interprétation si proche du texte: en quelques minutes, il parvient à raconter une histoire. Les trois premières mélodies sont tirées de Poème d’un jour. Le chanteur se montre très expressif dans Rencontre puisque le soleil décrit dans le texte de Charles Grandmougin transparaît à travers les couleurs aiguës de sa voix surtout dans “affermie”. L’instrument ne manque pas non plus de velours dans des termes qui demandent de la douceur “charme, mystérieuse”, etc… Adieu est également exécuté avec précision: après une entrée douce et fine, la mélodie meurt sur un adieu final rendu par un fil de voix. Les Cinq mélodies de Venise suivent avec une préférence pour “En sourdine”. Dans cette œuvre, Yann Beuron associe beauté vocale, notes douces et soutenues et effets de nuance. Absolument magnifique! Les autres mélodies sont très bien interprétées aussi avec de bonnes vocalises dans Mandoline, une attention portée sur les attaques des phrases.… Dans C’est l’extase le chanteur s’approche au plus près du texte avec des notes épurées, aériennes et superbes. Il conclut le chapitre Fauré avec le Madrigal de Shylock qui requiert une certaine ironie qu’il peint avec une voix plus vive et légère tout en restant proche de l’intrigue: le “rit” est souligné par un sourire dans la voix.
Yann Beuron est un grand mozartien et on ne compte plus les rapports élogieux sur ses Belmonte et autre Ottavio: il retient ici un air de concert Misero! O sogno… (K. 431). Il vit la douleur du personnage, ses angoisses et ses peurs dans la partie récitatif avec grande vérité. La dernière phrase, adieu à sa belle, est d’une grande émotion car il semble retenir les notes, ne les distiller que l’une après l’autre dans “l’ultimo addio”. En revanche dans la partie chantée il “explose” littéralement avec une forte puissante et un engagement remarquable. Il soutient les notes en alimentant au fur et à mesure et avec un vibrato qui se développe. Son interprétation ne serait pas complète s’il n’apportait pas toute l’élégance nécessaire au compositeur.
Le concert jusqu’ici très sérieux, se détend un peu avec quelques mélodies de Francesco Paolo Tosti. Tout d’abord la Preghiera qui laisse encore à Yann Beuron le soin de montrer son aisance vocale sur la fin de la mélodie: “Signor, Pietà!”. La Chanson de l’adieu a rarement été chantée avec autant d’inspiration: en effet les termes de la mélodie sont très connus mais ils prennent une nouvelle couleur à travers son interprétation. Il insiste sur les nuances et sur-articule pour donner encore plus d’émotion. L’Italie s’installe dans la salle, ensuite, avec la chanson du pêcheur Il pescatore canta! Yann Beuron la chante magnifiquement mais peut-être trop bien d’ailleurs: les appoggiatures ne sont pas assez rapides et il manque un petit peu de soleil. En revanche les dernières notes en legato sur les “ah…” sont superbes, brillantes dans les aigus et cette mélodie achève d’emporter l’adhésion du public. Il la rechantera en tout dernier bis et cette fois il sera moins crispé: le rythme et l’élan tout italien et populaire seront nettement plus palpables.
Yann Beuron termine son concert avec une pièce d'Ildebrando Pizzetti, I Pastori, qui est une sorte de démonstration de l’état actuel de sa voix. Une belle conclusion ou bien une belle introduction à qui veut mieux le découvrir…
Devant un public qui ne résiste pas à lui offrir une standing ovation, Yann Beuron revient avec trois bis, un air anglais, une mélodie de Pergolesi et surtout la Danza de Rossini. Dans cette œuvre très difficile, il ne se laisse pas démonter par le tempo très rapide adopté par un David Zobel remarquable: dans un italien parfait, il alterne des notes sombres à peine murmurées et des aigus brillants sur les “lalala”. Avec une simplicité confondante, Yann Beuron propose ensuite au public de reprendre des mélodies chantées au cours du concert et à la demande générale, il rechante Ideale et Il pescatore canta!.



Yann Beuron pratique assez peu l’art du récital et c’est bien dommage car il a beaucoup à apporter à une musique plus intime. Ce concert aura permis de le découvrir sous un autre jour et c’est une raison de plus pour l’admirer et suivre son parcours qui s’annonce comme celui d’un très grand chanteur!




A noter:
- Yann Beuron a enregistré les mélodies de Roussel chez Timpani.
- On le retrouvera sous les traits de Pâris à l’opéra du Rhin du 23 décembre 2006 au 25 janvier 2007 et sous ceux de Gonzalve de L’Heure espagnole au Covent Garden du 30 mars au 24 avril 2007.


Manon Ardouin

 

 

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