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Ysaÿe, l’inspirateur Paris
Musée d'Orsay
10/10/2006 -
Ernest Chausson : Poème, opus 25
César Franck : Sonate pour violon et piano
Clara Cernat (violon), Thierry Huillet (piano)
La suite du cycle «Maurice Denis et la musique» au Musée d’Orsay évoquait, à nouveau devant un nombreux public, l’amitié nouée, dans les années 1890 grâce au salon du peintre et mélomane Henry Lerolle, entre le chef de file des nabis et Ernest Chausson, qui, malgré sa disparition prématurée en 1899, avait acquis, si l’on en croit l’excellente présentation due à Adélaïde de Place, pas moins de seize toiles de l’artiste. Mais ce concert faisait inévitablement penser à une autre importante personnalité musicale de cette fin de siècle, Eugène Ysaÿe, dédicataire et créateur des deux phares de la littérature violonistique de la fin du XIXe siècle inscrits au programme.
Clara Cernat et Thierry Huillet, qui ont par ailleurs constitué avec Ophélie Gaillard le Trio Waldstein, forment un duo depuis une dizaine d’années. Cela se remarque, car dans des œuvres aussi célèbres, ils parviennent à faire entendre, sans tapage ni extravagance, une voix personnelle. Ce n’est pas en effet par l’éclat et le brillant, ni même par le souci de précision, que la violoniste roumaine convainc avant tout, mais par un bras droit d’une grande sûreté, qui lui permet de construire de magnifiques phrasés et de conduire fermement le discours. Dépourvu de ce pathos dont il est si souvent accablé, le Poème (1896) bénéficie ici d’une expression toujours très tenue, traduisant un sentiment d’intimité et de fragilité, bien dans l’esprit de cette adaptation réalisée par Chausson lui-même, où le piano remplace l’accompagnement orchestral.
De même, la Sonate (1886) de Franck apparaît idéalement équilibrée, plus apollinienne que dionysiaque, grâce à des interprètes sachant s’effacer devant la partition avec humilité mais sans fadeur: un piano aérien et nuancé, en osmose avec un violon dont le legato, somptueux sans être sirupeux, dispense une superbe qualité de chant, et dont le vibrato, judicieusement dosé, exprime une sensibilité toute de pudeur et de sérénité, loin des grandes démonstrations extérieures auxquelles ces pages donnent trop souvent lieu.
En bis, les deux musiciens donnent une Fugue-Tango chromatique et véhémente, mais non sans humour, tout juste écrite par Thierry Huillet en vue d’une tournée qu’ils vont prochainement entreprendre en Argentine.
Le site de Clara Cernat et Thierry Huillet
Simon Corley
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