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Le roi Idoménée!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/15/2006 -  et 9 (Mortagne-au Perche), 17 (Lyon) septembre 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Idoménée
Paul Agnew (Idoménée), Tuva Semmingsen (Idamante), Claire Debono (Ilia), Carlo Allemano (Arbace), Violet Noorduyn (Elettra)
Elsa Rooke (mise en espace)
Orchestre et Chœur des Arts Florissants
William Christie (direction)

Anniversaire oblige, William Christie continue son voyage dans l’univers du compositeur autrichien, avec plus ou moins de réussite. Il présente, en version concertante, un Idoménée qui ne manque pas d’intérêt mais qui est surtout servi par une distribution jeune et enthousiaste. L’ensemble est soutenu par Paul Agnew qui fait ses grands débuts dans un rôle important de Mozart et sa prestation force l’admiration.



Pour donner un peu plus de vie au concert, une petite mise en espace a été conçue par Elsa Rooke: deux estrades entourent le chef d’orchestre et les chanteurs peuvent s’y asseoir, s’y appuyer. Tout ce petit monde court beaucoup dans tous les sens (l’arrivée de Paul Agnew presque hirsute et celle de Carlo Allemano) et donne un semblant de mouvement à l’œuvre. Le débat semble de nouveau rouvert: vaut-il mieux une version mise en espace qu’une version scénique? Certes les avis peuvent être partagés mais, au moins, la musique de Mozart n’a pas été ce soir défigurée par un metteur en scène qui connaît mieux que personne l’œuvre! Les émotions des personnages passent tout aussi bien (et peut-être même mieux…) et la musique peut se développer, le drame se mettre en place.



Le rôle-titre est interprété par un Paul Agnew étonnant. On connaît ce chanteur pour ses nombreuses incarnations de héros baroques d’Hippolyte à Valère en passant par Platée, mais on le connaît moins comme ténor di grazia, ténor mozartien. Dans ce répertoire Paul Agnew peut exploiter toute la longueur de sa voix (les graves sont bien sûr encore à étoffer car un peu faibles) et surtout son indéniable potentiel scénique: il est vrai que dans les rôles baroques un peu fades il n’avait pas vraiment pu donner l’ampleur de son talent. L’air “Fuor del mar”, d’une grande difficulté autant musicale que vocale, lui permet de se surpasser: il insuffle une grande énergie aux notes - et donc au personnage - et rend sa voix plus puissante pour traduire la colère d’Idoménée. Ses autres interventions sont aussi bien belles et compensent un air d’ouverture chanté un peu sur la retenue. La voix est encore un petit peu trop baroque et Paul Agnew, s’il continue à aborder ce répertoire, doit apporter davantage de vibrato à sa voix: seules les notes tenues longuement vibrent un peu à la fin. Toutefois cette douceur baroque est parfaite dans la prière à Neptune et il est sûr que le dieu ne peut qu’accéder à une telle demande! Il se montre aussi un diseur inspiré, très minutieux du texte: dans le premier air, il insiste, avec des nuances vocales, sur le terme “qual spavento”.



Claire Debono campe une émouvante Ilia, très douce dans sa voix et avec un soutien remarquable. Son premier air “Padre, germani, addio” est chanté avec une certaine colère rentrée qui convient parfaitement aux sentiments présents du personnage. Dans “Se il padre perdei”, la chanteuse trouve les accents nécessaires pour exprimer la douleur de la jeune fille mais une douleur emprunte d’espoir grâce aux couleurs fruitées et ensoleillées utilisées au début de l’air. Enfin le fameux “Zeffiretti lusinghieri” la place un peu en difficulté parce que la voix ne semble pas entièrement libre et agile dans les vocalises.



Tuva Semmingsen est un Idamante convaincant: la voix est agréable à écouter, généreuse et agile et la chanteuse est suffisamment bonne actrice pour traduire le caractère un peu entier du personnage. Elle compose un couple bien touchant avec Ilia et leurs deux voix s’assemblent harmonieusement.



Carlo Allemano est, avec Paul Agnew, de toute évidence le meilleur élément du concert. Dès ses premières notes il montre un instrument en parfaite santé, sonore et puissant et son jeu théâtral ne nécessite ni costume ni mise en scène pour parvenir à créer une ambiance et à développer un personnage, pourtant bien annexe dans l’intrigue.



Violet Noorduyn est une chanteuse aux multiples voix, pourrait-on dire. En effet quand elle aborde son premier air, la voix est presque rauque, très sombre et un peu engorgée. En revanche, elle travaille tellement son personnage qu’elle l’humanise vocalement progressivement pour terminer dans un air somptueux et riche de colère et de haine envers les autres personnages. Cette dernière intervention lui vaut un véritable triomphe public tant son engagement est palpable. Au cours de cette évolution, elle interprète “Idol mio, se ritroso” avec beaucoup de tendresse et une voix plus jeune: elle laisse la fin de son air mourir peu à peu et on peut y lire la faiblesse du personnage.



William Christie donne le ton de la soirée dès les premières mesures de l’ouverture: on va écouter un Mozart violent et vif! Cette optique convient pour certains passages et est à saluer (“Fuor del mar”, dernier air d’Electre) mais parfois cette impression de rapidité n’est pas toujours nécessaire. Le chef se montre très attentif au texte particulièrement dans les récitatifs: dans “Estinto è Idomeneo” chanté par Electre, il demande à son orchestre de souligner les différentes phrases de la jeune femme par des sons vifs et tendus. Le Chœur des Arts Florissants est absolument remarquable: il possède un dynamisme extraordinaire notamment dans le final des actes: à la fin du deuxième acte, il se montre très incisif et le phrasé s’apparente à des vagues musicales.



Une interprétation d’Idoménée peu commune mais qui mérite d’être saluée ne serait-ce que pour la prestation sensible de Paul Agnew. William Christie n’est peut-être pas le plus habilité à diriger Mozart mais il semble y prendre tellement de plaisir que forcément le résultat est plus convaincant. La distribution est composée de jeunes chanteurs à suivre que l’on prendra plaisir à retrouver dans d’autres productions.




A noter:
Idoménée sera donné à Garnier dans une version plus classique avec Ramon Vargas, Joyce di Donato, etc… du 30 novembre au 29 décembre.


Manon Ardouin

 

 

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