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Au coeur du sérail!

Saint-Céré
Château de Montal
07/28/2006 -  et les 1er, 5, 6 et 8 août 2006.
Wolfgang Amadeus Mozart : L’Enlèvement au Sérail

Anne-Sophie Domergue (Constance), Isabelle Philippe (Blonde), Stéphane Malbec-Garcia (Belmonte), Eric Vignau (Pedrillo), Jean-Claude Sarragosse (Osmin), Michel Fau*/Christophe Lacassagne (Pacha Selim)
Jérôme Kaplan (costumes), Patrice Gouron (décors et lumières), Olivier Desbordes (mise en scène).
Quatuor à cordes et piano
Sandrine Abello (direction)

Année Mozart oblige, le festival de Saint-Céré laisse une large place au compositeur dans sa programmation, avec deux de ses opéras les plus fameux, le Requiem, etc… L’enlèvement au sérail, exécuté dans le ravissant cadre du château de Montal, est ici présenté dans une version quelque peu particulière puisque les dialogues sont en français tout comme le texte de l’opéra. Olivier Desbordes s’en explique dans le programme en disant que, par souci de lisibilité, il préfère donner la version française de 1859. Quelques modifications ont lieu par-ci, par-là (le terrible “Martern aller arten” est confié à Blonde et non à Constance…) mais rien qui n’entame la qualité de cet opéra. L’équipe musicale et l’équipe scénique s’unissent pour produire un charmant spectacle qui, en quelques notes et en quelques gestes, nous conduisent dans l’univers oriental du Pacha Selim.



La mise en scène est très simple, elle suggère plus qu’elle ne montre. Une toile de tente légèrement orientale est plantée et à chaque coin est placé un croissant en fer. Des théières et autres encens soulignent la présence d’un pacha: quelques coffres et tapis servent de décor mais tout cela reste bien discret. La direction d’acteurs est très précise et sert l’oeuvre pour la rendre plus abordable.
La troupe de chanteurs est loin d’être homogène. Alors qu’elle fut une Nanetta remarquable l’année dernière, Anne-Sophie Domergue semble en difficulté dans le costume de Constance. En effet ce rôle est redoutable vocalement parlant car il demande une grande agilité dans les aigus ainsi qu’une bonne puissance dans le medium et le grave. Si ces deux parties de la tessiture sont parfaitement rendues - et on ne peut que louer la qualité du timbre de la chanteuse et sa rondeur dans les notes intermédiaires - , il est à déplorer que ses aigus, atteints cependant, soient si petits et dépourvus de corps. Dans l’air “welcher Kümmer”, la soprano commence assez timidement mais termine avec une énergie intéressante et un engagement dramatique qui fait oublier ses difficultés vocales. Dommage car elle apporte une certaine élégance à l’ensemble quand les quatre chanteurs se retrouvent. Elle dessine une Constance douce, sensible, assez prête à succomber au Pacha s’il n’y avait Belmonte…
Isabelle Philippe est parfaite dans le rôle de Blonde. La mise en scène décrit une Blonde peu farouche et assez mutine mais elle lui apporte une dimension supplémentaire: Blonde n’est pas insensible à Osmin car en l’hypnotisant il arrive à lui dérober un baiser et, à la fin de l’opéra, elle a du mal à le quitter. La voix de cette jeune soprano est un mélange de douceur et de perles notamment dans les aigus. Elle chante avec aplomb le “Welche Wonne” mais trouve toute sa musicalité dans le “Martern aller arten”: elle semble habitée par la musique et par le personnage et l’accompagnement délicat du piano et des quelques musiciens donne davantage à entendre un air de concert qu’un air d’opéra. Les longues vocalises ne lui posent aucun problème et plus l’air avance, plus sa colère augmente avec un dosage précis de l’intensité dramatique.
Stéphane Malbec-Garcia est une bonne découverte car il réussit à allier élégance du chant mozartien et expressivité dramatique. En général les héros mozartiens (campés par des ténors di grazia) sont assez fades et naïfs mais il n’en est rien dans son interprétation car il donne un certain poids à son personnage (à noter toutefois qu’il est mort de peur devant Osmin, du moins au début!). Son air d’entrée, même s’il laisse voir quelques petits problèmes techniques, plante bien le décor et il clame avec enthousiasme et douceur son amour pour Constance. Il y exécute de jolis piani et il possède un phrasé délicat. Plus la représentation avance, plus le chanteur se sent à l’aise pour véritablement exploser dans son dernier air: ses gestes sont moins convenus et il laisse la musique s’échapper. Un nom à retenir!
Eric Vignau est également très bon dans le rôle du valet Pedrillo. Il amuse beaucoup le public quand il remue la bouteille de vin, qu’il va offrir à Osmin, avec du narcotique au rythme de la marche turque! Sa voix est subtile et riche de couleurs notamment dans la sérénade au dernier acte: il la reprend en mezza-voce avec assurance et musicalité. Cela ne l’empêche pas de dévoiler une voix puissante dans le duo “Vivat Bacchus” qu’il chante sur un rythme endiablé avec Osmin, qui jette son vin…
Jean-Claude Sarragosse est un excellent Osmin, tonnant quand il le faut, tendre avec Blonde. La prononciation de ce chanteur est excellente et il peut donc en jouer pour dessiner son personnage. Il chante avec une certaine distance ses “tra la lère” dans son premier air, comme s’il était blasé de tout. Il est à noter le moelleux de sa voix ainsi que ses graves particulièrement sonores et très effrayants quand il déchaîne toute sa colère contre Pedrillo!
Michel Fau incarne un Pacha Selim très étrange. Le débit de sa parole est lent, absent et presque vulgaire. Ils ont sûrement voulu faire du Pacha un être assez naïf, faible, presque idiot, et dans ces conditions, la conduite de Constance n’en est que plus justifiée! Il ne montre aucune noblesse, si ce n’est dans ses vêtements, et à la fin de l’opéra où il reste droit, fermé et impassible au milieu de ses tapis.


L’orchestre est excessivement réduit puisqu’il s’agit d’une adaptation pour quatuor à cordes et piano. Mais l’ambiance orientale et la valeur de la musique de Mozart ne s’en trouvent absolument pas diminuées, au contraire. Ce côté intimiste associé au lieu permet de rentrer au plus profond de l’action et d’apprécier davantage la partition. L’ouverture est bien rendue avec le triangle (tenu par Eric Vignau) qui marque les temps et Sandrine Abello ne perd pas de vue l’idée que L’Enlèvement est un opéra qui demande une grande dynamique et un entrain tout en laissant une grande place à l’émotion (rendue par des violons pleureurs).



Un spectacle très agréable à écouter et à regarder. Tous les ingrédients sont réunis pour passer une plaisante soirée, à commencer par l’accueil du public: les ouvreurs sont habillés à la mode orientale et de l’encens brûle, quelques spectateurs sont assis sur des tapis, au plus près de la scène de l’intrigue.


Manon Ardouin

 

 

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