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Ballet fleuve ?

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Opéra du Rhin
06/13/2006 -  et les 14, 15, 17 et 18 juin à Strasbourg
Hans Werner Henze : Undine
Christelle Molard (Ondine), Alexandre van Hoorde (le Chevalier), Stéphanie Madec (Béatrice), Ballet du Rhin, David Nixon (chorégraphie), Jérôme Kaplan (décors et costumes), Orchestre Symphonique de Mulhouse, Christoph Mueller (direction)

En regard de l’ensemble de la carrière de Hans Werner Henze, qui fête prochainement ses quatre-vingts ans, le ballet en trois actes Ondine, composé en 1957, peut sembler d’une importance relativement marginale. Henze s’y est certes totalement dégagé de la parenthèse conformiste de Darmstadt, mais son sens mélodique inépuisable a tendance à s’épancher anarchiquement dans cette partition fleuve, qui semble manquer d’armature. A une autre échelle on retrouve dans cette Ondine la démesure de l’Opéra König Hirsch, qui date de la même période, avec de surcroît une surenchère dans le néo-classicisme qui procède moins d’une volonté délibérée que de la forte pression exercée par Ronald Ashton, qui désirait à l’époque un ballet ouvertement conventionnel. Henze parviendra ultérieurement à des compromis plus aboutis, tout en conservant cette accessibilité naturelle qui lui vaut aujourd’hui une position indiscutable dans l’histoire de la création musicale du siècle dernier.


En l’état, Undine est une partition trop longue pour un ballet, qui déborde d’un matériel mélodique presque trop riche que Henze n’hésitera d’ailleurs pas à recycler dans des partitions ultérieures. Somme toute, au sens propre du terme, il s’agit encore d’un « chef-d’œuvre » d’apprenti, pour un compositeur en train de consolider son style.


Dans l’univers de la danse, la perspective est évidemment très différente, et pouvoir disposer avec Undine de l’un des plus tardifs spécimens de grand ballet d’action en plusieurs actes, doté de surcroît de l’une des musiques les plus intéressantes du genre (avec Roméo et Juliette de Prokofiev et Le Prince des Pagodes de Britten) reste alléchant. Une belle occasion à saisir pour Bertrand d’At et le Ballet du Rhin, ce d’autant plus que les reprises de l'ouvrage sont restées relativement rares depuis sa création à Covent-Garden en 1958, marquée par la prestation historique de Dame Margot Fonteyn dans le rôle principal.


Plutôt que de reprendre la chorégraphie originale de Ronald Ashton, Bertrand d’At a préféré tenter une création nouvelle, confiée à un danseur issu de l’école du ballet de répertoire. Loin de tenter un improbable dépoussiérage, David Nixon, ancien soliste au Ballet du Deutsche Oper de Berlin, a préféré jouer le jeu d’une certaine convention. Des choix prudents, que d’aucuns pourraient juger timorés, pour une danse essentiellement « fluide » (pour le mythe d’Ondine c’est bien le moins que l’on puisse proposer) qui ne marque guère l’œil par rapport au vocabulaire visuel habituel du ballet classique. Somme toute n’importe quelle rétrospective Balanchine, Béjart ou Neumeier paraîtrait d’une modernité stupéfiante en comparaison. Rien n’empêche de considérer ce relatif effacement comme une option esthétique défendable, mais peut-être aurait-on dû en ce cas tenter de la fouiller davantage. Même si la caractérisation des rôles principaux est intéressante, on ne peut s’empêcher de lui trouver une répétitivité qui épuise son potentiel expressif sur la distance. Par ailleurs certains clins d’oeils insistants aux clichés du ballet académique, volontairement soulignés pour les rôles humains (dont le chorégraphe cherche à accentuer la matérialité par rapport à l’univers fantasmatique d’Ondine), finissent par tourner à l’exercice de style. Manque d’ambition relatif, donc, pour un spectacle qui reste cependant constamment agréable à l’œil (fort jolis décors, bien éclairés) et simplifie à bon escient l’argument d’origine, inutilement compliqué. Au petit jeu gratifiant du néo-classicisme, rien n’empêche toutefois de rappeler que l’Apollon Musagète de Stravinsky/Balanchine reste d’une incroyable fulgurance en comparaison, même si une telle mise en perspective n’est que partiellement licite (les contraintes de longueur à gérer ne sont pas du tout les mêmes).


Sur scène, on aura pu apprécier le très haut niveau technique actuel du Ballet du Rhin, ainsi que trois prestations solistes pleinement convaincantes : l’Ondine très expressive de Christelle Molard, le Chevalier d’une robustesse plus terrienne d’Alexandre van Hoorde et la Béatrice énergique de Stéphanie Madec. Très belle performance physique de l’ensemble des chevaliers au III, qui déclinent tout leur vocabulaire classique avec beaucoup d’élan.


En fosse on aurait en revanche pu souhaiter d’avantage d’éclat et de rondeur que les sonorités insuffisamment nourries de l’Orchestre de Mulhouse, qui défend pourtant la partition avec un louable souci du détail et une mise en place rythmique sans défaut. Même si le confort sonore n’y est pas toujours, c’est inévitablement vers ces musiciens que l’attention se tourne, quand l’intérêt de la danse plafonne, et avouons que la partition de Henze, même trop généreuse, en vaut indiscutablement la peine. Dans cette perspective il était courageux de restituer le ballet intégralement, sans aucune coupure. Cela dit, si l’oreille et la rigueur musicologique y gagnent, le rythme de la soirée, lui, n’y trouve pas son compte.



Laurent Barthel

 

 

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