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Le reçu et la facture

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/23/2006 -  
Johann Sebastian Bach : Schafe können sicher weiden, BWV 208 n° 9 (arrangement Egon Petri) – Chaconne de la Deuxième partita pour violon, BWV 1004 n° 5 (arrangement Johannes Brahms)
Dina Koston : Messages I
Leon Kirchner : Music for left hand
Igor Stravinsky : Sérénade en la
Franz Schubert : Sonate n° 23, D. 960

Leon Fleisher (piano)


Chaque année, le festival Piano aux Jacobins, qui, s’il demeure associé à la fin de l’été toulousain, étend désormais ses activités printanières jusqu’à Pékin, Shanghai et Marrakech, présente certains de ses artistes au public du Théâtre des Champs-Elysées: quinze jours après Alexeï Volodin, c’était ainsi le tour de Leon Fleisher, qui fêtera ses soixante-dix-huit ans le 23 juillet prochain. Il reprenait un programme quasiment identique à celui de son récital bellifontain, voici près de deux ans, dans le cadre des Rencontres musicales organisées par ProQuartet, où l’on pourra d’ailleurs le retrouver dès le 27 mai pour un concert de musique de chambre consacré à Brahms.


Avec une première partie composite et sortant des sentiers battus, le pianiste américain ne prend pas le public dans le sens du poil: débutant avec l’arrangement par Egon Petri de l’air Schafe können sicher weiden extrait de la Cantate de la chasse (1713) de Bach, il déploie un jeu tout en finesse, ancré dans la grande tradition, qui ménage une parfaite indépendance des voix. Il donne ensuite deux pièces qui lui ont été dédiées: Messages I (2002) de son élève Dina Koston (née en 1940), présente pour l’occasion, est une sorte d’étude sinueuse et triste sur les résonances (huit minutes); quant aux sept minutes de Music for left hand (1995) de Leon Kirchner (né en 1919), elles évoquent, par leur lyrisme aux frontières de la tonalité, Scriabine ou le premier Berg.


Hormis les Trois mouvements de Petrouchka, l’œuvre pour piano de Stravinsky est peu fréquenté. Témoin de sa période «néoclassique», la Sérénade en la (1925) n’a pas grand-chose d’une sérénade mais tient davantage de l’exercice contrapuntique, avec une main gauche à l’activité incessante, et il n’est pas surprenant que des spécialistes de Bach tels que Charles Rosen ou Tatiana Nikolaeva aient compté parmi les rares interprètes à s’y intéresser. Si sa technique se révèle tout à fait convaincante, Fleisher semble cependant hésiter entre un second degré à la Satie et la tentation de conférer de la couleur à cette musique en noir et blanc.


Préférant au spectaculaire arrangement de Busoni l’austère Etude de Brahms (1877), pour la seule main gauche, adaptée de la Chaconne de la Deuxième partita (1720) de Bach, c’est un nouveau regard qu’il jette sur ces trente années durant lesquelles il fut privé de l’usage de sa main droite et sur un répertoire qu’il a lui-même contribué à élargir. A force de modestie et de recul, son approche uniforme et peu expressive manque cependant de vie et d’élan.


En seconde partie, Fleisher, toujours partition sous les yeux, conquiert le public parisien dans une Vingt-troisième sonate (1828) de Schubert pourtant sans concession. Le silence tarde à se faire, un spectateur se propose d’envoyer «à l’hôpital» les tousseurs de service, le pianiste échange un regard amusé avec son tourneur de pages, puis il se lance dans un Molto moderato sans autre extravagance qu’une radicale simplicité – tout le contraire de la facilité – et d’où toute rhétorique et toute monumentalité, malgré le respect de la reprise, sont bannies. Le dépouillement est encore plus accentué dans l’Andante sostenuto, au tempo très retenu: le renoncement domine ces ultimes pages schubertiennes, mais ne se prive pas pour autant de grandes beautés pianistiques, avec une sonorité comme dégagée de toute contingence physique ou terrestre. Les deux derniers mouvements, nettement plus allants, et ce au prix de quelques accrocs, marquent la sortie du rêve et en paraîtraient presque, par contraste, trop vifs et extérieurs.


Fleisher explique que tout bis serait trivial après un tel chef-d’œuvre, préférant rappeler que son maître Artur Schnabel avait coutume de dire que les applaudissements étaient un reçu et non une facture…


Le site de Piano aux Jacobins



Simon Corley

 

 

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