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Sextus héros du Capitole

Geneva
Bâtiment des Forces Motrices
04/26/2006 -  et 28, 30 avril, 2, 4, 6, 8, 10, 12*, 14 mai 2006
Wolfgang Amadeus Mozart: La clemenza di Tito, K. 621
Charles Workman (Titus), Anna Caterina Antonacci (Vitellia), Corinna Mologni (Servilia), Joyce Di Donato (Sextus), Marie-Claude Chappuis (Annius), Martin Snell (Publius)
Chœur du Grand-Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (préparation:), Orchestre de chambre de Lausanne, Christian Zacharias (direction musicale)
Yannis Kokkos (mise en scène, décors et costumes), Patrice Trottier (lumières)


Etrange destinée que celle de La clemenza di Tito, l’avant-dernier opéra de Mozart! La partition a longtemps été sous-estimée parce qu’œuvre de commande écrite en un temps record (18 jours). C’est oublier cependant que durant la décennie qui a suivi la mort du compositeur, c’était l’opéra le plus joué, avant qu’il disparaisse complètement de la scène lyrique au cours du XIXe siècle. Et il faudra attendre la seconde moitié du XXe siècle pour assister à sa réhabilitation. Aujourd’hui, l’œuvre est l’une des plus appréciées du maître de Salzbourg, comme vient opportunément le rappeler la sortie, coup sur coup, de deux enregistrements (voir plus bas). Et, sur le papier au moins, la production du Grand Théâtre de Genève s’annonçait comme l’une des plus enthousiasmantes de cette année-anniversaire. Au final toutefois, la déception est grande, à la mesure des attentes.


Car on attendait beaucoup du retour de l’Orchestre de Chambre de Lausanne dans la fosse genevoise et surtout de la présence de son chef titulaire, le pianiste Christian Zacharias, dont c’était le début à l’opéra. Si les sonorités sont belles, les attaques précises et l’équilibre sonore idéal, la tension dramatique fait défaut, de même que la variété des accents, ce qui dégage une impression globale de monotonie, voire de fadeur, comme si la musique ne disait plus rien des déchirements intérieurs des personnages. Et les fausses notes sont nombreuses dans les rangs des musiciens, signe peut-être d’une certaine fatigue ou d’un relâchement au terme d’une longue série de représentations.


On attendait aussi beaucoup de la distribution, quasi discographique. Or seule Joyce Di Donato tire son épingle du jeu. Après sa fantastique Elisabetta dans Maria Stuarda sur cette même scène, la mezzo américaine engrange un nouveau succès. Son Sesto est tout simplement époustouflant, tant dans la virtuosité technique – des moyens vocaux exceptionnels lui permettent de faire fi des passages d’agilité de la partition – que dans la composition du personnage, campant avec intelligence et finesse un confident et amant fragile et vibrant à la fois, aux élans pleinement convaincants. En Vitellia, Anna Caterina Antonacci est à des années-lumières de sa sublime Cassandre parisienne. Scéniquement, elle paraît empruntée, comme perdue sur le plateau du BFM, et n’a plus rien de la bête de scène qui s’était imposée dans Les Troyens, qu’elle doit d’ailleurs reprendre ici prochainement. Vocalement, la chanteuse est mal à l’aise dans une tessiture où l’extrême aigu et les graves lui donnent du fil à retordre; le souffle semble par ailleurs bien court. Charles Workman est quant à lui un Titus virtuose, même si l’émission est un peu nasale et détimbrée. On retiendra en revanche la magnifique prestation de Marie-Claude Chappuis en Annius, qui vient d’ailleurs de graver le rôle pour René Jacobs (voir ci-dessous).


Yannis Kokkos a repris une production conçue il y a plusieurs années pour Bordeaux et Cardiff, mais qui n’a pas pris une ride. Dans un décor dépouillé aux lignes épurées, avec pour seul accessoire un fauteuil de marbre, il réussit à caractériser habilement chaque personnage et signe un spectacle d’une grande fluidité.


La clemenza di Tito:

2 CD Deutsche Grammophon, 00289 477 5792
Avec Rainer Trost, Magdalena Kozena, Hillevi Maltinpelto. Scottish Chamber Orchestra, Sir Charles Mackerras

2 CD Harmonia Mundi, 801923.24
Avec Mark Padmore, Bernarda Fink, Alexandrina Pendatschanska. Freibuger Barockorchester, René Jacobs



Claudio Poloni

 

 

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