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Nicolas Joel entre prolos chics et design toc

Paris
Théâtre du Châtelet
06/17/2000 -  et 20, 24 et 27 juin 2000

Gustave Charpentier : Louise
Jia-Lin Zhan (Louise), Marcus Haddock (Julien), Martine Dupuy (la Mère), Alain Vernhes (le Père), Christian Jean (le Noctambule), Marc Laho (le Pape des fous)...


Ambroise Thomas : Hamlet
Thomas Hampson (Hamlet), Natalie Dessay (Ophélie), José Van Dam (Claudius), Michelle DeYoung (Gertrude), Marc Laho (Laërte), Markus Hollop (Le Spectre du roi), Jean-Luc Maurette (Marcellus), Philippe Fourcade (Horatio), Laurent Alvaro (Polonius), Jean-Louis Mélet (premier Fossoyeur), Rodolphe Briand (second Fossoyeur)
Orchestre national du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (direction), Nicolas Joel (mise en scène)

L’idée de départ est séduisante : accueillir, chaque fin de saison, un opéra de région. Le théâtre du Capitole de Toulouse inaugure les festivités. Il investit donc le théâtre du Châtelet avec armes et bagages et, dans ses bagages, deux opéras qui, sans être précédés d’une réputation de chefs-d’oeuvre, ont le mérite de sortir des sentiers battus : Louise, de Gustave Charpentier, et Hamlet d’Ambroise Thomas. Toulouse allait peut-être aider un public un peu incrédule à aimer ce répertoire français méconnu, voire dédaigné.

Toulouse apportait malheureusement dans ses bagages un trouble-fête : Nicolas Joel, directeur artistique du théâtre du Capitole et metteur en scène de ces deux productions. Louise donna le coup d’envoi de ces réjouissances peu réjouissantes. Le rideau se lève sur un décor en papier mâché, pseudo-montmartrois – une carte postale du Sacré-Coeur sur fond de soleil couchant eût peut-être été préférable. Les variations de lumière ponctuent jours et nuits : l’aube, midi, le crépuscule... Au premier changement de décor, la façade de la maison s’envole vers le gril, un pan de mur bascule et nous sommes dans une maison soudainement ouverte comme une maison de poupées. L’heure du dîner venue, ce sont bruits d’assiettes et de couverts qui couvriront l’orchestre. La tension est insoutenable lorsque les chanteurs se servent une bonne rasade de soupe Liebig : vont-ils en renverser sur la nappe blanche ? Les tabliers froufroutants, peut-être, la soupe, non ! Ingénu n’est pas niais. Comment oser servir une mise en scène aussi peu crédible, kitsch à force de vouloir être simple ? Le comble est atteint lorsque les chanteurs ponctuent les scènes d’apartés, faisant mine de discuter, à coup de gestes convenus, désespérément muets.

C’est dommage car l’oeuvre connaît de beaux moments, ruinés par une mise en scène à peine digne d’un sitcom. La distribution est également de grande qualité. Le choeur des ouvrières est superbe, Martine Dupuy et Alain Vernhes sont extraordinaires d’investissement et très bons acteurs. La jeune chanteuse chinoise Jia-Lin Zhan, interprète du rôle titre abandonné par Renée Fleming, est parfaitement convaincante. Malgré des notes parfois attrapées par le bas, elle sait trouver la voix d’une jeune fille simple et touchante.

L’art de Nicolas Joel ne se limite pas au naturalisme au ras des pâquerettes : il sait aussi faire, et il le prouve avec Hamlet, du gothique toc. Après le papier mâché, la laque noire, des lumières sombres et bleutées, bref, de l’abs-trac-tion. Hormis quelques piliers futuro-gothiques, dont les déplacements simulent les changements de décor, et de rares meubles, très laids, le décor est dépouillé. Dépouillé, le jeu des acteurs l’est également. Peut-être Nicolas Joel les a-t-il voulus archétypiques – d’ailleurs, Ophélie est en blanc, Hamlet en noir, Gertrude la meurtrière apparaît en robe rouge sang et Claudius l’arriviste en costume (si, si). Même les archétypes ont besoin d’être dirigés : livrés à eux-mêmes, ils sont nigauds. Joel est parvenu à rendre godiche une Dessay vocalement éblouissante et d’ordinaire excellente actrice et un Van Dam dont les qualités de chant et de jeu ne sont plus à démontrer. Thomas Hampson est un Hamlet plus abruti que possédé. Les apparitions du spectre sont tout droit sorties d’un film d’Ed Wood – bref, une mise en scène qui n’est pas même passe-partout.

L’opéra d’Ambroise Thomas n’est pas passionnant, mais sa musique est souvent belle et quelques scènes génèrent une véritable intensité dramatique, comme la confrontation entre Hamlet et sa mère ou la scène de la folie d’Ophélie. Cette dernière scène est d’ailleurs victime d’un geste de mise en scène quelque peu racoleur : Nicolas Joel, qui connaît les ficelles de l’opéra, offre à Dessay un tomber de rideau, la chanteuse demeurant allongée à l’avant-scène, qui déclenche presque cinq minutes d’applaudissements – après lesquels elle finira son air, malgré un " bis " lancé du public. En lieu et place de ce spectaculaire cheap, façon Kupfer amateur, un véritable travail de mise en scène aurait permis à l’excellente distribution de cette production de défendre cette oeuvre.

Espérons que le festival des régions nous réservera l’année prochaine de meilleures surprises !



Gaëlle Plasseraud

 

 

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